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Littérature
par Patrick Schindler le 28 mai 2025

Sur le calendrier du rat noir, au mois de février, les jours s’allongent peu à peu

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Pour commencer février en Grèce : Les deux amantes de Dora Rosetti suivies des Histoires sont toujours étrangères de Dimitris Nollas. Espagne : Sonnets de l’amour obscur de Federico Garcia Lorca. Grande-Bretagne : Maurice, le roman de E.M. Forster. France : La grève des machines d’Antonin Seuhl ; Autour de Marguerite Yourcenar : Un autre m’attend ailleurs de Christophe Bigot ; Tradition de Laurent Le Gall. Petite balade ensuite, au pays des anciennes républiques d’URSS : Sur le miroir fêlé de notre monde de Colin Fraigneau. Enfin, l’Indonésie, avec La tigresse de Sumatra de Patrice Montagu-Williams.

« Jamais tu ne sauras combien je t’aime car tu dors en moi et tu es endormi »
Federico Garcia Lorca



Tableau de Takis Eleftheriadis


Dona Rosetti : Les deux amantes



Dans la préface des Deux amantes (éd. ETP Books), la traductrice Patricia Macé nous indique que cet ouvrage, probablement autobiographique de Dora Rosetti, a été publié en 1929. Premier roman lesbien grec, il a été conçu durant le règne de la génération « dite maudite », après la naissance du Rebètiko dans les fumeries de haschich en Asie Mineure, tandis qu’en France sévissaient alors les années de « la bohème ».
Avant de tomber dans l’oubli, Les deux amantes fut salué dans le magazine littéraire Nea Estia par Grigorios Xenopoulos, le grand critique de l’époque. Il ne fut redécouvert que très récemment grâce à deux exemplaires sauvegardés et retrouvés. Le premier dans la bibliothèque de Constantin Cavafi et le second à Lesbos, dans celle du peintre Takis Eleftheriadis.

Dora et Lisa, deux jeunes filles. La première, étudiante en chimie, vit chez sa tante. Sérieuse et grande admiratrice de littérature russe et scandinave, elle ne s’aime pas, se trouvant laide (on peut voir ici une similitude avec l’écrivaine lesbienne française Violette Leduc, sa contemporaine) ... La seconde jeune fille, Lisa, « espèce de Carmen-Aphrodite » est autonome car salariée, mais jouisseuse, capricieuse et superficielle. C’est à travers le journal de Dora, que nous vivons en direct les heures de leur première rencontre d’abord timide, puis se transformant en coup de foudre.
Commentaire de Dora dans son journal : « L’amour est devenu mon univers. Je flotte dans un bateau tapissé de roses, dans une mer de lait et de miel ».
Mais très rapidement surviennent les premières scènes, les premiers doutes de Dora, suivis de pulsions sadiques et de jalousie. Cette passion tumultueuse et tyrannique va s’étendre sur deux années durant lesquelles nous allons découvrir l’atmosphère régnant dans différents quartiers de l’Athènes des années 20/30 et de leurs environs. Un monde alors dominé par la norme de l’hétérosexualité et les différences de classes.
A ce propos, Dora notera avec pertinence : « Partout, la forte pression morale a amené la révolution des peuples ».

Ce roman est d’autant plus original qu’il développe un discours féministe émancipateur d’avant-garde pour l’époque, en Grèce. Pour autant, où cet amour dévorant et impossible conduira-t-il nos deux jeunes filles « après ces deux années de torture » ? Cette écriture d’une force prodigieuse renvoie comme un miroir aux nombreux questionnements de Roland Barthes dans son essai Fragments du discours amoureux, présenté dans la rubrique du Rat noir du mois dernier …

Dimitris Nollas : Les histoires sont toujours étrangères



Les histoires sont toujours étrangères (éd. Le Miel des anges, trad. Hélène Zerbas et Michel Volkovitch) est un recueil regroupant quatorze petites nouvelles de Dimitris Nollas. Ce dernier est né en 1940, près de Drama. Il est l’auteur de nombreux romans et nouvelles qui ont connu un grand succès auprès du public et dont plusieurs ont été primés. Durant les années 1980, il a été scénariste de films réalisés par des metteurs en scène grecs, dont Theo Angelopoulos.

Pénétrer dans l’univers de Dimitris Nollas n’a rien d’évident. On se demande par exemple pourquoi dans sa première nouvelle, il nous décrit la petite histoire d’un couple de fêtards certainement athéniens, qui débarque dans un village typique de la campagne profonde grecque où les locaux se montrent plus que perplexes devant leurs échanges décousus.
Plus loin, nous assistons au dialogue entre deux journalistes qui peinent à relater les circonstances d’un meurtre plus que bizarre. L’un d’eux se réfère à Oscar Wilde et se lance dans une démonstration qui semble, à priori, sans rapport avec le contexte, et pourtant…
À partir de la troisième nouvelle, le style de Dimitris Nollas, ce conteur-né, nous devient plus familier.
Ne nous reste qu’à nous laisser couler le long des méandres de ses récits. Comique de situation, sous-entendus et non-dits toujours à la limite de la politesse. Comme, par exemple, dans une conversation qui tourne rapidement mal entre un chauffeur de camion faisant des aller-retours Allemagne/Grèce et un autostoppeur.
Problème de communication encore, dans les propos échangés par trois individus en train d’uriner dans une pissotière et qui soudainement tourne court !
Pensées amères d’un ilien, « ballotté entre ce qu’il lui reste de son patrimoine et les désidératas de touristes vaniteux ».
Nous revivons ailleurs, le parcours d’un vieux roumain à bout de souffle, ayant traversé l’ère de la Roumanie fasciste, puis celle de Ceausescu.
Plus loin cette question : « Quand on a un idiot du village, faut-il le garder "chez soi" ou l’envoyer à l’asile ? » ... la preuve par l’exemple !
Paroles volées ensuite « de tous ceux qui savent sans le dire, de ceux qui ne peuvent pas tout dire sachant que tout ne se dit pas » !
Récit hilarant de la scène rupture d’un couple sauvé par la grande sagesse d’un paysan.
Plus loin encore, la rencontre très opportune d’un plombier et d’une vieille dame
et enfin pour clore le tout, le parcours « obligé » de Grecs à Paris ce qui entraine une discussion à bâtons rompus bourrée de mauvaise foi.
Un petit cocktail bien rafraichissant !

Federico Garcia Lorca : Sonnets de l’amour obscur



Federico García Lorca est né en 1898 à Fuente Vaqueros, près de Grenade. Jeune homme plein de talent, poète, dramaturge, peintre, pianiste et compositeur, il est l’un des « fils d’Appolon » les plus importants du début du XXe siècle. Violemment antifasciste, il signe dès 1933, un manifeste contre l’Allemagne d’Hitler. Quand la guerre civile éclate en juillet 1936, il quitte Madrid pour Grenade, une ville réputée conservatrice où un soulèvement franquiste éclate dès son arrivée. Bien que n’ayant jamais participé à la moindre action politique malgré ses idées révolutionnaires connues de tous, il est arrêté chez un ami poète où il a trouvé refuge et fusillé. La date et le lieu exacts de sa mort ont fait l’objet d’une longue polémique, aujourd’hui résolue. Son corps serait enterré dans une fosse commune aux côtés d’un maître d’école, d’anarchistes de la CNT et de deux toreros exécutés en même temps que lui. Le régime de Franco décida l’interdiction totale de ses œuvres jusqu’en 1953 !


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Dans la préface des Sonnets de l’amour Obscur (éd. Allia, illustré de dessins de Federico Garcia Lorca), la traductrice Line Amselem raconte l’histoire de ces onze sonnets, publiés pour la première fois clandestinement en Espagne, puis republiés en France seulement en 1987. Date à laquelle les ayants-droits donnèrent enfin leur accord quant au sujet évoqué ! Line Amselem explique le choix des poèmes « ou lettres d’amour » présentés dans cette édition, leur composition, la forme des sonnets et les sources de leur inspiration « bien que dans le recueil aucun poème, probablement adressés au footballeur Raf, Rodriguez Rapun, ne montre l’homosexualité de Garcia Lorca de façon explicite, sinon de façon voilée ».
Extraits :
« Jouis du frais paysage de ma plaie, / brise les joncs et les rivières fines / Bois aux cuisses de miel le sang versé / Mais fais vite ! / Qu’enlacés et unis / âme mordue, bouche d’amour brisée / le temps nous trouve à la fin démolis »
« C’est ainsi que mon cœur, le jour, la nuit / là, dans l’amour obscur fait prisonnier / pleure, sans te voir, sa mélancolie »
« Jamais tu ne sauras combien je t’aime / car tu dors en moi et tu es endormi / Mais dors encore, ô amour de ma vie / dans les violons, entends, mon sang s’éreinte / C’est que toujours, tu sais, on nous épie ! ».

Une interprétation de Pascal Ruiz à retrouver sur YouTube


E.M. Forster : Maurice



Edward Morgan Forster fait ses études secondaires dans une école privée du Kent. Il en gardera un mauvais souvenir mais trouve plus de compréhension et de liberté au College de Cambridge. Après ses études universitaires, il voyage en Europe en compagnie de sa mère avec laquelle il a vécu jusqu’à la mort de celle-ci, en 1945. Il publie son premier roman à 26 ans. L’histoire de Maurice, roman fortement autobiographique ainsi que ses nouvelles explicitement homosexuelles ont été source de controverses après sa mort, en raison de leur sujet évoquant l’amour homosexuel au début du XXe siècle dans une Angleterre puritaine.



Maurice (éd. Livre de poche) : nous sommes en Grande Bretagne à la fin du XIXe siècle.
Alors que le jeune Maurice Hall, élève moyen est en passe d’entrer au College de Cambridge, son maître principal, un homme bienveillant « estime de son devoir de l’informer sur certaines choses de l’amour ». Peu convaincu, Hall déclare alors ne jamais vouloir se marier. Au College, jeune homme avenant, il est partagé entre sa sexualité naissante et son idéalisme. Cependant il se sent bien différent de ses condisciples et peine à s’habituer aux mœurs et coutumes de l’endroit, majoritairement composé de jeunes issus de la grande bourgeoisie ou de l’aristocratie.
Malgré leur différence de classe et de caractères, il s’attache à Clive Durham, jeune homme élégant et cultivé ayant perdu lui aussi, son père très jeune et tout comme Hall, élevé par sa mère. Une forte complicité nait entre eux, nourrie d’échanges passionnés de haute volée qui tournent autour de la religion et de la philosophie, notamment du Banquet de Platon. Maurice et Clive en arrivent à des rapports passionnés mais platoniques, chacun refoulant ses tendances homosexuelles. Maurice essaiera tout pour la combattre auprès d’une jeune femme, puis d’un psychanalyste, mais ses tentatives échoueront et le laissera prendre conscience de sa nature profonde.
Cependant, les rapports des deux garçons deviennent de plus en plus compliqués au sein du collège. Après une folle escapade commune, Hall est renvoyé au grand damne de sa famille. Le temps passant, la distance suffira-t-elle à leur faire oublier les traces de leur premier amour déçu ?
« Quand l’amour disparait, le souvenir qu’il laisse ne lui ressemble pas » !...
Mais, n’anticipons pas car nous n’en sommes qu’au début de l’histoire et beaucoup de choses imprévues peuvent encore intervenir ...
Contrairement au film Maurice, ce roman paru en 1971 à titre posthume, développe en profondeur la psychologie des personnages et sa fin est très différente de celle proposée dans le film ayant pour interprètes James Wilby et Hugh Grant, qui eut un grand succès et devint rapidement culte.

Les feuilles mortes, interprétée par Iggy Pop

Antonin Seuhl : La grève des machines



Dans l’avant-propos de La grève des machines (réédition La ronde de nuit), Nadia Porcar nous indique qu’on ne sait pratiquement rien de la vie d’Antonin Seuhl. Sinon, grâce aux 156 portraits d’écrivains oubliés de Éric Dussert (2013), qu’il était un romancier français né en 1883, l’ami d’Henry Poulaille et un auteur politiquement engagé, libre-penseur et antimilitariste.

D’entrée nous sommes propulsés dans le bureau de Monsieur Brasseur d’affaires, « lutteur brutal, écraseur d’homme et buveur d’obstacle, mais fou d’orgueil » ainsi que de sa fille Gamine (c’est son prénom), si jolie et si intelligente. Il vient tout juste de mettre à la porte sans ménagement, un homme qu’il a pris pour un démarcheur et s’étant présenté comme le secrétaire de la Confédération générale des machines, venu présenter leurs revendications. Nous pénétrons alors dans l’intimité de Monsieur le brasseur d’affaires qui reçoit à présent chez lui, le président du Club des agités, Monsieur Trepidex, « digne d’un super Frederick Taylor » !
Ce dernier prépare pour ses adhérents fêtards et parasites sociaux, La Semaine des agités. Or, non seulement il faut trouver des fonds, mais aussi désigner une reine de la Semaine.
Il hésite encore entre son impétueuse maitresse et Gamine, la fille de son ami. Mais son enthousiasme va en prendre un coup tandis que les murs de Paris se couvrent d’affiches proclamant qu’après le refus des responsables patronaux de les écouter, les machines ont décidé de leur déclarer la guerre et décrété la Grève générale, si des excuses ne leur étaient pas faites par voie de presse, sinon … « Sinon quoi ? Des machines devenues intelligentes, s’agit-il d’une mauvaise farce ? D’une machination prolétarienne ? D’un sabotage ? ». Mystère et patience, car il reste encore dix-huit chapitres pour découvrir les conséquences et suites de cet ultimatum.
La réédition de ce petit chef-d’œuvre d’humour et plein de rebondissements datant de 1924, est un enchantement. Fiction hilarante mais oh ! combien futuriste et… réaliste !

Christophe Bigot : Un autre m’attend ailleurs



Un autre m’attend ailleurs (éd. de la Martinière) de Christophe Bigot (enseignant et écrivain) : Janvier 1981, Marguerite Yourcenar « Ce sphinx, mélange de paysanne flamande et de précieuse Grand siècle, quasi muette sur sa vie intime qu’elle préserve », vient d’être reçue à l’Académie française. « Après un discours un peu confus et dilué, elle parait un peu absente », commente l’auteur de cette biographie romancée sur les dernières années de l’écrivaine. « Car ailleurs, dans le Maris, l’attend Jerry Wilson, son Antinoüs américain ».
Nous remontons alors le temps de quelques années pour nous retrouver Petite Plaisance, dans sa maison du Maine (Etats-Unis) où Yourcenar vit avec sa compagne Grace Fick (atteinte d’un cancer qui va lui être fatal), tandis que Jerry et son compagnon y sont reçus pour tourner une émission sur la grande écrivaine française.
Marguerite Yourcenar alors âgée de 75 ans, est fascinée par Jerry qui lui rappelle une aventure qu’elle eut jeune avec un homosexuel dont elle fut folle, avant de rencontrer Grace, sa « cerbère », la femme de sa vie. Après sa mort, Yourcenar recontacté par Jerry embauche celui-ci comme secrétaire particulier. Sa nouvelle grâce ?!
Cette bio romancée va couvrir les quatre années d’une relation « contrastée, compliquée sulfureuse et ambiguë » entre le jeune homme « mélange de macadam cowboy, de Village People et d’ange de la mort » et la vieille femme, soudain rajeunie après la perte de son amie. Nous allons les suivre aux Caraïbes, dans tous les recoins de la vieille Europe adulés de l’écrivaine, au Japon, en Inde et en Afrique, lieux souvent marqués par ses souvenirs. Mais aussi sur les traces d’Antinoüs et de Constantin Cavafi en Égypte, sur celles de son héros Zenon à Bruges, de Mishima au Japon, ou encore en Inde ou aux Caraïbes.
C’est au cours de ces voyages que nous allons petit-à-petit, découvrir une autre Yourcenar « ce monstre littéraire et de culture, cependant elle aussi soumise aux caprices du temps », mais aussi la face sombre de Jerry (digne d’un roman hyperréaliste) dans une société alors marquée par les premiers ravages de l’héroïne et du sida.
Portrait effrayant et sûrement loin de l’image que l’écrivaine aurait souhaité laisser d’elle !
Difficile en refermant ce livre de ne pas penser à une autre Marguerite (Duras) et à son dernier amant, homosexuel, Yann Andréa ! En fin de volume, Christophe Bigot cite les principales sources qui ont étayé ce livre fascinant : œuvres, entretiens, correspondance, notes et témoignages sur une Marguerite Yourcenar plus que jamais devenue une énigme !

Laurent Le Gall et Mannaïs Thomas : Tradition



Tradition (éd. Anomosa), vous avez dit tradition ?
Tradition, comme le « bon beurre des Charentes-Poitou » ou comme le parti Chasse, pêche et tradition ? Comme l’emblématique coq gaulois ou comme le béret-basque-baguette (tradition) ?
Il semblerait bien en tous cas, que le Front National se soit inspiré de toutes ces images de la tradition lors de son université d’été en 1996, baptisée « Racines, traditions, identité » ! En Italie, Giorgia Melloni n’a-t-elle pas, elle, évoqué la tradition culturelle, « comme une variation postfasciste » ? On pourrait encore démultiplier les exemples y compris à gauche, comme la création du musée des Arts et Traditions populaires durant Front Populaire, etc.
Les auteurs nous convient alors à réfléchir sur le couple « modernité v/s tradition » : invention ou enfants jumeaux ? « Le mot tradition est tellement aujourd’hui galvanisé qu’on y perdrait son latin ». Il est vrai, nous disent Laurent Le Gall et Mannaïs Thomas, que les frontières sont souvent bien floues. Y compris pour les anthropologues qui affirment que la tradition ne va définitivement pas de soi ! Ainsi, tout va être passé à la moulinette dans cet ouvrage très instructif et qui fait beaucoup réfléchir. Sur les traces laissées par la religion chrétienne jusqu’aux utopies du XIXe siècle ou dans la littérature des trois premiers quarts du XXe.
Alors, mémoire ou tradition ? Du côté des linguistes, on préférerait parler de « la et les » coutumes que de tradition. Aussi, les auteurs nous gratifient de six variantes à découvrir : La tradition comme inertie ? Conscience ou inconscience de la tradition ? La tradition, une histoire ? Tradition : ordre ou domination ? Quid de la fonction utilitaire de la tradition dans l’histoire moderne ? Et enfin, la tradition et expériences.
La lecture achevée, on ne peut que remercier Laurent Le Gall et Mannaïs Thomas de nous avoir invités à ce voyage « afin de ne pas abandonner la tradition aux seules fêtes de villages et dépliants touristiques ». Mais surtout d’avoir remis à jour les dits d’une belle palette de penseurs, chercheurs, historiens, sociologues, anthropologues pas des moindres, dont Benjamin Walter, Pierre Bourdieu, ou encore Claude Levy Strauss, etc.
Tentés par l’aventure ?


Colin Fraigneau : Sur le miroir fêlé de notre monde



Colin Fraigneau est né en 1981 en région parisienne, où il a passé la majeure partie de sa vie. Dans son enfance, « c’est d’abord par les livres qu’il explore les ailleurs », puis devenu professeur, durant ses congés ou année sabbatique. Ainsi, il découvre la Bolivie, mais ce sont les pays de l’ex-URSS qui le fascinent le plus. Son projet littéraire est apparu ensuite. Sur le miroir fêlé de notre monde est son premier livre.

Dans l’introduction de Sur le miroir fêlé de notre monde (éd. La ronde de nuit), Colin Fraigneau tient à nous prévenir : « mon héros n’est pas tout à fait moi, tout en l’étant » ! Toujours est-il qu’il va nous conduire à travers « les débris de la géante URSS, autrefois le pays le plus grand de la terre et devenu quinze Etats aujourd’hui indépendants. Certains, points chauds et dangereux, d’autres déconcertants et poussiéreux : le grand bordel postsoviétique ! ».

Au menu :

Les pays d’Asie centrale avec comme point de départ le Kirghizstan que nous allons découvrir en compagnie d’un petit groupe de fêtards aux relations compliquées. Puis, arrêt à Samarcande (Ouzbékistan) « où l’on découvre la vraie face de la police dans un train de tous les trafics ». Nous nous retrouvons ensuite à Douchanbé, la grande ville du Turkménistan à accompagner cette fois-ci, le couple Thomas et Eileen faisant « face à un vieil ours russe », ancien militaire de l’URSS, « tandis qu’une capote vient de craquer sous les étoiles », précédant une course folle pour choper une pilule du lendemain … Au Kazakhstan, nous suivons Thomas et son petit ami tunisien et athée qui se demande ce qu’il est venu faire dans un lieu saint de l’Islam en plein désert !

Le Causase. La Géorgie « où l’on ne fait rien de plus que bouffer des khinkalis, siroter des boissons en terrasse et passer des soirées en dortoirs non-mixtes ». Halte en Arménie, « pays du génocide mais aussi, plus petit qu’une larme sur la carte du monde, n’en déplaise à Michel de Montaigne », avant de rejoindre l’Azerbaïdjan, « l’ennemi juré des Arméniens ». Séjour un peu gâché par les échanges acerbes entre un chauffeur Turc azéri et un passager ukrainien, au sujet du découpage des anciennes républiques soviétiques. « Quelle idée », se demandera alors Thomas, « d’aller traîner ses bottes en Tchétchénie, un pays où l’on tue les homos et un des plus explosifs de la région » ?!

Europe de l’Est. Kaliningrad, « rongée par la drogue et la corruption où la première chose que l’on voit en arrivant de Pologne est un… MacDo et une statue de Staline fleurie » ! Quel contraste avec Vilnius (Lituanie), « intelligente et bienveillante ». La Lettonie « magnifique de jour comme de nuit », mais où il est difficile d’oublier l’extermination des Juifs et des Lettons par les nazis. Aujourd’hui haut lieu de villégiature de la mafia russe. Splendeurs et misères d’un jeune gay en manque de tendresse et tentant sa chance dans une Biélorussie « laissée à l’état de ruine par les nazis et sous la coupe du voisin russe ». Kiev, capitale d’une Ukraine hospitalière « où les compatriotes de Gogol rayent tout héritage communiste de son histoire dans un mouvement de colère ». Traversée de l’improbable petite république moldave de Transnistrie, non reconnue par l’ONU et restée fidèle à la défunte URSS et livrée au grand capital du Sheriff, « le monopole du tout », à découvrir…

Dans le dernier chapitre dévolu aux horizons extrême-orientaux, Colin Fraigneau nous offre un magnifique poème dédié aux juifs de Birobidjan, « où survivent, chose à peine imaginable, encore quelques Sémites venus d’Asie centrale, fondus aux Musulmans ». C’est alors que nous nous quittons à regret dans la « décevante Vladivostok » avec un dérapage final sur les glaces du lac Baïkal, comme sur un « miroir fêlé de notre monde » !

Patrice Montagu-Williams : La tigresse de Sumatra



Patrice Montagu-Williams dédicaçant son livre au Rat noir à la librairie Lexikopoleio d’Athènes.

Dans la première partie de La tigresse de Sumatrad. Alesa), Patrice Montagu-Williams déjà rencontré dans les chroniques du Rat noir, nous présente son héros, Arthur, « qui contrairement à l’Arthur aux semelles de vent, lui a plutôt des semelles de plomb » ! Est-ce dû à son alcoolisme ? A ses pulsions violentes ? A son divorce et l’éloignement de son fils ? Ou encore aux conséquences du prix littéraire qui vient de lui être décerné ?
Toujours est-il que cet amoureux de littérature américaine (tout comme l’auteur), un peu crâne et flambeur, las du « cirque littéraire qui s’ouvre devant lui », décide sur un coup de tête de quitter son cher Montmartre « afin d’essayer de chevaucher sa vie comme un cowboy agrippé sur un cheval rodéo ». Il lui fallait un tel électrochoc pour quitter ses vieux parents et son chat adoré (qu’il confie à son attachée de presse, sa toute nouvelle maitresse, en cadeau de départ !) et tenter l’aventure à l’autre bout du monde, Sumatra où vit un de ses cousins.
Patrice Montagu-Williams nous entraine cette fois-ci à la découverte de Sumatra, située au sud de la péninsule de Malaisie et à l’ouest de l’île de Java (Indonésie). A peine débarqués, nous voici plongés « dans la cacophonie des auto-rickshaws, des charrettes à buffles d’eau, bringuebalants et dangereux et des mono-taxis qui pullulent dans le pays ». Mais ce sont bien d’autres dangers qui attendent Arthur lors de son voyage. Braconniers ; bénévoles d’ONG idéalistes ; planteurs-voleurs d’huile de palme (très dangereuse pour la santé et pour la jungle) ; compagnies pétrolières « qui n’ont pour objectif que de s’enrichir pour le grand malheur de l’environnement », sans compter les manipulations géopolitiques pour contrer la concurrence chinoise. Cerise sur le gâteau lorsqu’il va faire la connaissance de la femme du grec Stavros. Lui, tueur d’enfants dans les plantations et elle, dite « la tigresse de Sumatra », ainsi que de leur terrible secret de couple. Avec un passage mémorable par Jakarta, la capitale de l’Indonésie « avec sa saleté repoussante, ses maladies contagieuses, ses gangs urbains et ses trafiquants de drogues ». Dans quel guêpier vient de se fourrer notre héros qui n’avait que la seule intention de fuir celui des coupeurs de têtes d’écrivains !?

Patrick Schindler, individuel FA Athènes

Passager clandestin de février

Une chanson sur la guerre du Vietnam, "Agent orange spread across the sky like marmalade",[note] "Sam lost his arm in some border town / His fingers are mixed with someone’s crop", [note]"Half his friends are stuffed into black body bags / With their names printed at the top". [note]
(Bernard, Comité de rédaction du ML)









PAR : Patrick Schindler
individuel FA Athènes
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1

le 2 février 2025 19:04:52 par Michel Volkovitch

Patrick,
Merci pour votre belle recension des Histoires sont toujours étrangères de Dimitris Nollas,
Bien à vous,
Le traducteur

2

le 3 février 2025 00:29:20 par Poiré- Stiebel Patricia

Que de choses à découvrir plus passionnantes les que les autres . Le livre sur Marguerite Yourcenar m’intrigue car j’ai été une de ses fidèles lectrices . Merci pour ce choix hétéroclite.

3

le 3 février 2025 08:58:30 par Lola Semonin

Chaque mois le Rat noir ne cesse de m’étonner et de me réjouir !...
Lola

4

le 3 février 2025 08:59:43 par Corinne

Bravo pour la variété des thèmes abordés et bien tentants...
C.

5

le 3 février 2025 09:00:38 par Éditions Anamosa

Cher Patrick,
Merci pour cette recension fidèle que nous transmettons aux auteurs...

6

le 3 février 2025 11:27:04 par Stéphane S.

Cher rat,
Le tableau de Takis Eleftheriadis à quelque chose d’une réalité surréelle.... Heureux de retrouver mon cher Federico ( j’adore la voix du mec sur la vidéo jointe, très émouvante...
Amitiés
Stéphane

7

le 3 février 2025 17:21:59 par max

De l’amour qui fait du bien dans cette chronique livresque

8

le 6 février 2025 12:42:41 par Éditions La ronde de nuit

Merci à vous Patrick Schindler pour cette réhabilitation du La grève des machines d’Antonin Seuhl dans Le Monde libertaire, ce petit trésor anarchiste trop longtemps oublié....
La ronde de nuit