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par Francis PIAN • le 22 décembre 2024

DES IDEES ET DES LUTTES: Ecrire le monde noir

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Lutter par l’écriture

Un ouvrage portant le nom de Paulette Nardal est une publication assez rare. Les éditions Rot-Bo-Krik proposent un regroupement d’articles écrits entre 1928 et 1939, par cette militante de la cause noire avec pour titre Ecrire le monde noir accompagnée d’une couverture illustrée d’une composition de William Morris.

Qui est Paulette Nardal ? Une femme martiniquaise qui vient à Paris avec ses sœurs pour y suivre ses études. L’une des premières antillaises à intégrer la Sorbonne. Elle s’installe au 7, rue Hébert à Clamart et y ouvre un salon littéraire où nous retrouvons Césaire, Senghor, discutant de l’émancipation des femmes et des bases de la Négritude. Ecrivain et journaliste, elle établit des passerelles entre les Noirs d’Harlem, le milieu intellectuel antillais à Paris, les africains et même les Indochinois. Derrière cette volonté, nous sentons venir la contestation de la colonisation. En 1928, elle rejoint La Dépêche africaine, une revue panafricaniste. Le premier article retenu dans son livre a pour titre Le Nègre et l’art dramatique, un subtil texte sur le théâtre, le jeu des acteurs et la place des Noirs. Comment défendre cette place et la dignité des individus ? Tout simplement par l’écriture. Et elle analyse les évènements avec une belle qualité de style. La dénonciation des effets des cyclones sur les Antilles est très précise et poétique mais elle souligne que la presse dominante ne publie que la liste des Blancs disparus, laissant les Noirs à Paris dans l’inquiétude, nous sommes en 1928. « Comment qualifier l’indifférence du ministère des Colonies à la douleur inquiète de ces pauvres gens que Candide nomme « les Angoissés » ? […] Cependant, là-bas, le soleil des tropiques, insensible à tant de désolation, continue à verser sur les îles heureuses son impassible splendeur ».

Face au racisme
A Paris, elle rencontre le dédain, la condescendance, le racisme. Comment se retrouver en communauté de partage ? Notamment en se rendant au Bal nègre de la Glacière dans le 13ème arrondissement, on est au pays, « un peu de l’atmosphère du pays », et puis on sort, « heureusement, il ne fait plus froid » au coeur. Paulette Nardal rappelle l’histoire des Antilles, interroge sur l’enseignement et souligne l’importance de la langue créole qui donne une saveur particulière aux relations sociales à égalité avec le français, non pas en opposition. Une question toujours d’actualité.
L’émotion se révèle au fil des pages par les nouvelles, les témoignages qu’elle rapporte comme celui d’Elisa, cette femme de ménage antillaise, pauvre, parcourant les rues froides de Paris sous le regard dur des blancs.
Et souvent, elle dénonce des propos, des faits notamment avec sa rubrique au titre volontairement neutre, « Actualités coloniales. Livres, revues, articles de presse ». Dans un style sobre et synthétiques, elle relate la vie en Afrique occidentale française, la répression en Indochine, les mensonges de la métropole sur la vie aux Antilles avec cette expression « A beau mentir qui vient de loin ». Sa description du lynchage aux Etats-Unis est effroyable, nous sommes dans les années 20-30 et c’est une jeune femme noire descendante d’esclave qui le relate. L’émotion est perceptible.

Les discriminations sont, elles aussi, dénoncées tout comme la hiérarchisation des peuples, établie par les blancs.
De nombreux articles portent sur le statut des femmes et particulièrement antillaises confrontée au coût de la vie dans ces îles. La misogynie et le racisme permanent en France même chez les intellectuels parisiens l’incitent à créer La Revue du monde noir en 1931 pour appeler à une conscience de race. Elle dénonce sur toute cette période la barrière de couleur aux Antilles. Trois articles de Jane Nardal démontrent la communion intellectuelle des deux sœurs.
Cet ensemble d’articles constitue un témoignage historique de première main du temps des « colonies » mais il trouve un écho pertinent dans la société actuelle.
• Paulette Nardal
Ecrire le monde noir
Ed. Rot. Bo. Krik , 2024

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur radio libertaire

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