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par Francis PIAN • le 10 août 2024

Des idées et des luttes: De la désobéissance

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« La non-violence est à la fois une philosophie et un moyen d’action »

André Bernard, insoumis de la guerre d’Algérie, cofondateur de la revue Anarchisme et non-violence, nous propose un petit ouvrage publié aux éditions Atelier de création libertaire, De la désobéissance. Quels mots utilisés : non-violence, pacifisme, résistance passive ? Bien définir les termes utilisés permet de mieux lutter ou de combattre. Evidemment André Bernard reprend la phrase d’Albert Camus : « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde ». Devons-nous mobiliser Henry David Thoreau et la désobéissance civile ? Alain Refalo pour qui le terme « non-violence » reste un mystère ? Selon André Bernard, « Si la non-violence se limite souvent à n’être qu’un champ sémantique imprécis, alliant philosophie et morale ou croyance religieuse, elle peut se décliner, si nous voulons ouvrir les yeux, en une multitude d’actions rarement reconnues comme participant à ce champ non-violent ». Il nous entraîne vers les anarchistes allemands dont Fritz Oerter (1869-1935), un ouvrier lithographe anarchiste qui publia en 1920 la brochure Gewalt oder Gewaltosigkeit (violence ou non-violence) republiée aux éditions Atelier de création libertaire. Cet ouvrage prenait position pour une révolution sociale non-violente, sinon sans violence.

Citons à nouveau André Bernard : « Ici, nous ne voulons pas faire une approche de la non-violence quand elle n’est qu’un « vent philosophique agité », mais quand elle est engagement physique et qu’elle demande imagination et courage, quand elle s’incarne individuellement, et surtout collectivement ». Cette non-violence se détourne du jeu politique conventionnel, du type vote et élections, pour recourir à des formes d’actions non institutionnelles, voire illégales. Intéressons-nous aussi au non-dit des dominés pour reprendre la formule de James C. Scott, décédé le 19 juillet 2024.

« Toujours l’action collective »
Quelques dates et évènements depuis 1957 symbolisent des temps forts. Mentionnons le Manifeste des 121, déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie du 6 septembre 1960, la lutte du Larzac de 1971 à 1981, le Comité des mal-logés, les enseignants désobéisseurs en 2008, l’action des Soulèvements de la Terre… « Une caractéristique de ces modes d’action s’inscrit dans une articulation participative en fonction des limites de chacun et de chacune, cela valorisant toujours l’action collective. » Dans la ligné de Pierre Kropotkine, notamment L’Entr’aide et L’Ethique chez l’être humain socialisé dont la violence doit être canalisée par la culture, l’éducation.

Le chapitre intitulé Contre la bombe et les camps de concentration reprend l’action de Gandhi, son influence sur Lanza del Vasto, mais surtout le lien entre la non-violence et la guerre d’Algérie par notamment la parution du journal Action civique et non-violence. André Bernard relate les actions de ces militants organisés qui connurent les internements, les vérifications d’identité, les pressions des forces coercitives de l’Etat. Intéressant de lire ces pages qui, outre leur dimension historique, sont de nature à témoigner « que la non-violence est à la fois une philosophie et un moyen d’action ». Certains militants s’installent avec les Algériens dans le bidonville de Nanterre, les uns accueillent les réfractaires à la guerre d’Algérie, d’autres s’investissent dans le combat pour le Larzac dès les années 50 (cf le livre de Philippe Artières, Le peuple du Larzac, Ed La Découverte, 2021, Réédition 2024, chronique des idées et des luttes du 2 juin 2024). Des actions consistent dans le renvoi des convocations, des feuilles de route, des habits militaires, le refus de décliner son identité (Nous sommes tous des …). Ils sont peu nombreux ces militants mais en général connaissent la sympathie de la population. Ce rapide parcours des actions en France nous permet de rencontrer Louis Lecoin et sa grève de la faim en faveur du statut des objecteurs de conscience, les anarchistes très impliqués dans ces luttes comme Pierre Sommermeyer, l’incohérence des décisions de justice, l’action des enseignants. Attention, ces initiatives ne doivent pas limiter le lecteur aux années 60-70 en France. André Bernard nous invite à la chute du mur de Berlin, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Syrie, au Soudan, en Ukraine exposant les techniques non-violentes et les engagements. La dernière partie de l’ouvrage dresse une liste des principaux théoriciens d’inspiration non-violente tels Etienne de la Boétie dont le livre Discours de la servitude volontaire est toujours à relire, Gustav Landauer, Han Tyner, Romain Rolland, des militantes comme Voltairine de Cleyre, Emma Goldman. D’autres plus récents : Jean-Marie Muller, David Graeber, Daniel Colson…
Un effort de choix des termes, une mise en perspective historique, une définition des moyens d’action, des références théoriques et militantes, cet ouvrage vient à point, il ouvre vers d’autres ouvrages et d’autres projets.
N’oublions pas de mentionner le site http://deladesobeissance.fr/ pour retrouver les chroniques d’André Bernard.

• André Bernard
De la désobéissance
Ed. Atelier de création libertaire, 2024

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

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