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par Francis PIAN • le 19 octobre 2024

A bout portant Versailles 1972

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Fait de société au-delà du fait divers

Les scènes de cet opuscule se déroulent en région parisienne dans les années 70. Dans une banlieue chic, Versailles, la seule ville d’Ile-de-France que l’on ne peut prononcer avec un accent parigot. Cela date peut-être de la répression de la Commune de Paris. Une forme de rupture.
Philippe Artières, historien, dont nous faisons souvent part de l’intérêt de ses ouvrages, nous propose de déambuler dans une partie de sa vie et dans cette ville toujours un peu à part. Nous sommes dans ces années 70, en couverture de l’ouvrage A bout portant Versailles 1972, publié chez Verticales en 2024 : le château en fond avec sa grille qui crée une barrière entre deux mondes, au premier plan, une DS. Cet ouvrage constitue une micro-histoire et une introspection évidemment personnelle.

L’arrivée de cette famille Artières plutôt bourgeoise, dont le père admire la réalisation de la ville nouvelle de Saint-Quentin en Yvelines entame les souvenirs d’enfance de Philippe. Pour ceux qui sont nés dans cette région, la description des lieux, des mœurs constituera autant d’écho à leur propre vie. La famille Artières vit dans une communauté de blancs et de bourgeois. On vit ensemble catholiques, bien portants, sans extériorité, les mêmes écoles publiques ou privées. Les rites religieux, les habitats uniformes. Les mêmes loisirs, on va aux sports d’hiver dans les mêmes stations, on a les moyens. Les classes populaires sont ignorées, absentes. La description qu’en fait Philippe Artières rappelle celle du célèbre livre de Michel Pinçon et de Monique Pinçon-Charlot, Sociologie de la bourgeoisie, publié aux éditions de la Découverte en 2000 et régulièrement réédité. L’esprit versaillais ressort à chaque page. Rien que pour cela, le livre est passionnant par l’évocation de cette vie désuète et encore réelle. Vous rajoutez la présence du camp militaire de Satory où furent emprisonnés et fusillés des centaines de Communards, l’Ecole de Saint-Cyr, un hôpital militaire, Dominique Larrey, à l’époque. Un côté hors du temps.

« Notre racisme et son intériorisation profonde »
Pourtant pas loin dans le quartier de Porchefontaine, des logements semi-bidonvilles. Les Portugais, les africains, les nord-africains sont éparpillés dans les banlieues populaires, pauvres. Il y a quelques immeubles HLM à Versailles. Y vivent des familles comme celle de Mohammed Diab, 40 ans, tué par une rafale de pistolet-mitrailleur le 29 novembre 1972, au cours d’une bagarre avec les gardiens de la paix, dans le commissariat de la caserne de Noailles. Quartier chic. Evidemment, la police donnera sa version retenue par la justice. La famille rapporte des propos, des faits qui tendent à démontrer l’acte raciste. Des manifestations se déroulent. Dans d’autres villes de la région parisienne, des faits identiques se produisent. La bourgeoisie, « les gens de bonne tenue » s’en moquent, ignorent cette situation et évoluant socialement, Philippe Artières mesure la distance entre les individus, les classes sociales. Enseignant à la faculté de Nanterre, il établit le lien avec d’autres affaires. « Le mardi 27 juin 2023, à Nanterre, Nahel M., dix-sept ans, a été abattu à bout portant par un policier. A quelques centaines de mètres de la bibliothèque de La Contemporaine sur le campus de l’Université où j’ai découvert l’histoire de l’assassinat de Mohammed Diab. Malgré ce dramatique évènement, j’ai décidé de poursuivre l’écriture de ce texte. La mort de Diab, celle d’Oussekine, et même celle de Nahel et de beaucoup d’autres ont une même cause, notre racisme et son intériorisation profonde. La police n’en est que le bras armé. »

• Philippe Artières
A bout portant Versailles 1972
Ed. Verticales, 2024

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
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