ML - Des idées et des luttes: Depuis toujours nous aimons les dimanches

Littérature > Des idées et des luttes: Depuis toujours nous aimons les dimanches

Littérature

par Francis PIAN • le 4 août 2024

Des idées et des luttes: Depuis toujours nous aimons les dimanches

Lien permanent : https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=7962

Un hymne au dimanche et au-delà
On aime bien Lydie Salvayre dans Au fil des pages sur Radio libertaire, notamment pour son livre Pas pleurer publié en 2014 et prix Goncourt, une distinction pour une fois justifiée. Le ton de son nouveau livre est totalement différent et traduit le talent d’une autrice capable de changer de registre. Un titre un peu mystérieux, Depuis toujours nous aimons les dimanches. Pour le lien religieux ? Les repas familiaux ? Drucker ? Le sport à la télé ? Que nenni, même si chacun est libre et surtout dans ce livre.

C’est un hymne au dimanche, comme un poème, on retrouvera Paul Valéry, comme des pensées, on retrouvera Blaise Pascal. Ce livre fourmille de références culturelles, livresques anciennes, récentes, Depuis toujours et ce n’est pas fini. Le lecteur, la lectrice retrouvera des échos dans sa propre existence. Le ton est joyeux, goguenard à l’égard de ceux qui profitent du travail des autres, une forme de dénonciation des rapports de classes sociales. Soyons clairs, c’est un hymne à la paresse, à la douceur de vivre. Tenez, cet extrait : « Bonheur surtout de découvrir les plaisirs de la lecture, le dos calé sur de mols oreillers, parfaitement indifférents à tout le reste, et happés, emportés, fascinés par l’histoire du marin Yann Gaos raconté par Loti dans son roman Pêcheur d’Islande ». Voilà qui nous fait songer à ce goût de Jean Giono pour la lecture au lit.

Carpe diem…
La paresse est un art subtil, discret et bienfaisant pour Lydie Salvayre, et elle cite Horace : Carpe diem, quam minimum credula postero, cueille le jour présent sans te soucier du lendemain, Odes, I, 11, à Leuconoé. Oui depuis toujours, depuis l’Antiquité. « La paresse n’est ni plus, ni moins qu’une philosophie. »
Et puis, voilà qui nous plaît bien : « Paresser, c’est désobéir. »
Nous avons compris, ce petit livre s’apparente quant à la forme aux brochures diffusées dans le monde ouvrier au début du siècle dernier et quant au fond, vous retrouverez des accents de Paul Lafargue et de son ouvrage Le droit à la paresse, notamment republié aux éditions La Découverte avec une très belle couverture La paresse de Félix Vallotton. Cette paresse nous ouvre la pensée.

Lydie Salvayre procède à une critique décapante de l’utilisation du travail des autres : « Ces dépouilleurs de pauvres, ces cleptocrates, ces spoliateurs qui ont pignon sur rue, […] ces apologistes-du-travail-des-autres s’emploient avec une détermination rare à nous convaincre des immensissimes bienfaits du travail ». Le mot Travail est à toutes les sauces, jusqu’à France Travail, ce qui n’est pas sans rappeler le slogan pétainiste : Travail, famille, patrie. Pour nous inciter à produire toujours plus en gagnant moins, la société de consommation conditionne les travailleurs. Lydie Salvayre démonte en neufs points le processus.

« Travailler moins pour lire plus »
Poursuivant son analyse, elle mobilise d’autres auteurs, notamment William Morris, auteur, penseur socialiste libertaire, artiste qui exige la beauté et la culture pour les ouvriers. Elle dénonce le mode de vie inculqué dans les écoles de commerce pour qui le travail est l’alpha et l’oméga de la vie en payant les salariés, 11, 80 euros pour un travail harassant. Reprenons la formule de Paul Valéry : on veut un temps de paix essentiel. C’est un amour de la vie. Un slogan nous plaît bien : « Travailler moins pour lire plus », dixit Lydie Salvayre. Voilà qui annonce la sagesse et l’autrice se réfère à Proust, Rabelais, Debord, Keynes, Diogène et tutti quanti.
Ecoutez la encore et là aussi, j’y adhère volontiers : « Faites-nous cet honneur, Messieurs, de nous qualifier d’utopistes. C’est la raillerie coutumière jetée par les esprits étroits qu’une vétille effare aux rares audacieux qui se risquent à cracher dans la soupe. Nous […] serions, pour tout dire, extrêmement flattés d’être accusés d’une telle insolence. »

• Lydie Salvayre
Depuis toujours nous aimons les dimanches
Ed du Seuil, 2024

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages

Réagir à cet article

Écrire un commentaire ...

Poster le commentaire

Annuler

1	le 5 septembre 2024 11:35:05 par gilles john

Travailler à bien penser ,plutôt que penser à travailler!
L’école de la Ripoublique nous inculque le poison du tripalium pour nous
putifier pour les capitalos et leurs sbires
Le travail c’est la santé ( prison de la santé ),bravo Lydie Salvayre pour ton viatique de survie

Des idées et des luttes: Depuis toujours nous aimons les dimanches

1

Numéro en cours

Fouiller autrement

Glané sur le web