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par Francis PIAN • le 3 septembre 2023

DES IDEES ET DES LUTTES: Gustave Flourens : un intellectuel révolutionnaire

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Exécuté d’un coup de sabre

Dans cette rubrique, je fais souvent état de livres relatifs à la Commune de Paris de 1871 (cf les archives de la rubrique Des Idées et des luttes sur le site du Monde libertaire), les mesures adoptées ou au moins initiées, ses acteurs et actrices de premier plan ou pas. Parmi ceux-ci, il en est un quelque peu oublié, Gustave Flourens auquel Michel Pinault, historien des sciences, rend un légitime hommage dans une copieuse et précise biographie Gustave Flourens : un intellectuel révolutionnaire, du Second empire à la Commune de 1871, publiée aux éditions L’Harmattan.

Les femmes et les hommes de cette période ont souvent un parcours exceptionnel et Gustave Flourens n’y échappe pas. « Gustave Flourens (1838-1871) fut un savant athée, libre penseur et rationaliste, professeur d’anthropologie au Collège de France, écrivain, essayiste, publiciste et journaliste républicain socialiste, orateur hors pair et leader incontesté des quartiers populaires du nord de Paris, combattant de la guérilla indépendantiste crétoise […], « une légende » donc, avant d’être exécuté à 33 ans le 3 avril 1871, sur la route de Versailles, d’un coup de sabre porté à la tête par un gendarme versaillais. » C’est un intellectuel révolutionnaire qui tient à parler et à agir, une action sans limite jusqu’au sacrifice.

Il naît dans une famille bourgeoise, conservatrice, le père enseignant au Collège de France. Elève brillant, il est destiné à poursuivre les travaux paternels en termes d’anthropologie, d’ethnographie. Ses propos doivent être replacés dans le contexte de la prétendue hiérarchie des races et de la supériorité de la race blanche. Au fil du temps, Flourens s’affirme athée, anticlérical, dénonçant le parti théologique et exigeant la liberté de l’enseignement. Il rompt avec le milieu politique et familial, suit un parcours autonome, se fait un prénom tout en restant proche affectivement de sa famille. Nous sommes dans les années 1863-1864, l’Association internationale des travailleurs se crée et l’athéisme est un signe de reconnaissance du mouvement ouvrier.

Ce qui est possible

Outre la précision rigoureuse sur la vie de Flourens, les références des courriers, des comptes rendus, des déclarations, nous pouvons apprécier, dans cet ouvrage, la complexité des rapports sociaux, les débats politiques, les futurs communards, le contrôle policier permanent, la censure qui pèsent dans la société impériale. Les arrestations sont fréquentes, les interdictions de publications aussi. Cela n’empêche pas Flourens de construire un champ de réflexion dans des domaines moins courus en son temps. Dans un ouvrage intitulé Ce qui est possible, il s’interroge sur les évolutions technologiques et son texte contient des propos que nous retrouvons chez Elisée Reclus, la préservation de l’environnement et des êtres. « Ne ruinons pas l’avenir tout en nous vantant de travailler pour lui. » « L’industrie actuelle fait de grandes choses, mais au prix de quelle affreuse misère ! »

N’oublions pas : parler et agir ! il part soutenir les insurrections en Pologne, en Grèce, en Crète, nous sommes dans les années 1863-1868, un côté Don Quichotte comme le relèvent plusieurs de ses amis. Il revient à Paris en 1868 pour y rester, y écrire dans différents journaux, sa pensée s’oriente vers le blanquisme. Orateur fascinant, il connaît Sainte-Pélagie, Mazas, les prisons politiques de l’époque. Il s’implante à Belleville, c’est le héros de ce quartier. Il s’y recentre après l’enterrement de Victor Noir et son échec à entraîner les participants à envahir Paris. L’Empire s’effondre début septembre 1871. Le 8 de ce mois, Flourens est élu à la tête des cinq bataillons de Belleville, malheureusement sans équipement. Dans le récit du siège de Paris, les atermoiements des républicains modérés, les journées d’octobre 1870, celle du 22 janvier 1871, les débats entre les différentes sensibilités sont très bien mis en perspective par Michel Pinault. Flourens arrêté, évadé, caché dans Paris en profite pour écrire un nouveau livre, Paris livré, une belle réflexion sur ces mois d’incertitude et toujours cette réflexion, « il s’en est fallu de peu que les choses soient autres ». « Nous, républicains, nous n’avons rien de commun avec les hommes du 4 septembre, qui se disent si impudemment républicains, avec ses jésuites politiques », il y ajoute plus loin une dimension de classe sociale, soulignant aussi la distinction entre le monde rural et le monde urbain, si souvent abordé par les Communards. Un livre qui mérite d’être relu.

Parler et agir

Après la journée du 18 mars 1871, il reprend sa place comme adjoint au maire du 20ème arrondissement, commandant du 173e bataillon de la Garde nationale. Il appelle à marcher sur Versailles, les valses hésitations des responsables de la Commune, l’absence de préparation, les retards produiront la première catastrophe de la Commune : l’échec de l’offensive du 3 avril 1871. Il s’en est fallu de peu. Il participe aux combats sur l’Ouest parisien. Mais que se passe-t-il dans son esprit ? A-t-il conscience de l’issue fatale ? Est-il épuisé par ses combats passés ? Les faits rapportés par Amilcare Cipriani donnent à réfléchir. La trahison a joué son rôle, l’assassinat du prisonnier est odieux. Le gendarme sera décoré de la Légion d’honneur (sic) et promu juge de paix en Vendée. Flourens est enterré au Père-Lachaise, dans le caveau familial. Les hommages se suivent. Les Vengeurs de Flourens, de jeunes habitants de Belleville, se battront jusqu’au bout sur les dernières barricades. Des cérémonies se dérouleront dans ce cimetière, sur cette tombe, plus de 10 000 participants selon les journaux anarchistes en 1883. Suivons l’auteur dans sa conclusion, ce qui définissait le mieux Flourens, c’est « la place de l’action, dans l’engagement politique direct pour transformer l’ordre politique social dominant ».

Francis PIAN

• Michel Pinault
Gustave Flourens : un intellectuel révolutionnaire
Du Second empire à la Commune de 1871
Ed. l’Harmattan, 2023.

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

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