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par Francis PIAN • le 3 mai 2025

DES IDEES ET DES LUTTES: 1864-1880 : La Première Internationale en France

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S’il est une organisation mythique dans l’Histoire du mouvement ouvrier, c’est bien la Première internationale, l’Association internationale des travailleurs, l’AIT.

Michel Cordillot, historien spécialisé en histoire sociale, professeur émérite de Paris 8, avait déjà coordonné un ouvrage de référence sur la Commune de Paris, publié aux éditions de l’Atelier, réédité en poche chez Tallandier. Il poursuit son travail avec un autre livre adoptant les mêmes densité et rigueur, 1864-1880 : La Première Internationale en France, toujours aux éditions de l’Atelier. Le lecteur est accompagné par une vulgarisation érudite dans l’esprit du Maitron. L’AIT apparaît dans un contexte de luttes sociales dans les rapports employeurs/employés et dans le champ politique. « Par son extension géographique – elle fut véritablement internationale – et par la diversité des expériences qui l’avaient précédée. Plurielle et multiforme, elle se différencia par sa plasticité des organisations qui reprirent à sa suite le flambeau de l’internationalisme. » Elle constitue une organisation syndicale, un lieu d’échanges et de réflexion sur des thématiques encore actuelles, le temps de travail, la coopération, la propriété de la terre, une organisation politique qui suscita l’inquiétude, sinon la peur chez les pouvoirs publics lui attribuant des ressources cachées et des adhérents en masse. Michel Cordillot élargit son analyse chronologique quelques années antérieures à la création en 1864 et la poursuit jusqu’à la création de la IIe Internationale.

De thématiques en biographies
L’ouvrage est organisé en notices thématiques et biographiques. Les 48 notices thématiques permettent d’appréhender l’histoire de l’AIT en France dans sa complexité en faisant le point sur certains aspects de son action, sur l’intensité des débats. Elles sont regroupées en six sous-ensembles :
- La fondation de l’AIT et ses débuts en France ;
- Ses premiers conflits avec le pouvoir impérial ;
- Son rebondissement après des risques de disparition ;
- La période de la guerre franco-prussienne et de la Commune de Paris ;
- Sa réelle implantation en France ;
- Ses ultimes années d’existence.
En complément, les notices de 320 militantes et militants sont intégrées par ordre alphabétique et reprennent la démarche du Maitron. Relevons la faible part des femmes, soit 13, mais au-delà de Victorine Brocher, Elisabeth Dmetrieff, Nathalie Lemel, Louise Michel, des inconnues trouvent leur place comme Marie Louise David.
L’auteur insiste aussi sur le rôle des ouvriers français qui firent le voyage de Londres en 1864 pour jeter les bases de cette organisation à la courte durée de vie, une dizaine d’années. Ce sont bien des syndicalistes anglais et français qui initient le processus. En France, des initiatives comme celles de Flora Tristan, des Démocrates fraternels, de Charles Fourier préfigurent l’émergence de l’Internationale. Soulignons que la richesse et la diversité des travaux sur l’histoire du mouvement ouvrier invitent à approfondir de nombreux aspects et les éléments bibliographiques contenus dans l’ouvrage aideront le lecteur dans son approche.

Des débats toujours actuels et de belle tenue
La teneur des débats, la réaction des pouvoirs publics, les évènements traduisent l’actualité en 2025 de l’action des internationalistes, toute proportion gardée bien sûr. Et c’est bien un autre aspect utile de la lecture de cet ouvrage. La richesse des thèmes abordés, la qualité des propos tenus par des ouvriers, des ouvrières montrent la permanence des débats. Le rôle des syndicats, l’organisation du travail, les rapports sociaux, la place de la politique, le travail des femmes, le pacifisme…
Une pensée pour Eugène Varlin qui orientera l’AIT en France vers le courant collectiviste révolutionnaire s’éloignant de l’approche mutualiste d’Henri Tolain, un des fondateurs de l’AIT à Londres en 1864 mais se vautrera dans les bras du pouvoir versaillais en 1871, considéré comme un renégat par le mouvement ouvrier. Reprenons les propos de Michel Cordillot : « S’il fallait désigner une seule figure emblématique de l’histoire de l’AIT en France, ce serait incontestablement le relieur Varlin, qui en fut à la fois l’émanation, l’artisan et le principal théoricien du collectivisme non autoritaire. »
La Commune de Paris est sans doute le moment fort de l’histoire de l’AIT. Inaudible en 1870 en raison du patriotisme des ouvriers, un grand classique que nous retrouverons en 1914, l’AIT parisienne intègre les comités de vigilance, s’interroge sur la participation aux élections, s’implique ardemment dans l’organisation de la Commune, aidée par son savoir-faire issu de son expérience des luttes. C’est le cas du fonctionnement des mairies d’arrondissement, l’armée, la commission des subsistances, celle du travail et de l’échange… Soulignons aussi les Communes en province. Après la Semaine sanglante, la chasse à l’AIT est frénétique, les fanatiques de l’Ordre pourchassent les rescapés du massacre, recrutent des espions dans les pays refuges comme la Grande-Bretagne, la Suisse. La Fédération jurassienne tente de maintenir la dynamique. En France, une lente reconstitution s’opère avec les syndicats, la CGT se profile, tout comme les partis politiques aux nuances idéologiques et aux débats sans fin.

• Michel Cordillot
1864-1880 : La Première Internationale en France
Son histoire, son implantation, ses militants
Ed. de l’Atelier, 2025

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

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