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Littérature
par Patrick Schindler le 30 novembre 2024

Décembre, le rat noir a rempli sa hotte

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Pour décembre, première étape toute en douceur en Grèce Au café d’Eole avec Dimitris Stefanakis ; France : voyage dans le « petit âge glaciaire » au XVIème siècle, Quand la nature se rebelle de l’allemand, Philip Blom ; plongeon avec Raoul Vaneigem dans Les harmonies polygames en amour de Charles Fourier ; Seconde étape un peu plus amère, pour commencer en Australie/Canada/Ecosse : Je pleure encore la beauté du monde de Charlotte McConaghy ; Afghanistan : Punkhtu Primo, un roman noir de Doa ; Espagne 1936/39 : Un antifascisme de combat de Pierre Salmon.

« L’utopie, c’est l’État d’une société où Marx ne critiquerait plus Fourier »
Roland Barthes



Kalambaka, Les météores au petit matin, photo Patrick Schindler, 2024

Dimitris Stefanakis Au Café d’Éole



Dimitris Stefanakis est né en 1961, sur l’île de Kea et a fait ses études à Athènes. Il est l’auteur de plusieurs romans dont Film noir et Jours d’Alexandrie, qui a obtenu le Prix Méditerranée en 2011.



Au café d’Éole (éd. Atelier Henry Dougier, trad. Vasso Loukou) est un roman de Dimitris Stefanakis, que nous avons déjà croisé dans le Rat noir d’octobre.
Le café d’Éole a pour patron « un drôle de petit bonhomme massif » au prénom éponyme. Épris de littérature, au beau milieu de son établissement « toujours rempli, se trouve une espèce de rondpoint, où trône un comptoir encombré de livres ».
Avant d’apporter son café au narrateur du récit, Éole, donc, lui demande de noter sur un papier, les titres de ses dix ouvrages préférés. Le lendemain, tandis que notre narrateur est en train de lire le premier des dix ouvrages qu’il a indiqué au patron, un personnage « au style déplacé qui porte une redingote et une perruque répugnante » pénètre dans le café. Il harangue les clients se défendant d’être un mendiant et se présentant comme le Colonel Chabert, rescapé de la bataille d’Eylau. « Est-ce vraiment lui, alors qu’il est mort dans le roman de Balzac ?», demande alors notre narrateur à Éole qui lui répond : « Quelle importance : laissons les morts ensevelir les morts » !
Mais nous n’en sommes alors qu’au début de nos surprises car nous allons croiser tour à tour, « un Marcel solitaire mais qui n’est pas Proust, puisqu’il est son narrateur » ! puis, deux héros de Stendhal qui ne se supportent pas ; et encore, un Raskolnikov (aux beaux yeux verts, un détail manquant dans son roman), venu régler ses comptes avec Dostoïevski ; une femme, personnage fictif d’un roman d’Albert Camus, et ainsi de suite. « Au Café d’Éole, les héros des romans et leurs auteurs vont et viennent sans crier gare, comme s’ils surgissaient de leur livre pour ensuite y retourner, après avoir exprimé ce qu’ils souhaiteraient être ».
Et ce qu’ils auraient souhaité être se révèle souvent bien différent de ce qu’ils sont ! Ainsi en sera-t-il pour Godot, « enfin arrivé » ; pour la famille Samsa, toute droite sortie de La Métamorphose de Franz Kafka ; pour le poète grec Constantin Cavafi ; pour Simone de Beauvoir ; pour Prosper Mérimée ; pour Victor Pereira ou encore, pour plusieurs personnages des romans de Virginia Woolf.
Mais ce qui devient de plus en plus jouissif au fil des pages, c’est que quelques-uns de ces personnages vont prendre à partie les clients du café ou les associer à leurs intrigues et revendications ... Délicieux !

Philipp Blom : Quand la nature se rebelle



Cela ne tient pas du hasard si dans le prologue de Quand la nature se rebelle : le changement climatique du XVIIème siècle et son influence sur les sociétés modernes (éd. Maison des Sciences de l’Homme), son auteur, l’historien allemand Philipp Blom, nous décrit en détail le célèbre tableau Paysage d’hiver du peintre hollandais Hendrick Averkamp.
En effet, il fut peint en 1608, un an après l’un des hivers les plus froids de l’histoire moderne, au début de ce que les historiens ont appelé « le Petit âge glaciaire ». Et ceci, non seulement en Europe du Nord, mais aussi du Sud, aux Amériques, dans l’Empire ottoman et probablement en Inde, en Chine et au Japon. Quelles en étaient les causes ? Diminution de l’activité solaire ou volcanique ? Dérive des courants océaniques ? L’auteur va tenter de répondre à ces interrogations, « quand bien même les causes précises en sont encore aujourd’hui assez troubles, malgré les nouvelles technologies », nous prévient-il. Il nous donne ensuite un petit aperçu des conséquences du petit âge glaciaire sur l’environnement et les populations, notamment durant son pic au XVIIe siècle.

La première partie de l’ouvrage évoque Jacobson, un moine catholique persécuté et réfugié à Amsterdam qui, le premier en 1572, commenta dans son journal l’effet combiné de la guerre et des catastrophes climatiques. Nombres de témoignages viendront d’ailleurs corroborer ses dires partout en Europe et en Amérique du Nord. Mais ce que révèle surtout cette première partie c’est la tendance des foules d’alors à désigner des coupables face à ce bouleversement climatique et de demander à Dieu, miséricorde notamment par de nombreuses processions organisées un peu partout. On se doute bien sûr, quelles seront les premières cibles ! L’auteur développe sa réflexion sur les causes de ce déclenchement de haine. Religion contre nouvelles sciences naissantes ? Esprits archaïques contre esprits libres ? Bonne introduction aux recherches de l’astronome précurseur allemand, David Fabricus, avant d’effectuer un long arrêt sur le personnage atypique de Michel de Montaigne, caché dans sa Tour et « peut-être le premier climatologue » ? Mais aussi sur les délires de savants occultes « à la Doktor Faustus » qui souvent, terminèrent leurs carrières brûlés comme hérétiques…

La deuxième partie se fait plus reposante et nous convie à une promenade parmi les botanistes, dans les premiers Centres intellectuels d’Europe (les universités libres de Leyde, Montpellier, etc..). Nous suivrons ensuite l’exode rural qui sévit à la suite du changement de climat, dont celui d’un certain Rembrandt, fils de meunier à Amsterdam… Passionnante digression de Philipp Blom du « commerce au long » vs/le commerce de type féodal et son impact sur l’agriculture, accompagnant les progrès dus à l’imprimerie. Passage instructif sur les effets de la Réforme et de la Contre-réforme sur l’éducation. Arrêt sur la guerre de 30 ans « le conflit le plus sanglant que l’Europe ait connue jusqu’alors mais induisant de nouvelles techniques militaires ». Focus également sur un nouveau commerce « profitable » : le colonialisme et l’esclavage ! Et parallèlement l’apparition d’une nouvelle génération de philosophes, préfigurant « la République subversive des lettres ». Mais, tandis que le froid continue de sévir, comment réagiront les églises face à ces « nouveaux penseurs sceptiques » ?

Enfin, dans la dernière partie nous allons revivre les angoisses et les doutes des Européens à l’apparition d’une comète apparue en 1680, au-dessus de l’Europe et y demeurant plus d’un mois. Philipp Blom s’arrêtera alors sur l’érudit protestant Pierre Bayle qui devra dissimuler dans ses écrits sa certitude que « la comète ne peut pas être un signe divin ». Et plus loin, sur son ennemi juré, « l’Antéchrist juif (!) », Baruch Spinoza, condamné par ses coreligionnaires et mis à l’index par l’Église catholique. Lors de ce prodigieux parcours, nous allons encore découvrir le personnage ambiguë, John Lock ou encore l’original penseur, Bernard Mandeville et son incomparable fable métaphorique sur l’Europe, « cette gigantesque ruche d’abeilles débauchées » ! Nous fréquenterons un temps Voltaire « l’intrigant » et Diderot « le radical tardif », l’un colonialiste et l’autre non. C’est à ce terme de l’épisode de la petite ère glaciaire que « La bourgeoisie des villes quitte la sphère féodale tardive pour entrer dans la vie et la pensée du début des Temps modernes ».

En conclusion, Philipp Blom se demande, non sans raison : « Mais quel espace aujourd’hui pour un "nouveau rêve", coincés que nous sommes entre les deux seuls proposés aujourd’hui : le rêve libéral ou le rêve autoritaire ? » … On apprend enfin que les si les changements climatiques étaient déjà évoqués par des auteurs de l’Antiquité et du Moyen-âge, ils ne furent pris en compte dans l’époque contemporaine qu’à partir de la moitié du XXe siècle ! A noter : de magnifiques illustrations faisant référence aux évènements évoqués illuminent ce passionnant ouvrage qui nous donne un autre éclairage sur le passage de la fin du Moyen-âge à l’époque dite « moderne ».

Charles Fourier : Les harmonies polygames en amour



Charles Fourier est né en 1772 à Besançon. Philosophe français, il est le fondateur de l’École sociétaire et était considéré par Karl Marx et Friedrich Engels, comme une figure du socialisme « critico-utopique ». Plusieurs communautés utopiques, indirectement inspirées de ses écrits, ont été créées depuis les années 1830. N’ayant pas achevé le manuscrit du Nouveau monde amoureux, de 1825 à 1835 (deux ans avant sa mort), Charles Fourier conviait tous les jeudis d’éventuels mécènes à dîner avec lui, pour leur exposer son projet de phalanstère et les convaincre de le financer.



Pour introduire Des harmonies polygames en amour (éd. Rivages poche) de Charles Fourier, Raoul Vaneigem résume ainsi le projet du philosophe et « Du rêve qui hante les enfants et que la civilisation marchande n’a cessé de changer en cauchemar : une société capable de favoriser les désirs de chacun en les harmonisant ». Mais avant de pénétrer dans ce rêve, Vaneigem tente de répondre à ces questions : « Pourquoi le projet fouriériste a-t-il été à ce jour admiré et méprisé tout à la fois ? Fourier était-il un révolté, un révolutionnaire ou l’ouvrier d’une orientation différente du mouvement, véritable métamorphose de la passion ? », etc… Puis, Raoul Vaneigem nous donne quelques conseils pour aborder cette présentations d’une partie du « travail monumental que représente le projet social que Charles Fourier a laissé à l’état de projet : une œuvre restée en mouvement » !

Dans les deux premières parties de cet ouvrage, Charles Fourier se dresse avant tout contre « la dépravation de la raison » par ce qu’il appelle « les sciences incertaines » : les sciences philosophiques et théologiques françaises. Pour le démontrer, il va passer à la moulinette les 400.000 volumes se voulant des « torrents de lumière », écrits entre autres par les Descartes, Bacon, Condillac, Locke et Kant. N’épargnant que le philosophe romantique français Étienne Pivert Senancour, son contemporain ! Fourier nous livre ensuite quelques réflexions sur « Dieu et la naissance du monde répressif ». Considérations passionnantes sur les rapports de l’homme au luxe. Passage délicieux intitulé « La queue de Robespierre ou les gens à principe : hypocrisie et répression des passions en civilisations ». Digressions de Charles Fourier sur la monogamie, l’adultère, la polygamie, « l’omnigamie » et la « céladonie » (amour désintéressé), vs/ ce qu’il appelle « les amours libéraux ». A découvrir.

C’est ainsi que dans une autre partie de l’ouvrage, nous entrons au cœur du sujet surtitré De l’orgie ou des sympathies puissancielles, c’est-à-dire ce qui tient le plus à cœur Charles Fourier : « la gamme hiérarchisée des plaisirs amoureux débarrassés du carcan civilisationnel ». Nous sommes donc conviés à entrer tout en douceur dans « la Cour d’amour » fantasmée par le penseur, révélant les nombreuses combinaisons « des désirs de chacun en les harmonisant ». Un immense programme à effleurer, souvent non dénué d’humour.

Les harmonies polygames en amour, un ouvrage qui nous entraine dans un monde sublimé et harmonieux et nous fait oublier un moment la triste réalité des temps …

Un dernier mot, au sujet de Charles Fourier : Raoul Vaneigem évoque longuement « ce rêveur sublime à la pensée prismatique qui n’a rien de révolutionnaire ». Mais il me revient en mémoire à ce sujet que Roland Barthes lui, le définissait ainsi (ce qui se complète) : « Charles Fourier était un grand imaginatif du détail et il n’est pas étonnant que Karl Marx l’ait traité d’un être "tout-à-fait à côté" : irréel et immoral, car si Fourier laissait passer le plaisir et le recueillait, Marx lui, recueillait et développait la science politique » ! On ne saurait mieux dire !


Charlotte McConaghy : Je pleure encore la beauté au monde



Charlotte McConaghy est romancière et vit à Sydney. Elle est titulaire d’un master en écriture de scénarios.



Je pleure encore la beauté du monde de Charlotte McConaghy (éd. Gaïa traduit de l’Australien par Marie Chabin) est un récit introduit par une scène assez violente. Deux adolescentes assistent en Colombie britannique (au Canada, « le pays où les arbres parlent »), à l’abattage et au dépeçage d’un lapin par leur père.
On se demande le pourquoi de cette séquence placée en première place. Mais, patience. Celle qui suit, beaucoup plus humaine se déroule dans une autre partie du monde, dans les Highlands écossais. Où un groupe de biologistes, dont Inti notre héroïne, originaire de Colombie britannique. Celle-ci est atteinte de synesthésie visuo-tactile [note] (on comprendra assez vite quelles en sont les causes) et encadre un programme de réintroduction d’une meute de loups, également originaires de Colombie britannique. « Ces derniers auraient-ils gardé l’empreinte de cette terre dans leur corps de la même manière dont celle-ci s’en souvient ? ».
C’est ce contexte qui va nous conduire dans de nombreux aller-retours entre le présent et le passé d’Inti et de sa sœur jumelle. Alternativement, en Australie chez leur mère - une policière affectée aux violences faites aux femmes (nombreuses dans ce pays) - et au Canada chez leur père, grand amoureux de la nature, de la forêt et partisan de l’autonomie alimentaire.
Cependant dans les Highlands, l’équipe de biologistes va être rapidement confrontée à la réticence de beaucoup d’élus, d’éleveurs-agriculteurs, de gardes-chasse, de randonneurs et de propriétaires terriens. Tous issus d’une population isolée, fière et menaçante. Et ceci, malgré toute l’empathie, la bienveillance et les explications des zoologistes qui prônent dans le désert, « la réintroduction de prédateurs des cervidés dans leur région, afin de rééquilibrer les espaces naturels et de rétablir l’équilibre de l’écosystème ». Un pari bien courageux !

Dans ce petit récit qui tourne au polar, Marie Chabin nous invite à faire un voyage fascinant à travers les forêts sauvages du Canada de l’ouest, des montagnes écossaises et parmi l’univers mystérieux et fascinant des loups. Beaucoup de scènes, on se doit de le préciser, se déroulent dans une atmosphère surchargée de violence et emprunte d’une xénophobie que notre héroïne, femme volontaire mais hypersensible, va devoir affronter. Ce qui nous pousse à une réflexion approfondie sur la violence et sa gestion. Un roman puissant et tout en émotions.

DOA : Punkhtu Primo



Pukhtu [note] Primo est un roman de Doa. « Doa » : nom de plume de ce scénariste et auteur de romans noirs, dont son éditeur (Folio Policier) ne nous dit à peu près rien. Mis à part, « Qu’à l’heure du Big Brother planétaire, il aime qu’on n’en sache pas trop sur lui » ! Nous nous en contenterons. L’avant-propos nous livre un petit panorama de l’Afghanistan et de ses pays frontaliers, ainsi que de leurs populations. Et en guise d’avertissement : « Ce qui suit est une fiction, avec ses raccourcis et ses approximations ».

Nous sommes en 2008. Nous nous trouvons dans le parking d’un hôtel de luxe à Kaboul, en compagnie d’une jeune Norvégienne, rescapée d’un attentat qui vient de frapper le bâtiment. Celle-ci accompagnait le ministre norvégien des Affaires étrangères dans une réunion stratégique. Tandis qu’elle reprend conscience, elle découvre « un doigt bariolé de rouge et de noir, collé sur la vitre d’un 4/4 garé à côté de sa voiture ». Nous sommes donc rapidement plongés dans l’ambiance.
Petit conseil du Rat noir : « Attachez vos ceintures, grande secousses à prévoir » !
Tout d’abord en suivant une cargaison d’anhydride acétique (liquide servant entre autres, à la fabrication de l’héroïne destinée aux « infidèles occidentaux »), partie de Chine pour l’Afghanistan. Voyage oh combien périlleux et à hauts risques qui nous fait traverser « le pays des ombres et de tous les trafics », situé sur la « ligne Durand », à cheval entre l’est-afghan et l’ouest-Pakistanais. Composé de populations claniques, souvent rivales (ex : Patchounes contre Haqqanis), à tendances hyper-machistes « où les femmes sont parquées et autant considérées que les vaches » !
C’est dans cet imbroglio que l’auteur nous « convie » à surnager à vue, parmi les Forces armées américaines télécommandées des États-Unis par la CIA (dont trois têtes brûlées paramilitaires) ; leurs alliés de l’Armée nationale afghane ; les forces de la Police des frontières, mais également des « traitres pakistanais » (selon l’appellation des talibans) et autres « mouchards », se joignant « selon divers prétextes », à la grande chasse à Ben Laden. Mais, nous commente un des protagonistes : « La guerre ici est une guerre de pauvres. Elle emmerde le gouvernement des États-Unis qui a envoyé tous ces braves petits gars dans cet enfer avec la complicité de l’OTAN, dont les trouffions ont interdiction de se battre » !
Mais ce n’est pas tout : c’est entre deux communiqués de presse américains contre Talibans (« de la pure propagande »), reprenant les événements selon leur point de vue, que nous allons croiser des moudjahidines et de djihadistes internationaux, tombant à bras raccourcis pour les piller sur de braves nomades circulant entre le Pakistan, l’Afghanistan et l’Iran. Nous rentrerons également dans l’intimité d’un brave père de famille pachtoune, « khan de sa tribu » et torturé entre les choix qu’on l’oblige à faire contre sa volonté. Jusqu’au jour où….

Ce sont ensuite les tribulations de trois barbouzes américains que nous suivons. Trois têtes brûlées sans foi ni loi, anciens combattants des guerres de l’ex-Yougoslavie et d’Afrique. Personnages tout autant machistes et sanguinaires que leurs antagonistes talibans - mis à part l’un d’eux, un peu plus humain. C’est par leur intermédiaire que nous allons découvrir les dessous du trafic d’armes (via la Corée du Nord, etc.) ; du trafic de pierres précieuses (via entre autres, Dubaï) et de stupéfiants - l’héroïne ayant rapporté environ 3 milliards de $ à l’économie parallèle afghane durant le conflit – mais aussi le secret des bordels pakistanais de jeunes garçons et même de femmes, (en général, répudiées). Et ceci sans que la CIA ne s’en mêle « outre mesure » !
Nous dépisterons les relais de ces trois trafics aussi bien en Albanie qu’au Kosovo, en Arabie Saoudite et autres plaques tournantes et paradis fiscaux. Nous suivrons également des contrebandiers ; des Ouzbeks ; des Tchétchènes ; et des Arabes « combattants de la guerre sainte » ... Ne seront pas plus épargnés de bien naïfs bénévoles des ONG, considérés par les locaux comme, « de la poudre aux yeux ». Et ce n’est pas tout : nous fréquenterons de ces journalistes « grands guerriers de la presse en quête de scoops ». Exception faite de deux d’entre eux, sincères et épris de véracité, prêts à tous les risques. C’est donc avec tout ce petit monde que nous allons être forcés de nous familiariser.
Peu de répit entre deux chapitres. Terribles scènes de vendetta entre factions ou clans rivaux de tribus transfrontalières. Un des protagonistes du roman de se demander au détour d’une page : « Chaque victime collatérale ne fera-t-elle pas que renforcer le profond sentiment de haine dans chaque camp ? ». C’est dans ce climat chargé que nous allons découvrir une Kaboul « à bout de souffle, dévastée, à l’agonie et vérolée » ...
Les derniers chapitres se dérouleront dans le « Paris branchouille » où vont se croiser, un conseillé occulte de la République française « pas clair du tout » ayant d’étranges relations avec sa petite amie entretenue qui, elle-même, entretien une relations amoureuse avec une journaliste maghrébine mal dans sa peau ! Le tout sur un fond de crise aux États-Unis, tandis que Barak Obama est officialisé candidat démocrate et tergiverse durant sa campagne avec George Bush, au sujet de la situation en Afghanistan. Sans oublier l’arrivée de la crise des surprimes : « Le monde entier manquant alors de liquidités et cherchant à s’en procurer par tous les moyens ». On ne saurait mieux dire !

Le rythme, l’atmosphère hyperréaliste, violente et macabre de cet ouvrage terrifiant sont parfois durs à surmonter. Il n’en reste pas moins que si l’on veut regarder en face les phases de cette terrible guerre qui dura une vingtaine d’années, on se doit d’aller jusqu’au bout de cette histoire romancée. Guerre menée par la coalition occidentale et l’Alliance du Nord, contre les talibans en représailles aux attentats du 11 septembre 2001, et se soldant pour finir : par le retrait américain et une victoire talibane !
Les lecteurs les plus courageux, pourront retrouver la plupart de ces personnages dans le deuxième tome de DOA : Pukhtu Secundo … Pour ma part, je dois avouer que je ne m’en suis pas senti le courage.

Pierre Salmon : Un antifascisme de combat : armer l’Espagne révolutionnaire, 1936/1939



Pierre Salmon est Maître de conférences en histoire contemporaine à l’École normale supérieure. Ses travaux portent sur les protagonistes des circulations « illégales », au XXe siècle. Il propose ainsi une histoire sociale écrite « par le bas de la criminalité, de la politique et des conflits ». Son travail sur le trafic d’armes destiné au conflit espagnol (1936-1939), a reçu le deuxième prix de thèse scientifique de l’IHEDN.



Après un focus sur l’antimilitarisme et le pacifisme, notamment en France de la guerre de 14 à l’entre-deux guerres, Nicolas Offenstadt, le préfacier d’Un antifascisme de combat (éd. Du Détour), pose des questions introductives fort pertinentes : « Lorsque le fascisme ou ce qui s’en approche n’est plus seulement une menace, mais enclenche un conflit, comment rester fidèle à ses engagements pour la paix ? La guerre d’Espagne est-elle à ce titre une guerre comme les autres ou a-t-elle bouleversé les certitudes ? Si c’est le cas, à qui se sont adressés les révolutionnaires espagnols ? Quelles ont été les positions des socialistes, trotskistes et plus particulièrement des anarchistes ? »

L’auteur, Pierre Salmon introduit son histoire sur la provenance des armes durant la guerre d’Espagne par celle de José Cervesa. Ce plongeur et garçon de course travaillant dans un hôtel à la frontière pyrénéenne et arrêté par la douane, pour transport d’armes en mars 1937, dix mois après le début de la guerre civile. C’est alors que Pierre Salmon revient sur la chronologie historique du pacifisme de combat vs/le pacifisme intégral. Prélude aux stratégies divergentes entre les communistes et les anarchistes français, après la prise de position de non-interventionniste de Léon Blum. Plus loin, l’auteur creuse les raisons évoquées par ce dernier.
Focus ensuite sur le contexte de l’autre côté des Pyrénées (avec une carte ad hoc). Et quid de la solidarité internationale avec les révolutionnaires espagnols, non seulement sur la question des armes, mais aussi la fourniture de vivres, de médicaments et l’accueil en France des enfants de républicains espagnols ? Pierre Salmon nous précise alors que ses recherches sont basées sur des documents étatiques (sources de surveillance), articles de presse et de rares témoignages et sur l’historiographie déjà existante.

Les premiers chapitres nous expliquent comment l’Espagne antifasciste est rapidement entrée, pour sa recherche d’armements en contact avec la contrebande. On s’intéresse ensuite à « l’union des efforts », (bien illusoire), des forces politiques des antifascistes et ceci, des républicains espagnols aux anarchistes, à partir de septembre 1936. Quelles ont été leurs divergences stratégiques ? Au niveau international, nous allons assister à la constitution des Comités de soutien, en Europe et Amérique du Nord. Mais comment ces derniers réagiront-ils aux proposition d’envoyer des armes aux révolutionnaires espagnols ? Par des moyens licites ou non ? Dans ce dernier cas, quel autre recours auront-ils, sinon, outre les réseaux anarchistes français, suisses et belges, à recourir aux « services » de la mafia et de la pègre ?
Epiphénomène dans l’armement des révolutionnaires espagnols ? Restera à savoir combien de militants s’engageront à prendre de tels risques ? Pour les quelques-uns qui le décident, Pierre Salmon va suivre en détail, toujours à l’aide des mêmes sources, leurs périples à haut risque.
Nous croiserons donc nombre d’individus impliqués dans ce processus, à quelque niveau que ce soit, dont les plus connus sont Louis Lecoin, Buenaventura Durruti, Franco Roca, Pierre Perrin ou Maurice Jacquier. Ce qui n’exclura pas du processus, des individus au passé assez louche de délinquants, s’étant politisés après les événements de 1934. Enfin, question très intéressante, quid de la participation des femmes ?

Au fil des événements, nous allons pénétrer le milieu criminel français, plus connu sous le nom de la « French connexion ». Pour autant, les rapports entre militants et gangsters seront-ils évidents, tenus très secrets ? L’auteur renverse ensuite les rôles et s’intéresse à l’attitude des autorités qui, bien évidemment, finissent par en avoir vent. Laisser faire ou réprimer ? Et à quelles difficultés devront faire face les trafiquants pour passer les Pyrénées (carte à l’appui). Comment communiquer avec les Espagnols, pour ceux qui n’en parlent pas la langue ? Par langage codé ?
Après avoir répondu à toutes ces questions, Pierre Salmon nous éclairera sur les raisons de l’essoufflement de la contrebande et les dissentions à partir de mai 1937, entre communistes, socialistes révolutionnaires, trotskistes et anarchistes espagnols. Et quid en deçà des Pyrénées ?
Dans les derniers chapitres, l’auteur s’interrogera sur l’héritage de l’antifascisme de combat, de la contrebande et le sort subi par les « petites mains », après la défaite de la Révolution espagnole et pendant la Résistance, autant dans l’Espagne de Franco que sous le gouvernement de Vichy en France.
Pour terminer cet exposé, Pierre Salmon nous interpelle ainsi : « Peut-on tirer quelque enseignement de ce passé aujourd’hui où le danger fasciste refrappe à la porte de l’Europe, elle n’y est pas déjà installée dans les gouvernements ? » Question fort pertinente !

Patrick Schindler, individuel FA Athènes

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PAR : Patrick Schindler
individuel FA Athènes
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