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par Sylvain Boulouque le 9 août 2021

Joe Hill

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Article extrait du Monde libertaire n°1829 de juin 2021

Pinelli, Sacco et Vanzetti, Ferrer



La figure de Joe Hill se dresse entre les martyrs de Haymarket et Sacco et Vanzetti, tous victimes de l’arbitraire et du désir de revanche patronal et étatique. Joe Hill a été condamné à mort dans un procès inique et sans preuve.




Le 10 janvier 1914, un boucher, ancien policier, et un des ses fils ont été abattus sans motif apparent par des hommes vêtus de foulards rouges. Arrêté quelque temps plus tard à son domicile, Joe Hill souffre d’une blessure par balle dont il ne veut expliquer l’origine, d’absence d’alibi à l’heure du crime et enfin de posséder un foulard rouge – qui est le signe de l’appartenance aux Wobblies. Pour la presse, le gouverneur et les juges de l’État de l’Utah, Joe Hill constitue un coupable idéal alors qu’il existe des suspects. D’autant plus que le poète a mis en cause à de nombreuses reprises la religion comme dans la chanson the Preacher and the slave (le pasteur et l’esclave) dénonçant la collusion entre les protestants et les pouvoirs et la promesse d’un monde meilleur dans un au-delà hypothétique, dans un État où les mormons sont omniprésents. Le jugement permet en outre de criminaliser les syndicalistes dans cet État où les luttes sociales sont particulièrement âpres et où le patronat local n’hésite pas à briser les grèves et les revendications.
L’enquête est bâclée. Deux arguments suffisent à disculper Hill. L’un des fils du boucher ne reconnaît pas sa stature dans les assaillants et aucun coup de feu n’a été tiré par la victime. Le procès commence malgré tout le 17 juin 1914, la sentence est rendue le 27 juin et prononce la mort. S’engage alors une campagne pour obtenir sa grâce, les syndicalistes de The Big Union, du nom d’une de ses chansons phares [La Grande centrale syndicale], se démènent, l’agitation remonte jusqu’à la Maison-Blanche qui demande la clémence, mais les rois de la mine n’en n’ont cure et Joe Hill est exécuté le 19 novembre 1915. Avant sa mort, le barde a rédigé une missive enjoignant aux travailleurs de s’organiser envoyant ses cendres à toutes les sections de l’IWW.

Il avait avant son assassinat écrit plusieurs chansons contribuant à la légende du poète libertaire vagabond qu’il a déjà créée de son vivant.

Joe Hill est né en Suède en 1879 sous le nom de Joël Emmanuel Hägglund. Il quitte l’Europe pour les États-Unis en 1902. Arrivé à New York, il connaît la vie errante des hobos, les travailleurs se déplaçant de ville en ville en se glissant dans les wagons de chemin de fer pour atteindre la localité désirée. Joe Hill rejoint les syndicalistes des IWW vers 1909 après plusieurs années d’errance. Il commence à militer alors qu’il est docker sur le port de San Pedro en Californie. Il quitte temporairement les États-Unis pour participer à la révolution mexicaine. Il laisse une allusion à sa participation dans le texte Should I Ever Be a Soldier (devrais-je toujours être soldat). Il quitte le Mexique, retraverse les États-Unis pour s’installer quelques temps au Canada. Il participe à la grève organisée par les syndicalistes des IWW dans le chemin de fer du nord du pays puis reprend la route et retraverse les frontières l’année suivante, non sans un détour par Hawaï. Il laisse au passage plusieurs chansons et poèmes qui marquent la culture musicale des syndicalistes révolutionnaires participant à la culture de la contestation de la société américaine. Il rédige, non sans un certain talent, des textes maniant l’ironie, la critique sociale, la dénonciation de la violence capitaliste et déjà les menaces sur l’équilibre environnemental. Ces textes intègrent dès la première édition The Little Red Songbook (Le petit recueil de chansons rouges) qui compile les chants de luttes des prolétaires américains. Les chansons de Joe Hill ont en quelques années permis à la culture syndicaliste révolutionnaire et libertaire de se répandre et de rester l’un des principaux moyens de diffusion de la contestation sociale.

Outre les ouvrages recensés dans un article sur les IWW, cet article peut être prolongé par le livre de Frankin Rosement, Joe Hill, les IWW et la création d’une contre-culture ouvrière révolutionnaire, Éditions CNT Région parisienne, 2008. Il est également possible de voir le film de Jo Widerberg, Joe Hill, 1971 réédité en DVD récemment. On peut aussi se plonger dans le livre de Larry Portis, Les IWW et le syndicalisme révolutionnaire aux États-Unis, Paris, 1985 et le plus récent Joyce Kornblum, Wobblies et Hobos. Les IWW agitateurs itinérants aux États-Unis, 1905-1919, Montreuil, L’insomniaque, 2012 (contient un CD des principales chansons des Wobblies) et le récit graphique coordonné par Paul Buhle et Nicole Schulman, Wobblies un siècle d’agitation aux États-Unis, Paris, Nada, 2019. Enfin la liste n’est pas exhaustive. En arrière-fond, il suffit d’écouter les chansons de Pete Segers, John Baez, Bob Dylan et celles en français de Fred Alpi consacrées à Hill.


le commentaire lié à la vidéo : Le classique de Joe Hill, tel qu’enregistré par le Progressive Labour Party, probablement à partir de l’album A World to Win dont la date de sortie est inconnue, probablement au milieu des années 1970.



"Des prédicateurs aux cheveux longs sortent tous les soirs
Essayer de vous dire ce qui ne va pas et ce qui est juste
Mais quand vous demandez quelque chose à manger
Ils vous le diront d’une voix si douce

Vous allez manger - au revoir et au revoir -
Dans cette terre glorieuse au-dessus du ciel
Travaillez et priez, vivez de foin
Vous aurez une tarte dans le ciel quand vous mourrez
[...]"


PAR : Sylvain Boulouque
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1

le 9 août 2021 17:22:01 par Luisa

Merci beaucoup pour ce partage !
Et prenons-en de la graine !