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par Francis PIAN • le 29 juin 2024

Des idées et des luttes : Le poids des étoiles

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« Et l’anarchie, c’est quoi, Octavio ? »
Encore une fois, quelle vie que celle de ces militants issus de la guerre d’Espagne, de ces valeurs, de cette culture libertaire qui ne se limitait pas à des mots. Octavio Alberola est de ceux-là. Il traduira en actes sa solidarité internationale. Avec Agustin Comotto, s’engage un dialogue passionnant dans ce livre Le poids des étoiles publié chez Syllepse. Pourquoi Le poids des étoiles ? Et pourquoi en couverture, deux personnes sous un ciel étoilé avec un croissant de lune ? Vous le découvrirez mais sachez que pour Octavio, « Tout est sujet d’émerveillement : la vie, la nature, le cosmos et ses lois, ou encore le désordre de l’existence humaine ». Avec lui, c’est un parcours dans cette Espagne du début du siècle, son père, sa mère, ils connaissent la violence contre les anarchistes, l’assassinat de Salvador Segui en 1923. Le père qui enseigne dans l’athénée de Fraga. Et puis à grands pas, la guerre dans les yeux d’un enfant de 11 ans, la Retirada, lui connut la solidarité des Français, l’hébergement à Ternay dans l’Ain. Et c’est le départ pour le Mexique en passant par Bordeaux, l’arrivée à Veracruz. La vie des exilés, les relations entre le gouvernement mexicain, un des rares à faire preuve de soutien, et celui de l’Espagne républicaine en exil. Rien que sur cet aspect, l’accueil des exilés est intéressant à analyser car peu connu.

Octavio est très critique à l’égard des anarchistes exilés. Le grand débat entre la mémoire et l’action. Il se rapproche des anarchistes mexicains. Comment agir en Espagne ? Après la Seconde guerre mondiale et l’hypocrisie des démocraties qui ne sont pas intervenues contre Franco ? Il se tourne vers les mouvements s’opposant à l’action des USA en Amérique latine. Les barbudos cubains attirent son attention. Le recul qu’il a sur les évènements le conduit à une analyse très intéressante sur le guévarisme. Mais si l’Amérique latine a construit sa jeunesse, le retour vers l’Espagne lui paraît essentiel.

Où mener la lutte ?
Il souligne les difficultés du combat dans le pays. Les maquis sont pourchassés. Il rappelle le sort de Caracremada (cf chronique Des idées et des luttes du Monde libertaire, 27 mars 2023HTTPS://MONDE-LIBERTAIRE.NET/INDEX.PHP?ARTICLEN=7131). Et toujours ce débat au sein de la CNT entre les historiques Montseny, Esgleas et les jeunes. Il entre en Espagne et comme Abel Paz, il constate que la peur, la répression empêchent d’agir HTTPS://MONDE-LIBERTAIRE.NET/INDEX.PHP?ARTICLEN=7839.
Les pages sur les exilés en Italie, en Grande-Bretagne invitent à une réflexion sur la nécessité de construire. « Penser à un monde idéal sans essayer de le construire n’a pas de sens. Il faut au moins tenter de faire quelque chose. Si tu es un romantique, un aventurier, et que tu restes chez toi à faire en sorte que rien ne t’arrive, à quoi cela sert-il ? » Que faire de la vie de famille ? Là aussi les pages sont fortes. Il ne s’agit pas dans ce livre que de narrer des aventures, des actions mais aussi de réfléchir au fur et à mesure des faits sans occulter les difficultés et les souffrances personnelles. La question de la violence dans l’action pose celle du choix des cibles et Octavio a toujours refusé de tuer, sauf Franco mais ce ne fut pas possible. Et à travers Juan Garcia Oliver, ministre (CNT) de la justice dans le gouvernement de la république, il s’interroge sur le poids de la personnalité. Nous revivons le congrès de Limoges de la CNT et la création de la DI, un groupe de combat contre le franquisme. Les pages relatives à la préparation de l’attentat contre Franco sont passionnantes. Comment attaquer les intérêts franquistes en Europe. Et comment tenir ? « Ce n’est pas tant le courage, l’envie que tu as de résister, mais les circonstances extérieures qui te soutiennent ou te forcent à continuer. » C’est en songeant à ses camarades emprisonnés qu’Octavio a poursuivi le combat.

« Le chemin est long et douloureux »
Il intervient au sein de la CNT lors du congrès de Montpellier. L’assassinat de son père est un choc violent mais le combat se poursuit autrement. « La lutte révolutionnaire appartient au peuple, pas à une avant-garde qui décide au nom d’une idée. Voilà la nature pédagogique de notre action : refuser la soumission, donner l’exemple et inciter les gens à la suivre. Être conscients que la révolution en tant que changement doit être menée par les personnes, par les citoyens, pas par un groupe. Le chemin est long et douloureux. »
Quel parcours que celui d’Octavio ! Il soutient les réfugiés d’Amérique latine, les dissidents cubains, partage avec d’autres sensibilités. Il anime l’émission Tribune latino-américaine sur Radio libertaire. Et toujours s’interroge sur le marxisme, le capitalisme, le monde. Une petite BD clôt l’ouvrage. Agustin Comotto demande à Octavio : « Et l’anarchie, c’est quoi, Octavio ? » Celui-ci demande : « Aide-moi à me lever, Agustin. » Dernière scène : au milieu de l’univers, il lui dit en le lui montrant : « C’est ça ».

• Agustin Comotto
Le poids des étoiles
Vie de l’anarchiste Octavio Alberola
Ed. Syllepse, 2024

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris

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