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par Francis PIAN • le 20 août 2023

Des idées et des luttes: Les femmes au premier rang à Plogoff

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« Un discours qui se suffit à lui-même »

Plogoff, un nom qui éclate dans le ciel breton, dans la lutte contre les projets imposés par l’Etat sans concertation avec une violence inouïe dans la répression face à la contestation des habitants. Qui s’en rappelle aujourd’hui ? Des militants ? Des antinucléaires ? Et pourtant, la lutte des femmes et des hommes, mais surtout des femmes fut exemplaire et peut encore servir d’exemple dans la mobilisation populaire. Certes, l’affaire se déroule dans les années 80 mais l’attitude des pouvoirs publics n’est pas sans rappeler celle de l’Etat aujourd’hui. Les éditions La Digitale ont choisi de rééditer avec mise à jour, Femmes de Plogoff reprenant les propos des femmes qui eurent à affronter les gardes-mobiles, la violence, le mépris, la vulgarité, bref la violence dite légitime, chère à l’Etat.

Une très belle couverture sur papier gris avec une gravure en noir et blanc, des falaises, des rochers acérés, des vagues qui se brisent, une image d’une Bretagne résistante. Il s’agit bien de restituer la parole des femmes de Plogoff. Ce sont elles qui sont la pointe de la lutte. Les hommes sont en mer, sont loin, ils ne maîtrisent pas la situation locale, leurs femmes le disent à plusieurs reprises. A noter que ce livre est dédié « aux Hommes de Plogoff ». Elles peuvent être fières d’avoir mené ce combat. Deux femmes, Renée Conan et Annie Laurent enregistrent leurs propos, intervenant au minimum, surtout pour rappeler des faits plus généraux et aider le lecteur à se situer dans la région. « Notre intention était de donner, à ces femmes, dont nous admirions la lutte, l’occasion de nous raconter ce qu’elles avaient vécu, pour le publier. Nous voulions faire entendre leur voix. C’est pourquoi, nous nous sommes contentées de les écouter et de retranscrire leurs paroles. Une lecture publique leur a été faite avant de mettre sous presse, pour éviter toute erreur possible. »

« Nous voulions faire entendre leurs voix »

À la fin des années 1970, l’État décide d’implanter une centrale nucléaire sur le territoire de la commune, au niveau du site de la pointe de Feunteun Aod, EDF prévoyant une emprise de 176 hectares (77 sur le domaine maritime et 90 sur le territoire de la commune). Le projet fut rejeté massivement par les Plogoffistes et d’autres partisans anti-nucléaires venus de toute la Bretagne, voire de la France entière. Le site avait été retenu à l’automne 1978 par la Région Bretagne et le Département du Finistère, ce qui aboutit à la structuration d’un mouvement antinucléaire, notamment à travers le GFA et le CRIN de Plogoff. Le conflit, souvent violent, connut son apogée en 1980. Songeons à ce choix bureaucratique, installer une centrale nucléaire entre la pointe du Raz et la grande réserve naturelle du Cap Sizun ! rien de plus facile, le village compte peu d’habitants, eux-mêmes peu informés et l’Etat entend maîtriser son programme nucléaire.
Une citation de Jules Vallès extraite de L’Insurgé : « Quand les femmes s’en mêlent, quand la ménagère pousse son homme, quand elle arrache le drapeau noir qui flotte sur la marmite pour le planter entre deux pavés, c’est que le soleil se lèvera sur une ville en révolte. ».

« Les femmes contre les gardes-mobiles »

Au début, on n’y croyait pas mais lorsque l’enquête publique débute avec l’arrivée de centaines de gardes-mobiles, l’inquiétude, la peur envahissent les habitants. Plusieurs femmes feront le lien avec l’Occupation pendant la Seconde guerre mondiale, des Allemands ! L’intensité des affrontements est très bien restituée dans les propos. « C’était terrible », « cette nuit-là, ça a été terrible dans la cour de la mairie, on ne savait pas où aller, on était affolé. » Comme souvent, l’arrivée des forces de l’ordre vécue comme une provocation renforcera la mobilisation de la population.
Depuis 1976, des associations soulignaient le danger. Les parlementaires de droite et du PCF soutenaient le projet. A noter que Georges Marchais, secrétaire général du PCF justifiait le programme nucléaire pour des raisons d’emplois, d’indépendance économique, à l’instar des usines d’armement. Comme pour d’autres projets, les dossiers sont mal ficelés, des promesses de construction de résidences, d’hôtels, de commandes pour les artisans n’ont aucune logique. Et si les TPME locales pouvaient construire une centrale ? Absurde ! Pour ceux qui suivent la mise en place de grands projets actuellement, ils observeront que la démarche est identique. C’est absurde mais on continue. Le rouleau compresseur de l’Etat ne change pas.
Il y a aussi plusieurs pages consacrées à la psychologie des membres des forces de l’ordre. Les femmes souligneront les insultes, les gestes vulgaires qu’elles subiront. Mais elles résistent : « ça a une autre valeur, les femmes contre les gardes-mobiles. »

La centrale ne sera pas construite. Que reste-il de ce combat aujourd’hui ? Elles le disent, une meilleure solidarité y compris au sein de la commune, une curiosité à l’égard de l’actualité nationale, une prise de conscience des enjeux, un regard distant envers la justice, le suivi d’autres luttes comme le Larzac et une réflexion sur des projets alternatifs. Les éditions La Digitale ont ajouté une intéressante synthèse de l’évolution du nucléaire dans la société française et dans le monde, la question n’est pas close.

Francis PIAN

• Femmes de Plogoff
Renée Conan et Annie Laurent
Ed. La Digitale, 2010

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

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