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Littérature
par Patrick Schindler le 25 avril 2021

Fin avril, le rat noir s’est découvert au fil de la lecture

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Fin avril, le rat noir s’est découvert d’un fil et il est tombé dans la faille d’un polar grec de Samarakis des années 50 ; puis sur autre roman de Nikos Kazantzakis et a avalé en dessert, la vision envoûtante de Benjamin Fondane sur Charles Baudelaire .

La faille d’Antonis Samarakis




Antonis Samarakis est né en 1919 à Athènes où il étudie le droit à l’université de la ville. Pendant l’occupation nazie, il participe à la résistance, est arrêté en 1944 par les nazis et condamné à mort, mais parvient à s’échapper. Il travaille ensuite au ministère du Travail qu’il quitte au moment de la dictature du général Ioannis Metaxas. Il commence sa carrière littéraire dès 1930 par la publication de poèmes et de nouvelles avant d’écrire en 1965, son polar-politique La Faille, à l’atmosphère kafkaïenne et qui deviendra rapidement un best-seller.




La Faille (traduit par René Bouchet, éd. Aiora, 16 €), commence par une scène de la vie courante. Tout à fait anodine, elle se déroule dans un café d’une grande ville grecque. On se demande où l’auteur veut nous mener quand il nous présente un « paisible citoyen » qui s’assied dans un café. Et c’est justement parce qu’il se trouve en ce lieu-là, à ce moment-là, précisément à cette heure-là, qu’il est arrêté par deux agents des Service spéciaux du gouvernement. Scène on ne peut plus banale sous un quelconque régime autoritaire. Quand il se défend et explique « Je suis un paisible citoyen », la sentence tombe : « Pour le régime, un paisible citoyen ça n’a pas de sens. Aucun sens ! Les gens se répartissent en deux catégories : ceux qui sont pour le régime et ceux qui ne le sont pas. Pour être un ennemi du régime, il n’est pas nécessaire d’avoir agi contre lui. Il suffit de ne pas être de son côté, de ne pas s’être activé ouvertement en sa faveur ». A partir du moment où il tombe entre les mains des Services spéciaux, la mécanique se met en branle. L’enquête est ouverte par le directeur du service qui déclare à ses adjoints : « L’individu en question s’est retrouvé automatiquement sur la rive d’en face. Il n’a pas pu démontrer qu’il était du côté du régime. Il est donc contre lui. » S’ensuit un enchevêtrement d’événements qui fait de plus en plus penser à l’atmosphère schizoïde dans laquelle se débat le héros du Procès de Kafka. Mais il semble qu’aussi bien du côté flics que du côté présumé coupable, les choses ne sont pas si claires qu’elles le paraissent au début. Et le sont encore moins quand tour-à-tour, les différents protagonistes nous donnent leur vision de « l’affaire ». Ce banal concours de circonstances qui se présente alors sous la forme d’une masse d’informations divergentes, confuses et finalement convergentes, qui vont aboutir à une fin magistrale. Quatre années seulement après la parution prémonitoire de ce policier politique sacrément bien ficelé, le colonel Pattakos, ministre grec de l’intérieur, définit ainsi la liberté : « L’aptitude à discerner le bien du mal. En sont capables – ajoute-t-il – ceux qui ont reçu le don de logique. » Tout un programme dictatorial ! Traduit et publié en France une première fois en 1970, La Faille obtient le Grand prix de littérature policière et fait écrire à Agatha Christie : « La Faille un vrai chef-d’œuvre. L’histoire de la lutte psychologique entre deux agents de la police secrète et leur suspect racontée avec vivacité, imagination et une habilité technique exceptionnelle. » Et à Graham Greene : « La Faille est le subtil premier roman d’un écrivain grec qui commence comme Le Brave Soldat Chvéïk et qui, pas à pas, imperceptiblement, devient du Kafka. » …

La dernière tentation de Nikos Kazantzakis




Voici un troisième roman de Nikos Kazantzakis, écrivain crétois que nous avons déjà présenté dans de précédentes rubriques. Surtout connu du grand public pour son roman Alexis Zorba qui a donné naissance au célèbre film de Michael Cacoyannis (au titre éponyme) avec Anthony Quinn dans le rôle de Zorba. Mais aussi connu pour son roman La dernière tentation (adapté au cinéma par Martin Scorsese), que l’église orthodoxe grecque a jugé blasphématoire en menaçant Kazantzadis d’excommunication et lui interdisant un enterrement au cimetière, tandis que le pape mettait son roman à l’index … Peu enclin à lire les histoires du Christ, le rat a voulu savoir pourquoi exactement cet ouvrage a été jugé par les deux églises, « responsable » de sa mise à l’index. Bien que grand admirateur de Kazantzakis, au départ il a d’abord freiné des quatre pattes, avant de s’attaquer au troisième gros volume écrit par ce dernier, La dernière tentation. Rebuté par la couverture rebute-athée du roman, avec sa photo tirée du film au titre éponyme de Martin Scorsese qui s’attira lui aussi après le livre, les foudres des catholiques traditionalistes qui ont tout fait pour empêcher les cinémas de le projeter à la fin des années 80. Alors, y a-t-il vraiment de quoi fouetter un blasphémateur en relisant le scénario original, c’est-à-dire le livre de Kazantzakis ?




Le livre commence comme un gentil film hollywoodien, dans la maison de Jésus à Nazareth, charpentier et fils de charpentier. Fabricant de croix pour les Romains, et donc « crucifieur ». C’est lui en effet qui les livre sur les lieux de torture. Et ce jour-là, justement, les Romains doivent y crucifier un des nombreux zélotes qui se prétend « messie d’Israël ». La foule du peuple juif « balloté de malheur en malheur, de mise en croix en mise en croix, surgissant de Jérusalem, du Jourdain, du désert dévalant les montagnes en haillons, avec des chaînes, l’écume aux lèvres », vient y assister et conspue le crucifieur, lui crache dessus en le traitant de complice des Romains. Jésus s’en tape, bien trop occupé à se battre contre une voix intérieure venue, on s’en doute du ciel, qui lui demande de l’entendre. Mais le jeune homme bloque des quatre clous pour ne pas devenir le nouveau messie et proteste : « Je ne veux pas ! Je suis illettré, fainéant, poltron, j’aime les bons plats, le vin, les rires, je veux me marier, avoir des enfants, laissez-moi tranquille ! ». Sa mère Marie, vieillissante, cheveux blancs au mari paralysé, regarde ce dernier et son fils avec des yeux secs. Elle qui n’a connu ni de jeunesse heureuse, ni le mariage et n’a pas été une mère comme les autres. Alors, désorienté, Jésus décide de tout quitter et d’aller rejoindre les moines dans un monastère du désert. Sur sa route, il trouve une kyrielle de gens qui sont revenus de la religion et en ont marre des illuminés comme lui qui attirent les catastrophes et la colère des dominants romains. Mais, il est têtu, le petit bougre, rien ne l’arrête. Même pas Madeleine qu’il va visiter pour s’excuser de son attitude de lâche, se rendant responsable de l’avoir conduit vers la prostitution en se refusant à elle. A peine arrivés au tiers du livre, on a déjà envie de crier à cet enfant de Marie « Mais, nom de dieu (!), affranchis-toi de ta culpabilité, de tes complexes, bouge-toi le cul, fais l’amour avec Madeleine, arrête de bouffer des cigales dans le désert et porte un regard plus politique sur l’oppression ! » On en arrive à penser, à l’instar du camarade Friedrich Nietzsche, le sceptique : « Jésus-Christ a rendu le monde entier malade, il l’a affecté avec sa mentalité d’esclave. » Arrivés, donc à ce stade du livre, on a en effet du mal à comprendre pour quelles raisons, le clergé orthodoxe l’a jugé blasphématoire et le pape l’a mis à l’index, puisqu’il ne s’agit, -hormis les quelques passages jugés « immoraux » par les instances religieuses-, pratiquement que d’une succession de bondieuseries insipides.
On se dit : bon, avançons un peu dans le mythe, nous finirons bien par découvrir au moins la trace d’un blasphème. Soit. Le « miracle » survient dans une partie suivante du livre qui devient plus drôle, voire parfois carrément comique et plus agréable à lire puisqu’on est alors projeté en plein conte de fée, surnaturel. Les choses prennent encore plus de saveur quand Jésus arrive au monastère où le vieil higoumène est en train de rendre l’âme. Celui-ci désigne tacitement Jésus comme le messie avant de rendre son dernier soupir. L’oncle de Jésus, le vieux rabbin Siméon le comprend lui aussi, à travers une scène digne du plus grand thriller où s’activent des nœuds de serpents sortis du corps de Jésus (« Sors de ce corps ! » …) et qui copulent dans le désert. On croit rêver. Du coup « comme par miracle donc », le gamin se sent délivré de toute la merde qui vivait en lui, entre autres, le fait d’avoir initié Madeleine aux premières innocentes joies de l’amour quand il n’était âgé que de trois ans, mais aussi la présomption de devenir le roi des Juifs et j’en passe et des meilleurs ... Et le voilà transformé en super héros terrassant ses adversaires et les gens qui lui veulent du mal. A commencer par Judas dans la cellule du monastère où il l’attendait pour le tuer. Nous assistons ensuite aux scènes les plus « juteuses » de la fable Jésus : le rassemblement des disciples, la tentative de lapidation de Marie. La routine, quoi ! Avec tout de même, çà et là, quelques arrêts sur images qui ont dû agacer les deux maisons mères de la chrétienté, comme la scène où les disciples du « maître » se couchent dans une grotte. Alors qu’André se réveille, il trouve Judas et Jésus endormis dans les bras l’un de l’autre (oh !). Dans un autre passage les disciples, ces « jeunes et beaux garçons » s’endorment, serrés les uns contre les autres, et une autre dans lequel Jean le Baptiste embrasse Jésus en « collant ses lèvres sur celles de Jésus un long moment » (comme font les gosses en maternelle : « beurk ! »). « Sa bouche était un charbon ardent et les lèvres de Jésus se brûlèrent. » Hélas pour le public gay, Kazantzakis n’était pas Pier Paolo Pasolini ! Si seulement ce dernier avait réalisé le film, il aurait probablement plus insisté sur le côté érotique de la chose … Une autre où Judas, qui n’en peut plus des croasseries pacifistes de Jésus, veut contrairement à lui, « bouffer du riche » et c’est de là que commence leurs divergences qui pousseront Judas à le trahir. Mais Kazantsakis n’était pas non plus Jean Genet. Ce dernier aurait sans doute donné « plus de cuisse » au traitre : la traitrise sublimée, le péché mignon genetsien par excellence !
Parvenu aux deux tiers de la Dernière tentation, le rat se disait : bon, très bien tout ça, la retraite dans le désert, la récupération de la hache de l’higoumène, les doutes, la confrontation avec l’ange déchu, mais quand va-t-il arriver. – « Quoi ? » - « Ben le premier vrai miracle, tiens ! » Dans le mille ! Suit une scène où ce grand échalas de Jésus sauve la jeune fille du centurion de Nazareth de la paralysie. Ouf ! Le rat commençait à désespérer ! Quelques pages plus loin, autre miracle ! Lazare ressuscité du royaume des morts. Et encore, et encore ! Scènes heureusement ponctuées çà et là, de passages pouvant passer éventuellement pour diffamatoires, ainsi « Et si l’homme réussissait par une lutte incessante à se tenir sur ses pattes de derrière, il pourrait se libérer de l’étreinte chaude et tendre de sa mère la guenon. » C’est-y pas du beau blasphème, ça ? Du pur Darwin. « Damned » ! De quoi donner des palpitations aux huiles orthodoxes ou au pape-araignée et les faire trembler sous leurs soutanes ! ... Au passage intéressant : un Matthieu qui hésite quand il écrit le premier évangile, doit-il transcrire la simple vérité ou sublimer sur les bords ? De toutes façons : on s’en tape, puisque la vérité de dieu n’est pas celle des hommes. Et « hop », au suivant ! Suivent les délires incendiaires de Jésus le purificateur et autres : on retombe en plein péplum ! Jusqu’à une conclusion des plus onirique, « angélique » voir délirante, une espèce bouillie « happy end » dans laquelle on finit par se perdre un peu, à moins que ce ne soit ça le vrai miracle ? …
Chers lecteurs, je vous laisse juge : lisez ce livre, si vous en avez le courage et dites-moi (dans la case « réagir à cet article » en fin de rubrique) si vous en êtes sorti avec l’impression d’une simple pisse-copie de l’original (la bible), d’une lecture fastidieuse, machiste (seules femmes : vierges ou putains), ou autre. Bref, faites ce miracle pour moi : aidez-moi à comprendre pourquoi papes et popes auraient souhaité le voir finir au pilon ? Et encore, heureusement pour eux qu’au temps de Kazantzakis, les Monty Pyton n’avaient pas encore tourné La vie de Brian, tant appréciée, celle-ci, des anarchistes et autres bouffeurs de curés !

Le Baudelaire de Benjamin Fondane …




Benjamin Fondane, de son vrai nom Wechsler était d’origine roumaine et publie dès son plus jeune âge de la poésie. Il arrive à Paris en 1923. Il se lie un temps avec les surréalistes et s’exprime dans un français irréprochable. Ecrivain érudit, dérangeant, lucide et inclassable. Il s’engage dans l’armée française en 1940, est fait prisonnier, libéré pour raisons de santé, il est arrêté en mars 1944 par la police de Vichy, incarcéré à Drancy, déporté à Auschwitz et assassiné par les nazis en octobre de la même année. Destin tragique s’il en est, il est né en 1898 alors que Charles Baudelaire mourrait en 1967, mais tous les deux disparurent à l’âge de 46 ans.
Baudelaire, l’expérience du gouffre




En ces temps du deux-centième anniversaire de la naissance de Charles Baudelaire qui vont voir fleurir sur toutes les vitrines des librairies de nouvelles biographies plus ou moins réussies, avant d’en acheter une au hasard, le rat vous donne ce petit conseil de muridé rusé. Les éditions La fabrique lui ont envoyé une nouvelle version enrichie de Baudelaire et l’expérience du gouffre (20 €). Enrichie en effet, car Benjamin Fondane n’a hélas pas eu le temps de corriger ses épreuves et on en comprend aisément la raison après avoir lu sa trop brève biographie … Aussi, dans ce qui aurait dû être une préface, celui-ci eut-il juste le temps de prévenir son lecteur : « Lecteur, fais comme moi, tâche de comprendre, débrouille-toi et prête-moi si possible les meilleures intentions que tu puisses concevoir. Sois généreux » ! On essaye donc de se dépatouiller avec ce texte magistral, dense, riche en argumentation, remis en forme grâce à l’énorme travail réalisé par l’éditeur, mais qui n’a toutefois pas réussi, peut-être heureusement, à en gommer le côté inachevé et obscur. Et ce fatras d’érudition n’en devient que plus un régal. Au fil des chapitres, que Fondane dédie à tous les amoureux des Fleurs du Mal, ce dernier passe au peigne fin l’infinitude des avis contradictoires exprimés sur Charles Baudelaire. A commencer par celui de Paul Valérie, cet homme « pénétré de rigueur et de cohérence » qui reconnait l’intelligence critique chez Baudelaire, mais n’en est pas moins effrayé par « l’importance » que le poète accorde « au sadisme et à la nécrophilie dans son œuvre ». D’ailleurs, nous prévient Fondane au milieu de son essai, combien de psychanalystes n’ont-ils pas essayé à leur tour d’expliquer son œuvre au regard de ce seul aspect trompeur ?
Fondane va plus loin. Il creuse l’énigme Baudelaire comme un véritable artisan, partant du fait que les deux personnes qui ont le plus marqué son cheminement artistique sont, Edgar Poe et de Maistre. Dans un second temps, Fondane appelle alors à la barre des témoins tantôt à charge, tantôt à décharge : les grands philosophes « de la raison », les Socrate, Platon, Sophocle. Ailleurs, les Hégel, Schopenhauer et autres Bergson et Nietzsche, pour quelques-uns desquels, soit « on ne peut tenir pour bon ce qui a été fait inconsciemment », soit il s’agit pour Baudelaire d’une démarche consistant à « s’affranchir de son triste moi ». Plus loin dans son essai, Fondane essaie aussi d’analyser l’expérience religieuse de Baudelaire par le biais d’un comparatif avec celle de Dante et leur vision différente « du bien et du mal ». Expérience unique chez un Baudelaire pour lequel « le héros n’est pas le sage, mais le rebelle qui hurle à dieu : Je ne veux pas ! ». Pour lequel encore, « la route du paradis est fermée : il n’y a plus que le néant et l’enfer » et qui préfère les damnés et veut des athées. Point capital pour comprendre l’énigme Baudelaire : était-il conscient ou inconscient du scandale qu’allait provoquer la parution des Fleurs du Mal, descendues par les Sainte-Beuve et autres non-voyants ? Procès qui d’ailleurs n’a accusé que ses poèmes jugés obscènes comme Une Charogne, de ceux qui ont fait dire à Mallarmé que Baudelaire était « fou » ! Et au fil des pages, Fondane continue de creuser. Car si Baudelaire loin de rejeter la forme poétique et les concepts religieux directement à la poubelle, s’en est servi pour « la mettre au service du mal » ? Un aspect qui naturellement n’a pas échappé à un Arthur Rimbaud, goguenard : « Il est le premier voyant, le roi des poètes, un vrai dieu. » Mais qui ne peut s’empêcher d’ajouter cependant : « Encore a-t-il vécu dans un milieu trop artiste et la forme si vantée en lui, est mesquine » ! Tant mesquine que ça, se demande Benjamin Fondane, cette poésie marquée dans Les Fleurs du Mal, par les cul-de-basse-fosse, les dangers de l’ivresse, du désordre, de la souillure, de l’ordure et de la laideur ? Et si la « mesquinerie », la comédie n’était pas finalement pour Baudelaire le plus court chemin à emprunter pour accéder, à l’aide de mots pièges, détournés, de chausse-trappes et de flèches empoisonnées, à « l’ivresse de l’art » pour en extraire la « beauté du mal » ? Par le biais « plus de son instinct et de son intelligence naturelle que de sa raison ». Au risque, et non des moindre, d’avoir peur de sa propre pensée. Ce Baudelaire qui « cherche le vide, et le noir et le nu » pour aller « cueillir la poésie dans la brute assoupie d’un Ange qui se réveille » ! Ce Baudelaire nous rappelle encore Fondane qui dit à l’âge de 25 ans « Les poètes, les artistes et toute la race humaine seraient bien malheureux si l’idéal, cette absurdité, cette impossibilité était trouvé, qu’est-ce que chacun ferait alors de son propre moi ? »
Heureusement pour Benjamin Fondane et pour nous, Baudelaire, à l’appui de sa biographie et de quelques indices nous a laissé, intentionnellement ou non, des messages sur ses intentions artistique. Pour n’en citer qu’une issu de ce livre plus que conséquent, la lettre qu’il adresse à son notaire, dans laquelle il fait ses aveux complets : « Dans ce livre atroce, j’ai mis tout mon cœur, toute ma tendresse, toute ma religion (travestie), toute ma haine. Il est vrai que j’écrirai le contraire, que je jurerai mes grands dieux que c’est un livre d’art pur, de singerie, de jonglerie. Et je mentirai comme un arracheur de dents » ! Voici donc posé en gros le contexte dans lequel Fondane nous fait avancer à petit pas sur le plongeoir de sa réflexion avant de nous lâcher la main et nous laisser faire tous seuls, le grand saut vers les profondeurs, (ou les gouffres ?) de la poésie en trompe l’œil de Baudelaire. Ce Baudelaire complexe qui, selon Fondane, croyait peut-être que le poème était le seul domaine où l’homme pouvait encore dire à la face d’un dieu de la raison : « Je veux » ou « Je ne veux pas ». Tout au long des nombreux chapitres qui s’enchaînent, Fondane mène en parallèle une réflexion générale sur Baudelaire mais aussi sur le contexte de la poésie depuis l’Antiquité jusqu’à la « révolution romantique », pour en arriver aux cas particuliers des Mallarmé, Victor Hugo en passant par Gérard de Nerval. Dans les derniers chapitres, il s’arrête également à titre de comparaison, sur le Shakespeare d’Hamlet et de Macbeth ; le Kafka du Procès et plus curieusement encore, met face-à-face T S Eliot et Bernard Show. Tant la palette peut être large et fournie ! Mais Fondane cherche surtout à nous faire oublier à tout jamais le « Dandy », (ce nom « fourre-tout » dont on l’a trop souvent habillé) pour faire revivre ce Baudelaire beaucoup plus attachant et réel qui se définit lui-même tour-à-tour de : « malade chronique, nerveux, souffreteux, paresseux, opiomane déçu de lui-même, éternel insatisfait » qui « se fout pas mal du genre humain », de cette humanité qui « grouille en ferments orageux » et préfère « dormir que vivre » et souhaite redevenir l’enfant primitif pour lequel « Sur le fond de [ses] nuits, Dieu de son doigt savant, dessine un cauchemar » ! Baudelaire, ce poète par excellence de l’ennui de cet ennui qui, « dans un bâillement avalerait le monde » et qui, malheureusement trop jeune a fini « au fond du gouffre de l’ennui éternel » … Ceci n’est qu’un petit aperçu de ce que l’on peut trouver dans cet essai incontournable de Benjamin Fondane qui a l’immense qualité d’égrainer pour notre plus grand plaisir, quelques perles dissimulées dans le fumier, comme Le joujou du pauvre et autres merveilles … Le choix est fait ?
Patrick Schindler, individuel FA Athènes

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PAR : Patrick Schindler
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1

le 29 avril 2021 14:00:41 par Max

Excellent ! comme d’habitude. Le Monde Libertaire voyage

2

le 3 mai 2021 14:43:42 par Féli Mémo

Le choix est fait : ce sera Benjamin Fondane ... un grand MERCI au rat noir