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Littérature
par Patrick Schindler le 30 août 2021

La fin août du rat noir

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Fin août. La Grèce, toujours la Grèce… Le rat noir a découvert un autre volume de Contes grecs ; il a également reçu la réédition de l’histoire du procès d’Alekos Panagoulis en 1968, vécue en direct par Denis Langlois, durant la Junte des Colonels grecs et raconté avec de nombreux ajouts ; puis, petit saut à Haïti avec Emmelie Prophète-Milcé, dans le Village des dieux ; La pithye disparue, un polar de Jean-Louis Dubois-Chabert dont l’action se déroule dans un petit village de la France profonde ; pour terminer Tu ne tueras plus ! le nouveau livre de Thierry Guilabert qui nous invite cette fois-ci à découvrir l’anarchiste, pacifiste et sculpteur : Emile Derré.

Contes de la nuit grecque




Ce volume de Contes de la nuit grecque, (éd. Corti, 23€) est différent de celui que nous avions présenté dans une précédente rubrique. Ici, Anna Angelapoulos nous propose une anthologie réunissant soixante contes merveilleux, des plus appréciés en Grèce (ainsi que d’autres, venant de la Turquie de la Bulgarie hellénophones), tous issus de la transmission orale, des années 1881 à 2002 et dont nombre d’entre eux ont influencé ou concurrencé des contes similaires partout dans le monde. Richement commentés par Ianna Andrélis.
Contrairement à notre habitude, pour ces contes, nous avons pris le parti de ne pas en tirer d’extraits, tant ils ont chacun leur charme et leur spécificité. Ils sont classés selon sept grandes catégories et ne citerons que ceux qui nous ont parus les plus significatifs pour chacune d’entre elles. La première partie rassemble sous l’étiquette La jeune fille et sa mère, des contes (tels La fille de Thalassa, Suceuse de cendres, La Gorgone ou La Tortue) tournant autour des difficultés pour une jeune fille grecque de se débarrasser de l’influence de sa mère. Certains mettent en scène des jeunes filles qui choisissent d’obéir à leurs pulsions plutôt qu’à celles de leur mère, ce qui mène en général à la rupture. D’autres évoquent la domestication de la part sauvage d’une jeune fille, ou encore, sa métamorphose en un animal issu des cycles antérieurs à l’humain. Quelques variantes, tels La fille-chèvre, La Tortue, montrent comment des jeunes filles ensorcelées, une fois débarrassées de leurs sortilèges tombent entre d’autres griffes, notamment incestueuses.

Ce qui ne fait qu’introduire la deuxième partie du livre, vouée aux contes évoquant l’inceste ou le cannibalisme. Strigla la sœur cannibale met en scène une « strigla » (sorte de vampire) dont l’un de ses frères, réussi à se libérer de son emprise et du coup, à se libérer de ses fantasmes incestueux envers les femmes de sa famille. Agerinos et Poulia pénètre, lui, dans le secret des fantasmes incestueux d’un frère et d’une sœur. Asternos et Poulio mélangent, eux, inceste et cannibalisme. Dans d’autres de la même catégorie comme Chagrin, le héros est sauvé par une intervention surnaturelle.

La troisième partie évoque La fabrication du héros masculin. Ainsi, Jean de larmes, né des larmes d’une orpheline qui, après avoir combattu la Gorgone deviendra immortel. Un autre montre comment la naissance merveilleuse d’un héros préfigure un destin exceptionnel. Le magnifique conte, L’homme nu un couteau à la main, met en scène un boucher (référence au premiers « étripeurs » officiants dans les cultes grecs à mystère), tandis que la femme-serpent coupée en deux symbolise la préparation du héros au mariage et l’établissement définitif de la femme dans son sexe. Dans L’arbre serpent, c’est le soleil qui prend le parti du héros. Enfin, les quatre contes, Petit-cul, Treize, Demi-cul et Grain de poivre, déclinent le cycle du héros tout petit » persécuté par des ogres ou des sorcières, selon quatre variantes.

La quatrième partie rassemble des contes évoquant l’initiation amoureuse. Eros et Psychée est l’un des contes les plus anciens dont on dispose parmi ceux transposés dans l’écrit avec pour triptyque le mariage, la disparition et la mort. Il en existe plusieurs variantes. Le Tartare noir de la terre met en scène une sorte de héros idéalisé qu’une jeune femme finit par retrouver après avoir subi moultes épreuves. Dans Vryssivolos, le héros est transformé en ver de terre mais apparait en beau jeune homme uniquement à l’héroïne, sous réserve que celle-ci ne révèle pas son secret. Dans une autre déclinaison, le héros est prisonnier de fées qui enlèvent à son tour l’héroïne. Ars Arsino Raisin rouge est un héros transformé en crocodile, un autre montre un héros transformé en oiseau. Dans Le Seigneur du monde d’en bas, c’est une princesse que l’on travestie. Dans Le prince en léthargie, c’est l’héroïne qui initialise la source de vie du héros, principe même de l’éros. Psyché devient l’aide de camp d’Eros sous la baguette d’un Thanatos qui n’est jamais très loin. Dans le dernier conte de la série, L’herbe qui ressuscite, les deux héros se déchirent en pulsion agressives et mortifères mais qui, après le passage de Thanatos se métamorphosent en « affects conciliables ». Le Prince en léthargie présente une héroïne initiatrice, source de vie du héros, principe de l’Eros. Là encore, Psyché aide Eros.

La cinquième partie de ce volume présente des contes d’enfants fabriqués artificiellement. Muscambre fait allusion au mythe d’Adonis et de la naissance merveilleuse. Dans Le Prince du sommeil, un enfant nait du sommeil et des rêveries d’une jeune fille. Dans Une jambe fut ma mère, l’héroïne doit subir beaucoup d’épreuves pour passer du mystique à l’humain. La poupée de chiffon est un simulacre de fille qui sera remplacé par la propre fille de Thalassa.

La sixième partie propose des histoires de fortune et de destin. La fille en garçon relève du travestissement pour accomplir le destin. La Malchanceuse met en scène le motif de l’onanisme - assez rare dans le conte populaire – mais qui sera transcendé.

Enfin la dernière partie relève des contes énigmatiques. La fille qui allaitait son père est une parabole où les relations de parenté inversées et insolites remettent en question l’ordre des générations. Tous collés ensemble fait référence au mythe des amours clandestines d’Arès et Aphrodite, découverts et emprisonnés dans un filet invisible confectionné par Héphaïstos le boiteux, le mari trompé. L’énigme du paresseux raconte l’histoire d’un héros qui ne parvient à se réaliser que lorsqu’il arrive enfin à se « raconter lui-même ». Dans Maître Pois chiche, contrairement aux autres contes de la série, l’énigme ne se résout pas entre deux, mais trois personnages. Il met en scène le héros, un poseur d’énigmes et le personnage surnaturel qui donne les réponses.

La Postface de l’ouvrage apporte un éclairage sur ces contes qui en général, doivent apporter la consolation. Notamment lors des veillées. « Fantasmes archaïques, expression théâtralisée de représentations partageables par tous, mais tout aussi singulière pour chacun. » Les auteurs y traitent ensuite de la notion « d’humanisation nocturne », si présente dans ces contes. Ils analysent ensuite leurs développements particuliers, selon le contexte des régions où ils ont été transportés et ont été transformés. Tous ont un caractère, un charme commun. Chacun début par des situations souvent des plus improbables, par la transformation du héros. Puis interviennent des personnages bien trempés, qu’ils soient bien ou malfaisants, et qui font alterner l’histoire dans de profondes abysses ou au-delà d’inaccessibles sommets. Pour les auteurs, « Entrer dans le monde magique de ces contes c’est comme monter sur un manège à grande sensation et souhaiter plus ou moins consciemment qu’il nous transporte frénétiquement entre féérie et cauchemar. Le conte est comme un enfant en rébellion. Malgré la censure populaire, il reste toujours cet enfant incorrigible qui ne renonce jamais à la quête de ses origines. »

Panagoulis, Le sang de la Grèce de Denis Langlois, réédité




Après des études de droit, Denis Langlois s’engage dans le combat syndicaliste. Étudiant, il participe aux manifestations contre la guerre d’Algérie et celle du Vietnam. Il écrit ensuite des articles dans la revue de l’anarchiste pacifiste Louis Lecoin. Objecteur de conscience, il refuse de faire son service militaire et est emprisonné. Il écrit son premier livre en prison, Le Cachot. Il devient ensuite conseiller juridique de la LDH et participe aux événements de Mai 68 et prend la défense des victimes des violences policières. Sa candidature est rejetée par le Conseil de l’Ordre mais il devient avocat au barreau de Paris, spécialisé dans les affaires pénales, dénonce les erreurs judiciaires et écrit des livres à leur sujet. En novembre 1968, il suit le procès d’Alexos Panagoulis, condamné à mort pour un attentant contre le colonel Papadopoulos. Les années suivantes, il s’engage contre la Guerre du Golfe et plus généralement, dénonce les conséquences dramatiques des guerres sur le plan politique économique et psychologique.




Denis Langlois a envoyé au Rat noir, la réédition de Panagoulis, du Sang de la Grèce (éd. Scup, 15€) que François Maspéro avait sorti en 1969 (épuisé depuis longtemps). Nous entrons dans le vif du sujet un 17 novembre 1968, en pleine dictature des Colonels grecs. Ce jour-là, Alekos Panagoulis, jeune militant de 29 ans du groupe Résistance grecque est condamné à mort pour avoir tenté d’assassiner le Colonel Georges Papadopoulos. Son procès est ouvert début novembre 68, dans un climat de contestation générale dans le pays, au lendemain de la mort de Georges Papandréou, l’ancien président évincé par la Junte, qui a rassemblée dans la rue pas moins de 500 000 Athéniens hostiles à la dictature.
Nous accompagnons alors Denis Langlois, un des rares observateurs judiciaires étrangers admis, tout au long de ce procès qui va rapidement dévoiler un aspect « kafkaïen à la sauce Tartuffe ». Car, rien ne colle. L’accusation ne fera paraître pas moins de quatre versions contradictoires de l’attentat, aucune ne tiendra la route. Grâce à Daniel Langlois, nous les suivons en détail au jour le jour.
Mais, parallèlement au procès, on assiste dans toute la Grèce à une série d’arrestations massives de militants et leurs « complices » par la police, sous prétexte d’éradiquer les groupes de résistance à la Junte.
Sans parler de la situation internationale (Coup de Prague, relations tumultueuses entre la Grèce, la Turquie et Chypre) qui influent également.
Pour en revenir au déroulement du procès lui-même, Daniel Langlois en bon observateur, nous décrit l’ambiance tendue dans une salle d’audience bardée de policiers en uniformes et en civil. Avocats de la défense intimidés et triés sur le volet. Journalistes grecs relayant en général dans la presse nationale, l’unique version officielle du déroulement des faits. Panagoulis qui a entamé une grève de la faim dès le début du procès, affaibli par ses conditions de détention, lui, ne désarme pas et revendique haut et fort son geste devant ses persécuteurs, au grand effroi de la « justice » et des membres de l’armée des Colonels. Le monde entier se demande alors si la mobilisation internationale massive réussira à lui faire éviter la peine de mort et la prison à vie à ses soi-disant « complices ». Si c’est le cas, qu’adviendra-t-il d’eux et plus précisément de Panagoulis ? Sera-t-il trimballé de cellule d’isolement en cellule d’isolement ? Comment la Junte réagira-t-elle face aux rebondissements internationaux provoqués par l’affaire ? Ce sont toutes ses questions que se posent quotidiennement Denis Langlois, face à une Junte qui perd la face durant ces journées, mais ne stoppe pas pour autant une vague de répression et d’arrestations tous azimuts.
Comment finira l’histoire de Panagoulis, ce jeune homme impassible qui crie à la face de ses juges : « Condamnez-moi à mort. Ma lutte contre la dictature n’en sera que justifiée » ? Phrase qui ne peut que nous rappeler celle prononcée par une Louise Michel durant le procès des Communards, une centaine d’années auparavant…

La réédition de ce livre 55 ans après les événements, est un petit trésor d’histoire pour tous les amis de la Grèce et les ennemis des dictatures. Merci Denis, pour ce cadeau de réhabilitation et de recherche de la vérité historique !

Emmelie Prophète-Milcé et les villages de dieu




Emmelie Prophète-Milcé est née à Port-au-Prince (Haïti) en 1971. Elle fait ses études de lettres et de droit à la Jackson State University. Enseignante, diplomate attachée d’ambassade à Haïti puis à Genève, elle dirige actuellement le Bureau Haïtien du droit d’auteur. Son dernier roman, Les villages de Dieu est une peinture sans fausse pudeur ni concession de la vie des laissés pour compte dans les villages-bidonvilles de la banlieue d’Haïti qui portent des noms de dieux mais qui ressemblent plutôt à des villages du diable !




Malgré son titre, Les villages de dieu (éd. Mémoire d’encrier, 19€) ce roman n’a rien de religieux, c’est le moins que l’on puisse dire. Il raconte l’histoire de Celia. Jeune haïtienne « très ordinaire » qui vit à Port-au-Prince dans une cité-bidonville, la Cité de la Puissance divine ! On y grandit au bruit des armes, des règlements de compte entre les différents gangs des quartiers voisins, les engueulades des voisins et les viols, sur un fond d’odeur de vieux rhum frelaté. Y sillonne une police impuissante et dépravée, complice de ces gangs qui détournent les camions et dont les chefs changent au fil de leurs exécutions. C’est dans ce contexte glauque que Celia a été élevée par Grand Ma, sa grand-mère, contre vents et marées. Grand Ma, la volontaire qui pour garder son commerce doit se soumettre au contrôle des chefs de gang.
Le roman commence quand Grand Ma meurt d’une crise cardiaque, tandis qu’épuisée par la vie, elle s’éteint alors que deux gangs s’affrontent devant chez elle. C’est alors que Celia décide de remonter le fil de son histoire. Sa mère Rosie, junkie, morte du sida alors qu’elle n’avait que deux ans. Son oncle Fredo, feignant et alcoolique. L’école où on la force à apprendre le Français « qui ne sert à rien ». Puis le collège, cet « égout à ciel ouvert, qui sent le fatras, les déchets ménagers pourris, terrain vague » d’après le tremblement de terre de 2010. Nous allons donc suivre cette Celia « ordinaire » qui, une fois Grand Ma disparue doit bien faire bouillir la marmite pour elle et Fredo qui sont l’un pour l’autre « des étrangers très proches » et confie : « Je n’avais pas grand succès dans mon entreprise, je n’avais pas le physique approprié, la concurrence était rude. » Oui, la concurrence est rude à Port au Prince, ce grand marché de « seconde main » où l’on trouve de « tout recyclé » et même des objets jetés transformés en œuvre d’art. Où tous les ados rêvent d’être un jour chef de gang, « l’un des rare rêves accessibles ». Petit à petit nous découvrons ce monde de cauchemar, au fil des mots et des réflexions de Celia. Nous y croisons entre beaucoup d’autres, ce pasteur qui introduit des Blancs dans la communauté après un terrible tremblement de terre « toujours heureux dans notre paysage désolé. Ils nous offraient beaucoup de prières en souhaitant que rien ne change pour nous, afin qu’ils ne manquent pas de bonnes missions pour sauver leurs âmes à eux ! ». Ces journalistes occidentaux qui payent 200 dollars « pour acheter des images de la misère ». Célia, débrouillarde et aussi volontaire que sa grand-mère va trouver une solution pour se sortir de cette cacophonie. Car à Haïti, il faut survivre ou mourir, sinon comme le dit Celia : « Nous allons tous perdre dans ce pays. » Pays dans lequel les élus de la République « Pour faire oublier qu’ils ne font rien de leur mandat se donnent pour mission de légiférer contre les homosexuels », proie idéale pour satisfaire la vindicte populaire. « Que d’énergie gaspillée », constate une Célia résignée mais toujours réaliste. « L’avenir il n’y en a plus beaucoup, du passé, il ne reste rien. La vie c’est du sable mouvant, par ici. »

Il est des romans qui frappent comme des ouragans. Gifles salutaires pour nous rappeler que la misère n’est jamais loin, ici ou dans les soi-disant pays du soleil ! Il se dégage de ce roman une telle puissance que l’on ne peut que se demander s’il ne contient pas une partie autobiographique. Mais, après tout est-ce important de la savoir ? Pourquoi chercher les racines de cette fresque grandiose, dantesque, au réalisme « cru et aigre comme une banane plantain », difficile à digérer. Peinture sans concession, jour le jour, entre deux renvois d’espoir illusoire « C’est vrai que l’on aime sans raison. Pour rien du tout. » Magistral, terrifiant. A signaler la photo de couverture absolument magnifique. Amateurs de grandes sensations, de sanglots d’humanité, lecteurs affranchis des illusions et qui n’ont pas peur de connaitre la réalité du monde où nous vivons : Précipitez-vous chez votre petit libraire préféré.

Jean-Louis Dubois-Chabert et la pythie disparue




Le rat noir a rencontré Jean-Louis Dubois-Chabert, il y a une quinzaine d’années, lors d’une réunion des auteurs des Editions libertaires, dans le Limousin. A cette époque, après vingt années passées en tant que journaliste de la presse régionale, Jean-Louis ne trouvant plus aucun sens à son métier s’était engagé dans la lutte sociale. Il avait parrainé une famille de demandeurs d’asile au sein du Réseau éducation sans frontières et en avait tiré un magnifique témoignage frappé d’une grande humanité, Délit de solidarité, qui venait de paraitre, donc aux Editions libertaires. Durant cette réunion, Jean-Louis Chabert, sa compagne de l’époque et le rat noir organisèrent une délirante chasse aux fantômes dans les caves de la demeure. Non : le rat ne vous raconte pas sa vie ! Il évoque simplement un souvenir immémorial et une rencontre digne de Jean-Louis Dubois-Chabert qui, après cet intermède, reprit du sérieux et réalisa un film tout en sensibilité sur les « souffrances du peintre poitevin Pascal Audin » et qui vient de sortir son premier « polar fantastique ».




Pitié pour la Pythie (éd. Annick Jubien, 18€) démarre très fort, lors d’une cérémonie nocturne qui a lieu dans la forêt de Nègre-Bois à côté de Chabrac, un petit village de la France profonde. Où une « prêtresse mal intentionnée » utilise les dons d’une jeune fille aveugle mais douée d’une faculté divinatoire, à des fins pas très claires. Paolo, le simple d’esprit qualifié d’idiot du village, caché, assiste à la scène. Aussi, lorsque les habitants apprennent dans le journal local que « la Pythie a disparue », Paolo, dans son langage très approximatif, essaye de faire comprendre aux villageois que « c’est très grave ». Et ça l’est, puisque le commissaire Voubril est chargé de l’enquête, accompagné par son inénarrable adjointe, Sylvie Vieng. Leur mission est de comprendre si vraiment « la pythie a disparu » et dans ce cas, pour quelles raisons ? L’investigation commence au café du village, lieu de brassage où nous allons découvrir la « crème » de la population interlope de Chabrac, ses commérages et suivre l’enquête en compagnie du commissaire -qui prend tellement sa mission à cœur qu’il en a des migraines-, et de son adjointe. Si la pythie a disparu, pour quelle raison ? En savait-elle trop ? Quelles seront alors, les conséquences pour le village ? Apocalyptiques ?
Détail : pourquoi le commissaire a des migraines ? Il me semble me souvenir qu’au lendemain de la fameuse chasse aux fantômes, ce même Jean-Louis Dubois-Chabert fut incapable de se lever, lui aussi atteint de migraine. C’est étrange comme parfois des héros de polars peuvent ressembler à leurs auteurs ! A moins que cela ne soit la marque des pouvoir d’une pythie ?

Thierry Guilabert, le chasseur de mémoires




Thierry Guillabert est né en 1965 à Casablanca, au Maroc. Il habite aujourd’hui dans l’île d’Oléron où il travaille en tant que conseiller d’éducation scolaire. Amoureux de la vie insulaire, il est l’auteur de poésie et de nouvelles. Il est également historien, passionné de ces libertaires souvent laissés de côté par l’histoire académique. Ainsi le sculpteur Emile Derré.




Lorsque l’on s’embarque dans Tu ne tueras plus ! Emile Derré anarchiste, pacifiste et sculpteur, le nouveau livre de Thierry Guilabert (éd. Libertaires, 12€) c’est comme si l’on découvrait un petit musée bien caché au fond de sa province. Dans un de ces lieux qui revêtent souvent un côté austère d’à priori, un peu laissé pour compte. Un de ces lieux où, les première minutes passées en compagnie d’un guide éclairé et passionnant, on ne peut plus résister au charme de l’endroit. Or, ici, le guide n’est autre que Thierry Guilabert, toujours passionné par ses sujets et qui n’a que l’envie de transmettre ses passions. C’est un peu sa spécialité. Ici, il nous fait entrer à petits pas, dans l’histoire du sculpteur Emile Derré. Le livre s’ouvre sur un portrait de lui, exécuté entre 1906 et 1909, par le célèbre photographe Nadar. Thierry nous explique la rencontre peu banale entre le photographe et le sculpteur tandis que ce dernier travaillait sur un buste du géographe communard anarchiste, Elisée Reclus, après avoir réalisé celui de Louise Michel et sa fameuse Grotte d’amour, cette dernière lui ayant créé quelques animosités de la part du monde « culturel ». Agrément notable, au détour des pages de ce passionnant ouvrage, on peut apprécier des photos-portraits et des photos des œuvres, plus ou moins bien conservées d’Emile Derré. Celle qui intéresse plus particulièrement Thierry Guilabert c’est sa sculpture (ou groupe) nommée Réconciliation, pivot de ce livre. Il s’agit d’une œuvre pacifiste, réalisée après la guerre de 14-18. Elle montre une femme « qui porte sur ses genoux deux soldats nus, mais casqués, l’un français et l’autre allemand, enlacés comme un couple amoureux en un baiser de cinéma », nous commente Thierry. Avant de nous expliquer que bien sûr la sculpture non seulement sera refusée à l’exposition du Grand Palais de 1924. Et nous révéler encore beaucoup d’autres choses à son sujet. En autres, que cette sculpture « à connotation érotique, sexuelle » n’était pas près d’achever son histoire rocambolesque parfois digne d’un polar, dans une France cocardière qui la regardait plus que de travers…
Dans les chapitres suivant, Thierry Guilabert nous fait découvrir la vie en creux et en déliés, ainsi que l’œuvre magnifique et peu connue de ce sculpteur engagé. Fruit d’un travail de recherche long et minutieux réalisé par Thierry sur un nombre impressionnant d’archives. Magnifique promenade sur les traces d’un homme libre qui commença sa vie comme apprenti boucher pour la terminer, solitaire et oublié, « dans un long déclin » … Seules quelques-unes de ses œuvres ont survécu à la censure. On peut en admirer une à Montmartre, d’autres sur quelques immeubles parisiens ou encore une dernière dans un parc de Levallois Perret dans lequel trône, contre vents et marées, le « groupe » Louise Michel, dit « à l’enfant et au chat ». Vous trouverez la localisation précise de tous ces petits trésors, parfois proche d’un « kitch flamboyant », leur origine et leur description dans ce petit livre bien documenté, sympathique et plaisant à lire …

Patrick Schindler, individuel FA Athènes






PAR : Patrick Schindler
Individuel FA Athènes
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1

le 30 août 2021 10:46:18 par Eyaflalojokül

Merci Patrick ! A force de lire tes belles revues de livres tu me donne à chaque fois envie d’acheter un ou deux livres ! Mais il faut que je fasse gaffe à ne pas foutre mon compte bancaire dans le rouge et me retrouver dans une misère noire !

2

le 1 septembre 2021 07:21:44 par Patrick

Cher.e Eya,

Merci de ton gentil commentaire.
Oui, je comprends ton problème, je te dirais bien d’essayer des les voler chez les grands et riches libraires subventionnés ( bien sûr, évidemment pas chez les petits libraires indépendants! ), mais cela ne se fait plus de nos jours..
Les temps de l’après 68, voire celui de Jean Genet ( qui était un pro du genre ) sont révolus et attention : aujourd’hui, tous sont étiquetés, informatisés, inviolabilisés !...
Il ne te reste plus alors que le choix des bonnes vieilles bibliothèques ( enfin, combien suis-je rétro ! : c’est vrai qu’aujourd’hui pour faire plus chic, on dit : médiathèques !

Merci de ta fidélité, cela fait bien plaisir,

Filakia d’Athènes,
Patrick le rat noir