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Littérature
par Patrick Schindler • le 2 janvier 2023
Le rat noir a fait au gui l’an neuf : merveille : son œuf mensuel.
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Janvier. Le Rat noir vous propose de commencer l’année en Grèce , avec le Journal d’un retour de Tilemachos Hytiris et Lunik II de Vassilis Vassilikos. Puis, petit saut au milieu du XIXème siècle dans le premier Manifeste de l’anarchie d’Anselme Bellegarrigue. Vers l’abîme d’Erich Kästner dans le Berlin des années 1920. Direction Antigua (Caraïbes britanniques) ensuite, avec Mon frère de Jamaïca Kincaid. Enfin, une question transtemporelle : « Où est passé le passé ? » et les réponses de Laurent Olivier et Jérôme Prieur.
Tilemachos Hytiris Journal d’un retour
Dans la première nouvelle autobiographique du Journal d’un retour de Tilemachos Hytiris (éd. Le Miel des anges, traduction Hélène Zervas et Michel Volkonovitch), le narrateur (Leonidas) rentre à Athènes l’été 1974, après la chute de la Junte des Colonels.
Il revient sur ses huit années d’exil passées à Florence, en Italie (ce qui n’est pas bien sûr, sans nous rappeler la propre expérience d’Hytiris). La difficulté d’arriver à se faire une place dans un pays d’accueil, malgré la solidarité exprimée par ses amis italiens. Dès le premier jour, il ne rêve qu’à une chose : rentrer dans son pays.
Loin de celui-ci, Leonidas suit régulièrement les événements qui s’y déroulent. Et plus particulièrement, la révolte des étudiants de Polytechnique en 1973 et sa répression violente par la police et l’armée. La crise chypriote, ce « coup d’état à l’intérieur d’un coup d’état qui amenait un nouveau chef de la dictature avant sa chute finale ».
Et le narrateur de se demander pourquoi les Grecs ne se sont pas révoltés plus tôt contre cette marionnette de Papadopoulos.
« Un long fleuve boueux traversait les esprits et les souillait à jamais ».
En 1974, Leonidas rentre enfin dans son pays et rejoint son île natale, Corfou. Il y reçoit un charmant accueil, puisqu’à peine débarqué, il reçoit une convocation de « la Sureté » qui l’accuse de propagande à l’étranger contre sa patrie ! Seule solution pour échapper à la prison : accepter de faire son service militaire.
Commence alors son épopée que nous allons suivre plus loin, dans les autres nouvelles du recueil.
A commencer par les quelques jours passés avant son incorporation, dans le quartier de la Place Omonia, à Athènes. Il y rencontre par hasard une certaine Thea qui va le faire croiser, entre autres, le poète Yannis Ritsos et l’écrivain engagé, Stratis Tsirkas.
Un récit tout en émotion où se cache un esprit de détachement et un humour qui ne vont que s’accentuer.
Dans L’ordonnance, c’est cette fois-ci Tilemachos Hytiris qui enfile lui-même, le costume de Léonidas pour se présenter à la caserne de Corinthe. Mais avant son incorporation, malade, il consulte un médecin qui lui donne ce bon conseil : « Les Grecs ne sont pas idiots, ils sont intelligents, malins, mais ils sont cons. Alors, une fois là-bas, tu n’auras donc qu’à jouer au con pour avoir la paix » ! Précepte éclairé qu’Hytiris va s’empresser, une fois incorporé, de mettre en pratique. Aussi bien avec la hiérarchie militaire, foncièrement anticommuniste de ces années-là, qu’avec ses condisciples.
Quand par exemple, l’un d’eux lui demande si c’est vrai qu’il est le compagnon de la chanteuse engagée, Maria Farantouri, « cette pute qui se balade à l’étranger pour dire du mal de son pays » ? etc. etc.
Et Hytiris de se demander à la fin de son service : « Pourquoi cette Grèce dont la beauté excède toute mesure humaine, finit toujours par nous rendre malade ? »
Le héros du troisième récit, Le fils du tortionnaire, est un avocat auquel s’adresse un jour, une vieille voisine de son île natale qui lui demande avec insistance de lui rendre un service pour son petit-fils. Petit-fils dont elle lui raconte la triste histoire que nous vous laissons découvrir. L’avocat finit, à contre-cœur, par accepter et du fait de sa « curiosité malsaine » il finira par se retrouver en face d’un drôle de personnage qui lui rappellera vaguement un mauvais souvenir…
Tilemachos Hytiris de conclure : « Chats et souris, tortionnaires et suppliciés, traîtres et victime, martyrs, héros, idéologue, combattants, sont pris dans un va-et-vient perpétuel où les lignes se rapprochent sans jamais se toucher » ! ...
Comme indiqué plus haut, Maria Farantouri est la compagne de Tilemachos Hytiris. Toujours prêt à se faufiler dans les bons endroits, le Rat noir s’est glissé dans la salle de l’Opéra National Grec pour y écouter un concert exceptionnel, donné par la chanteuse en hommage au compositeur Mikis Theodorakis, pour le premier anniversaire de sa mort. Accompagnée par deux chanteurs basses lyriques et l’excellent orchestre de l’Opéra, elle a interprété un grand nombre de textes des plus grands poètes révolutionnaires grecs, mis en musique par Teodorakis et notamment :
Le cauchemar de Perséphone (Paroles : Nikos Gatsos)
Traduction française :
« Là, où la verveine et la menthe sauvage poussaient et la terre poussait son premier cyclamen à fleurir, maintenant les paysans marchandent des sacs de ciment et les oiseaux tombent morts dans le haut fourneau
Endors-toi Perséphone dans l’étreinte de la terre et ne sort plus jamais sur le balcon du monde
Là, où les dévoués mystiques joignaient leurs mains avec vénération, avant d’entrer dans le sanctuaire, maintenant les touristes jettent leurs mégots de cigarette, et ils s’en vont visiter la nouvelle raffinerie
Endors-toi Perséphone dans l’étreinte de la terre et ne sort plus jamais sur le balcon du monde
Là, où la mer était comme une bénediction et les bêlements dans le champ étaient une prière maintenant, des camions apportent dans les chantiers navals corps vides, ferrures, enfants et pièces de tôle
Endors-toi Perséphone dans l’étreinte de la terre et ne sors plus jamais sur le balcon du monde…
Vassilis Vassilikos : Lunik II
La première nouvelle met en scène l’un d’entre eux qui partage sa chambre avec un réfugié Roumain ayant pour sa part, fui le régime communiste. Ils tentent au mieux de s’éviter, jusqu’au jour où le Roumain craque et raconte tout au Grec « Pour la première fois, je compris qu’une âme d’oiseau se cachait dans ce corps de géant ».
Plus loin, nous retrouvons deux autres exilés grecs, dont l’un d’eux cache son secret dans ses cabinets…
Vient ensuite, l’histoire d’un ouvrier immigré qui, faute de trouver une femme en pays étranger, tombe amoureux d’une émission de télé !
Après la sempiternelle question « Quoi de neuf là-bas ? », quels autres sujets peuvent bien aborder des réfugiés politiques qui se retrouvent ? Nous suivons alors les divagations nostalgiques d’un exilé dans une salle des ventes. Puis sur celles d’un autre auquel sa bombe à raser lui fait penser à une vraie bombe. « En exil, nous étions tous devenus des éponges imbibées prêtes à éclater ».
Alors que faire pour éviter de sombrer ? Se prendre de passion pour les si multiples fromages français ? Assister du poulailler, aux ballets du Bolchoï ? Partir en vacances avec de maigres moyens en Yougoslavie, pour effleurer la frontière grecque ? Retrouver en Hongrie, les traces d’un village fondé par des réfugiés communiste de la guerre civile ? Suivre dans les Grands magasins parisiens des Grecs de passage, rien que pour saisir quelques bribes de la langue et sentir leur odeur « Comme un antisémite obstiné ayant toujours un code personnel pour détecter les Juifs » ? Ou tout simplement essayer d’être heureux « ne rien se rappeler, ne plus faire de comparaisons comme autrefois » ? Se constituer un réseau de relations susceptible de vous faire sortir de prison en cas d’arrestation ?
D’autres nouvelles encore abordent la question de savoir si pour les immigrés, le sexe et la politique sont compatibles ? Ou de comprendre comment un immigré peut soudainement disparaitre entre Paris et Munich ?
Lunik II, la nouvelle qui donne son titre au recueil, présente à elle seule, une palette de grecs exilés de tous âges, de toutes tendances et de toutes natures qui se retrouvent, réunis lors d’un Congrès en URSS. Mélange détonnant et sous haute surveillance des autorités soviétiques !
Comme une conclusion : « Des pis qui pendent du ciel, des vaches hypertrophiques, des baies trop mûres, voilà à quoi ressemblent les souvenirs » !
Vingt-quatre nouvelles qui ruissellent des traces laissées par la tragique histoire grecque contemporaine. Un humour qui persiste et signe même dans l’adversité et la solitude de l’exil. Le tout saupoudré de clins d’œil aux grands auteurs : Marcel Proust, Constantin Cavafy, Glaukos Thrassakis, Henri Soupault, Eschyle, Arthur Miller, Grigoris Lambrakis et même, Charles Aznavour ! Un régal.
Anselme Bellegarrigue : Manifeste de l’anarchie
L’avant-propos présente l’homme et sa pensée. Anarchiste individualiste de la première heure aux propos bien appuyés. Cependant, se laissant aller parfois à une apologie de la libre entreprise et de la propriété privée, certaines de ses pensées seront récupérées par les anarcho-capitalistes et les libertariens. Personne n’est parfait.
Ceci n’empêchant pas Anselme Bellegarrigue, bien en avance sur son temps, d’être l’un des observateurs les plus lucides de la révolution de 1848, mettant en garde contre les dangers de l’appropriation des pouvoirs du peuple par des représentants élus. Il soutenait pour sa part que « la désobéissance civique et l’abstentionnisme étaient les seules garantes de la liberté individuelle ».
La parole lui est ensuite donnée directement avec son Manifeste de l’anarchie, publié dans le premier numéro du journal L’Anarchie et considéré comme le premier de l’histoire.
« Si je me préoccupais du sens communément attaché à certains mots, une erreur vulgaire ayant fait de l’anarchie le synonyme de guerre civile, j’aurais horreur du titre que j’ai placé en tête de cette publication, car j’ai horreur de la guerre. La preuve par zéro (!) : « Après les luttes sanglantes, j’ai additionné la somme de bien être voulu, ayant rapporté chaque cadavre, j’ai trouvé zéro au total. Or, zéro c’est néant ; j’ai horreur du néant ; j’ai donc horreur de la guerre civile ».
C’est sur ce syllogisme que s’ouvre le Manifeste. Bellegarrigue d’ajouter « L’anarchie est simplement le néant des gouvernements et comme le gouvernement est le néant des individus, ce néant-là ne me fait aucunement peur » ! Il se lance ensuite dans la passionnante histoire du terme « anarchie » à travers les siècles. Puis de son antagonisme : le gouvernement, « ce dernier étant un générateur de guerre civile ». Suit une autre digression sur l’intérêt individuel, opposé à l’intérêt collectif « Il suffit que dans la société, l’intérêt d’un seul individu soit lésé pour que l’intérêt collectif ne soit plus l’intérêt de tous ». - La religion ? - Basta ! « Pour moi la création du monde est datée de ma naissance », clame-t-il ! Pour Belleguarigue, l’individualisme signifie tout simplement « le refus de la résignation ». Le Contrat social de Rousseau ? : « Une monstruosité, un esclavage volontaire, une domesticité pure ». Et d’en revenir inlassablement à son leitmotiv : « L’ennemi c’est le pouvoir ».
Au détour d’une ligne, il cite Jean de La Fontaine « Notre ennemi c’est notre maître » !
Pour notre plus grand plaisir, une kyrielle de petites phrases assassines tombent ensuite, comme autant de vérités, telle celle-ci : «Les royalistes ne demanderont jamais à rétablir la royauté si on les laisse occuper tous les emplois de la République » !
Puis, Bellegarrigue nous livre son analyse sur les révolutions. 1789 « la Convention commençant la danse », puis celles de 1830 et de 1848, « autant de révolutions menées par des nobles et des bourgeois ». Et quid du peuple ? « Il ne doit compter que sur lui-même ».
Visionnaire, Anselme Bellegarrigue se penche ensuite sur les propositions des socialistes et des modérés de son époque, de Proudhon à Raspail : « Autant de réformistes électoralistes aux propos de la plus solennelle platitude qui n’ait jamais été imaginée ». Il n’y va pas de main morte : « Suicide social ; duperie ; spoliation. Comme si le peuple devait dire merci à ceux qui l’ont parqué. Vive l’abstention, seule expression de la liberté » !
Son pamphlet Au fait ! Au Fait ! constitue le second texte de ce petit recueil. Anselme Bellegarrigue précise qu’il l’écrit en 1848, après le renversement du régime monarchique de Louis Philippe, au début de l’éphémère Deuxième République et avant l’élection de Louis Napoléon Bonaparte « cet individu du parti réactionnaire de l’ordre ». Il y concentre sa haine des politiciens et des partis politiques : républicains, royalistes, tricolores, modérés, violents, orléanistes, impérialistes et légitimistes. Ouf ! Ils ne sont pour lui, que des sectes dans lesquelles on ne trouve « que des maîtres payés et des valets payant : aucun homme libre. Alors, je dis à mes concitoyens : redressons la tête ; n’ayons confiance qu’en nous-mêmes, disons : Que la liberté soit et la liberté sera ».
Belleguarigue nous livre ensuite sa conception individuelle de la société. Nous l’avons signalé plus haut, malheureusement entachée d’une apologie de la libre entreprise et de la propriété privés. Un passage qui lui sera beaucoup reproché dans les milieux anarchistes postérieurs.
Ceci n’ôtant rien à la véracité, à la pugnacité et à la puissance des autres thèmes développés dans son discours et notamment sur la révolution de 1830, qu’il évoque plus longuement que dans son Manifeste. « Une révolution qui n’a tourné qu’au profit de quelques hommes et ne changeant, que la main qui fait tourner la manivelle » ! Pour ce qui concerne la révolution de 1948 : « L’appel démocratique de ces journées révolutionnaires n’a pas été entendu par ceux qui se sont prétendus ses représentants ». Belleguarigue en dresse un bilan implacable et prévoit qu’il ne fera que se confirmer sous le règne de Napoléon III.
Son ultime message ? « Supprimez l’administration d’Etat ce brigandage, étouffez le monstre, démolissez la forteresse » !
Erich Kästner : Vers l’abîme
« Dois-je y aller ou pas ? - Le mieux serait que vous n’y alliez pas. Deux précautions valent mieux qu’une. – Bien. Je vais y aller. Garçon l’addition ! ».
Et Jakob y va. Où ? Il ne le sait pas lui-même ! Déambulant dans les rues, il tombe sur une publicité qui vantent les « talents discrets » d’une maison de rencontre. Curieux de tout, il s’y rend. Il suit l’invite d’une femme nommée Moll, délurée et qui n’a pas froid aux yeux. Il découvre alors un « drôle de couple, lié par un drôle de contrat ». N’en disons pas plus.
On le retrouve ensuite au bureau d’un établissement de publicités pour lequel il travaille et allons assister à une scène irrésistible entre lui, son collègue et son chef. Plus loin, nous faisons connaissance avec la propriétaire qui lui sous-loue sa chambre et espionne tous ses sous-locataires. Puis de son seul et meilleur ami, Stephan. Celui-ci, fils d’un riche avocat qu’il définit ainsi : « Comme ses clients avaient beaucoup d’argent et beaucoup de procès, il avait beaucoup de procès et beaucoup d’argent » … Jakob et Stephan se valent en humour et en dérision. Mais le second a une conception beaucoup plus élevée que le premier sur l’idéal. Ne veut-il pas créer un « Comité radical bourgeois affilié au parti Socialiste » ! …
Ensemble, ils ratissent les plaisirs nocturnes qui fourmillent dans le Berlin de la fin des années Weimar, autant que les bagarres récurrentes entre communistes et nazis. Ils vont de prostituée en prostituée « Elle gloussait au point que les gens croyaient qu’elle allait pondre », éclusent tous les cabarets et finissent leurs nuit dans les boites lesbiennes. Mais à ce rythme, Jakob finit par perdre son boulot.
Ici commence sa véritable aventure, alors qu’il rejoint la foule des chômeurs berlinois. Traînant sa pauvre carcasse de bureau de placement en bureau de placement. Années vulgaires. « L’Europe était dans la cour de récréation. Les professeurs étaient partis, il n’y avait plus d’emploi du temps ». Comment échapper au naufrage général annoncé ? Prendre la tangente ? Retourner chez sa mère ?
Si beaucoup d’ouvrages ont pour décor l’Allemagne des années 30, Vers l’abîme s’en distingue par la précision chirurgicale, faussement détachée, avec laquelle Kästner nous décrit la réalité de ces années décadentes « aux morsures d’ombres qui vont se transformer en une nuit profonde ». Grandiose !
Cette nouvelle édition, intégrale, offre les différentes préfaces qu’Erich Kästner écrivit pour les différentes éditions. En 1931, Vers l’abîme remporta un véritable succès littéraire, malgré le nombre de passages censurés dont il fut l’objet. Il fut cependant âprement critiqué par les journaux d’extrême-droite qui condamnèrent « cette fange imprimée, ces descriptions d’orgies, cette histoire infâme ». Certainement effrayés par la véracité du propos, son roman fut l’un des principaux visés par le premier autodafé des nazis en 1933. Dans sa postface, l’éditeur Sven Hanuschek, retrace l’histoire singulière de cette œuvre, avant de revenir sur l’origine du roman de cet auteur qui se définissait comme « un bourgeois de gauche, plutôt qu’un révolutionnaire ». C’est ainsi qu’il ne cessa d’être critiqué durant toute sa vie, principalement pour son langage cru et ses scènes érotiques. Kästner expliquant que dans le Berlin des années 30, non seulement « tout était sans dessus-dessous érotiquement, mais que c’était également le cas pour la politique et de l’économie » !
Jamaica Kincaid : Mon frère
1986. Prévenue au téléphone, Jamaica prend l’avion d’urgence du Vermont (USA) pour retrouver ce frère qu’elle ne n’a pas revu depuis son départ aux Etats-Unis. Il n’était alors encore qu’un enfant. Et c’est dans une chambre d’hôpital qu’elle le retrouve à Antigua. On le dit mourant du sida. Dans ses bagages, Jamaica a pris soin d’apporter l’AZT, qu’elle s’est procuré en Amérique à crédit, car introuvable aux Caraïbes britanniques. Ce frère, elle ne peut pas dire qu’elle l’aime « ce rasta drogué, ce voleur, ce macho » qui en plein déni, refuse de prononcer le mot sida et l’appelle en créole « cette cochonnerie ça-là ». Il est vrai que sur l’île, le sida est un sujet tabou. « Comme dans bien d’autres endroits, les gens qui en sont affligés et leurs familles ont honte de faire connaitre leur souffrance ».
Jamaica va-t-elle trouver dans ce lieu hostile, une seule personne pour l’aider à surmonter l’épreuve ? Sûrement pas sa mère qui s’est murée dans sa fierté et, elle aussi en plein déni, passe ses journées à chouchouter son petit dernier, lui prodiguant des soins et placebos aussi désuets qu’inutiles.
Dans cette première partie de ce roman autobiographique, Jamaica Kindcaid va remonter le fil de ses souvenirs et essayer d’assembler les pièces des mystères qui entourent Devon agonisant.
Dans la seconde partie, Jamaica, cette femme qui refuse de fermer les yeux revient à Antigua pour continuer son enquête personnelle alors que Davon, « ce frère qu’elle n’aimait pas vraiment », vient de mourir, à l’âge de 33 ans. « A Antigua, quand une personne est malade, nul n’y fait allusion, nul ne lui rend visite, mais si la personne vient à mourir, il y a foule à l’enterrement ».
Jamaica elle, « veut tout comprendre et en même temps, ne pas comprendre » ! Jamaica ne recule devant rien, elle parle de tout, de sa culpabilité, de sa fatigue au bord de l’épuisement, de ce à quoi cette mort la renvoie « Les morts ne meurent-ils jamais ? » Et ce ne sera que bien plus tard qu’un beau jour à Chicago, elle apprendra enfin par le plus grand des hasards, une autre vérité sur Davon, sa vie cachée.
Un témoignage émouvant, grandiose. Face auquel, même les plus aguerris d’entre nous ne pourrons rester insensibles. Dans la postface, les traducteurs nous expliquent les difficultés auxquels ils ont été confrontés pour transcrire une écriture aussi singulière que le créole britannique dans une langue plus générale.
Laurent Olivier et Jérôme Prieur : Où est passé le passé
Nous allons l’aborder, tantôt empruntant les instruments de l’archéologue, tantôt « l’œilleton », ou « le viseur du cinéaste ». Chacun, partant du point de vue inhérent à son activité avant de se rapprocher au fur et à mesure de l’évocation de leurs souvenirs, dans l’approfondissement de leurs convictions respectives. Sans trop en dévoiler, laissons-nous aller au fil de leurs fascinantes disgressions. Dans un premier temps, ces deux messieurs cherchent à comprendre d’où leur est venue leur vocation, leur passion. Le premier, Laurent Olivier ayant découvert très jeune le plaisir de fouiller la terre. Initié à l’archéologie dès l’âge de quinze ans et ayant commencé par nettoyer les brosses à dents des fouilleurs professionnels. Il est devenu archéologue grâce au premier tesson qu’il a découvert ! Le second, Jérôme Prieur, tout d’abord fasciné par le quotidien des poilus de la Grande boucherie 14/18, puis par la découverte de boites de plaques stéréoscopiques prises durant ces terribles années, qui l’ont fait « définitivement basculer dans le passé ». Par la découverte des vieux films super 8, des trésors gardés par l’INA, avant de devenir réalisateur indépendant. A tour de rôle, ils vont s’exprimer sur leurs préoccupations majeures autant intellectuelles qu’esthétiques.
Pour l’archéologue, entre autres sujets, il cherche expliquer « pourquoi de nos jours l’on s’intéresse plus aux Romains et aux Grecs qu’aux Gaulois et aux Celtes, longtemps considérés comme des barbares incultes » ? Il se lance alors dans l’étude des évangiles qu’il aborde selon plusieurs points de vue. Puis, en fouillant les restes de la civilisation des Indiens d’Amérique et les restes de la pensée des peuples primitifs. Image survivante de nos origines ?
Pour le cinéaste : le détonateur est la découverte d’Antonin Artaud qui donne naissance à son documentaire réalisé avec Gérard Mordillat La véritable histoire d’Artaud le Momo. Il rassemble les témoignages des survivants du poète, recueille leurs souvenirs souvent contradictoires « vérités particulières aussi diverses qu’instables ».
Ses premiers films ont pour objet, l’histoire et le passé (le Paris de Léon Paul Fargue et le Journal d’Hélène Berr). Comment restituer le Paris de 1930 et celui de 1942, sans avoir recours aux clichés ? Au hasard des rencontres, de la richesse évocatrice des films tournés par les Allemands durant l’occupation pour « en extraire ce qui subsiste du passé dans le présent ». Pour exemple, en ce qui concerne Hélène Berr : ne laisser que ses yeux exprimer et sa bouche, par l’intermédiaire de la voix de Denis Polalydès. Son obsession : « la boite noire qui contient la vérité sur le passé, mais hélas, difficilement lisible ».
Pour l’archéologue : fouiller parmi les déchets mélangés au cours des siècles jusqu’aux plus récents : « S’intéresser à tout ce qui se transforme et se transmet ». Faire parler le peu de traces matérielles laissées après le massacre des Indiens de Wounded Knee afin de « redonner un visage aux fantômes du passé » relayés par les propos des survivants indiens et des témoins du drame.
Pour ne citer ensuite que quelques-uns des nombreux passages ludiques contenus dans ce dialogue, l’évocation de leur première rencontre autour du film de Jérôme Prieur sur Vercingétorix. Un bonne occasion pour l’un de fouiller et pour l’autre, « de scruter les images dans le champ de l’autre ». Disgressions autour du tableau de Lionel Royer, Vercingétorix jette les armes aux pieds de Jules César (1857) qui soulève en eux la nostalgie de l’imagerie enfantine. Plus loin, ils évoquent le rapport de Marcel Proust au cinéma, « gouffre insondable de la réalité ». Vestiges visuels pour l’un, vestiges matériels pour l’autre. Supports aussi fragiles l’un que l’autre : les archéologues étant bien obligés parfois de briser ce qu’ils touchent en le découvrant, afin de l’analyser. Les cinéastes eux, obligés de détruire une partie du sens des images durant le montage du film !
Leurs fantasmes ? Laurent Olivier : « que l’archéologie soit le plus près possible du petit, de la vie quotidienne et non pas uniquement enfermée dans les musées ». Jérôme Prieur : « Prendre soin de ceux que l’histoire a brisés ».
Pour eux deux, il s’agit de sauver le passé de l’oubli ou du moin
Tellement passionnant que le Rat noir l’a lu d’une traite pour essayer de ne rien perdre de ce qui constitue notre bien commun : le passé !
Patrick Schindler, individuel FA Athènes
PAR : Patrick Schindler
individuel FA Athènes
individuel FA Athènes
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Athènes . Rendez vous féministe et solidaire était donné le 8 mars
En Arès, le rat noir hellénophile attend le printemps.
Hommage au philosophe, René Schérer
Pour un mois de février à ne pas mettre un rat dehors...
Grèce. Un Rom de 16 ans tué par un policier pour un vol à 20 €
Pour finir l’année avec le rat noir
Commémoration du 17 novembre 1973, hier à Athènes
Ballade en novembre pour le rat noir
Finies les vendanges en octobre, le rat noir fomente en tonneau
"C’est en septembre que je m’endors sous l’olivier." rêve le rat noir
Coming août, voici le rat noir.
Le rat noir lit à l’ombre en juillet
Gay Pride Athènes 2022
En mai, le rat noir lit ce qui lui plaît.
En avril, le rat noir ne se découvre pas d’un livre.
Encore un peu du rat noir pour mars
Le rat noir de mars
Vite, le rat noir avant que mars attaque...
Février de cette année-là, avec le rat noir.
Une fin de janvier pour le rat noir
deux mille 22 v’là le rat noir
Le Rat Noir de décembre...
Un rat noir de fin novembre...
Début novembre, le rat noir est là
Octobre, nouveau message du rat noir
revoilà le rat en octobre
Le message du rat noir, fin septembre
La rentrée du rat noir
La fin août du rat noir
Mi-août, voilà le rat noir !
Le rat noir, du temps de Jules au temps d’Auguste
Le rat, à l’ombre des livres
Interview de Barbara Pascarel
Le rat noir, fin juin, toujours le museau dans les livres
Un bon juin, de bons livres, voilà le rat
On est encore en mai, le rat lit encore ce qui lui plait
En mai le rat lit ce qui lui plait
Fin avril, le rat noir s’est découvert au fil de la lecture
Un rat noir, mi-avril
Une nouvelle Casse-rôle sur le feu !
Qu’est Exarcheia devenue ?
V’là printemps et le rat noir en direct d’Athènes
Le rat noir de la librairie. Mois de mars ou mois d’arès ? Ni dieu ni maître nom de Zeus !!!
Librairie athénienne. un message du rat noir
Le rat noir de la librairie athénienne. Février de cette année-là.
Le rat noir d’Athènes mi-janvier 2021
Le rat noir de la bibliothèque nous offre un peu de poésie pour fêter l’année nouvelle...
Volage, le rat noir de la bibliothèque change d’herbage
Octobre... Tiens, le rat noir de la bibliothèque est de retour...
Le rat noir de la bibliothèque pense à nous avant de grandes vacances...
Maurice Rajsfus, une discrétion de pâquerette dans une peau de militant acharné
Juin copieux pour le rat noir de la bibliothèque.
Juin et le rat noir de la bibliothèque
Mai : Le rat noir de la bibliothèque
Séropositif.ves ou non : Attention, une épidémie peut en cacher une autre !
Mai bientôt là, le rat de la bibliothèque lira ce qui lui plaira
Toujours confiné, le rat de la bibliothèque a dévoré
Début de printemps, le rat noir de la bibliothèque a grignoté...
Ancien article Des « PD-anars » contre la normalisation gay !
mars, le rat noir de la bibliothèque est de retour
Janvier, voilà le rat noir de la bibliothèque...
Vert/Brun : un "Drôle de couple" en Autriche !
Ancien article : Stéphane S., le poète-philosophe libertaire au « Sang Graal »
Algérie : l’abstention comme arme contre le pouvoir
Décembre 2019 : Le rat noir de la bibliothèque
1er décembre, journée mondiale contre le sida : les jeunes de moins en moins sensibilisés sur la contamination
A Paris, bientôt de la police, partout, partout !
Les Bonnes de Jean Genet vues par Robyn Orlin
N° 1 du rat noir de la bibliothèque
En octobre et novembre le ML avait reçu, le ML avait aimé
Razzia sur la culture en Turquie
Ces GJ isolés qui en veulent aux homos !
Service national universel pour les jeunes : attention, danger !
Vers l’acceptation de la diversité des familles dans la loi ?
Une petite info venue de Grèce
Le philosophe à l’épreuve des faits
La Madeleine Proust, Une vie (deuxième tome : Ma drôle de guerre, 1939-1940)
Loi sur la pénalisation des clients : billet d’humeur
Les anarchistes, toujours contre le mur !
Le Berry aux enchères
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1 |
le 5 janvier 2023 06:54:57 par Patrice Montagu-Wiliams |
Bravo ami Patrick. Des tas de bouquins que je ne connaissais pas. A lire donc. Continue, surtout...
2 |
le 5 janvier 2023 11:14:20 par Viviane |
Cette année commence bien ! Je parle de litté( rat )ure, bien sûr... Le rat nous veut intelligents, lettrés, érudits, concernés. L’exigence est là, la barre est encore montée! Merci pour ça, cher rat...