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par Francis PIAN • le 4 mai 2024

Renault Flins, entre faire-valoir et désindustrialisation

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Flins. Un nom qui claque dans l’histoire du monde ouvrier de la seconde partie du 20ème siècle. Flins, c’est évidemment Renault. L’usine moderne, exemplaire, ouverte en 1952. Elle fait écho à Billancourt, l’Ile Seguin, un mythe. Et au fil des ans, ces deux usines vont disparaître. Songeons à ces milliers d’ouvrières et d’ouvriers qui y ont passé leur vie. Vincent Leglaive, ancien directeur de la communication des sites industriels de Renault, consacre aux dernières années un livre Renault Flins, une page d’histoire automobile avec en sous-titre L’usine symbole des mutations d’une industrie 1980-2010 publié aux éditions L’Harmattan en 2024. Un symbole aussi : la dernière voiture Zoé sort de chaîne en mars 2024 et c’est fini ???

L’ouvrage ne couvre pas l’histoire des usines Renault, mais une seule d’entre elles et sur une période limitée. Il s’agit donc davantage d’une monographie que d’une somme. L’ouvrage est construit sur un découpage en quatre points : un secteur économique, une entreprise multinationale, un territoire local et une population salariée. Cette dernière partie aurait pu être davantage développée. L’intérêt de l’ouvrage réside dans la présentation des choix économiques, technologiques et politiques qui aboutissent inéluctablement à un effet de la désindustrialisation. Comment en est-on arrivé là ?
Autre aspect : le choix très pertinent de regrouper notamment les données statistiques, les tableaux numériques, les illustrations à l’adresse www.pagesdeflins.fr . Cette approche évite d’alourdir l’ouvrage qui gagne en lisibilité.

De la RNUR à Renault sas
Vincent Leglaive évoque l’évolution de Renault de la Régie nationale des usines Renault, La RNUR, la marque au losange à Renault sas privatisée en montrant les effets de la modernisation, la course à la concurrence internationale. 18 millions de véhicules sortiront des chaînes : notamment les 4CV, les R4, les R12, près de 20 modèles. « Aucun autre site du Groupe n’a en effet à ce jour connu une telle diversité de modèles et un tel cumul de productions. » Rendez-vous compte du rythme : une voiture par minute et des ouvriers épuisés par les postes sur les chaînes, les gestes répétitifs qui empêchent de réfléchir.
Flins constituait la vitrine industrielle de la RNUR, une architecture moderne sur 232 hectares dont 65 bâtis. Depuis la fermeture de Billancourt, elle permettait de mesurer la température du corps social usinier. Des recrutements de personnes sans grande qualification en 1952, en draguant les villages alentours et les travailleurs immigrés, la production exige une plus grande qualification. On passe des OS aux OP, aux Bacs +2 ou 5. Les blouses blanches remplacent les bleus de travail.
Le choc économique de 1980- 1990 se traduit par une chute des effectifs, une concentration. L’analyse de l’arrivée de l’automobile japonaise est très intéressante. Pour gagner en coûts, on externalise, on exploite les sous-traitants (cf Arno Bertina, Ceux qui trop supportent Le combat des ex-GM&S (2017-2020) Ed. Verticales, 2021).

La logique du sacrifice des ouvriers
En 2008, la crise des Subprimes pèse sur le monde industriel et Flins réagit au jour le jour. La constitution d’un groupe international dilue les usines. Successivement le néo taylorisme, la logique de privatisation, les accords plus ou moins heureux avec Nissan, Dacia, Samsung, la concurrence entre les sites, la responsabilisation de l’ouvrier en cas de défaut. La logique du sacrifice des ouvriers est constatée froidement. « Ces salariés âgés, peu qualifiés, et à l’employabilité forcément limitée sont en quelque sorte « sacrifiés » sur l’autel de la nécessaire amélioration de la performance industrielle tout autant sinon plus que de la recherche constante de la baisse des coûts. » Un des rares points positifs de cette période, l’automatisation plus particulièrement de la peinture, du soudage, de la tôlerie.
Dans cette reconfiguration de l’économie mondiale, on peut s’interroger sur l’intelligence de l’Etat et la capacité à se projeter. Est-il vraiment compétent pour définir une politique industrielle avec ses choix budgétaires étriqués ?
La place de l’usine dans son environnement, la vallée de la Seine, évolue quant à son image. De faire-valoir, elle devient source de pollution, de rejet de la part de la population et traduit la fragilité écologique et économique de cette vallée. Flins finit par être occultée. Les propos à l’égard des ouvrières et des ouvriers m’ont évidemment heurté mais c’est sans doute par atavisme familial. La dernière partie de l’ouvrage pose la question de la gestion des ressources humaines dans une entreprise dans laquelle la course à l’argent et au profit ne doit pas être l’alpha et l’omega du projet industriel. Indéniablement, un livre à lire pour analyser et mieux comprendre les choix de ceux qui entendent gouverner.

• Vincent Leglaive
Renault Flins, une page d’histoire automobile
L’usine symbole des mutations d’une industrie 1980-2010
Ed. L’Harmattan, 2024.

Pour ceux qui veulent en connaître davantage sur l’histoire de ce groupe industriel :
RENAULT HISTOIRE
119 rue du Point du Jour
92100 Boulogne-Billancourt
01 46 09 15 83
contact@myrenaulthistoire.fr

PAR : Francis PIAN
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