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par Francis PIAN • le 6 octobre 2024

Des idées et des luttes: Makhno, L’épopée d’une Ukraine libertaire

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La Makhnovtchina, l’enthousiasme dans la population ukrainien

Comme le souligne Edouard Jourdain dans son livre Makhno, l’épopée d’une Ukraine libertaire publiée aux éditions Michalon, des noms de villes ou de régions se font écho entre les années 1920 et 2022. Marioupol, Kharkiv, Donetsk… Déjà elles constituaient le théâtre des combats entre bolcheviks, tsaristes et anarchistes menés par un jeune paysan ukrainien : Nestor Makhno. La Makhnovtchina suscita un tel enthousiasme dans la population ukrainien qu’il fallut l’engagement de l’Armée rouge dirigée par Trotski, la calomnie de bas étage pour cacher la réalité de cette troisième révolution après celle contre le tsarisme, celle contre le gouvernement bourgeois, pour atteindre une libération du peuple. Sur le drapeau des troupes de Makhno, une devise : « Mort à ceux qui s’opposent à la liberté des travailleurs ! »

Qui est Makhno ? Un fils de paysan très pauvre, refusant l’injustice. En prison, il rencontre des anarchistes, ce fut son université populaire, il lit, écrit, découvre cette idée, l’anarchie. Libéré, il retrouve son village Gouliaï Polié, son quartier général. Edouard Jourdain retrace cette épopée avec fougue et finesse dans la reprise des textes notamment Mémoires et écrits 1917-1932 ou Les routes de Makhno de Victor et Alexandre Bélach (cf Des idées et des luttes du 22 mai 2022 ). Très tôt Makhno se méfie du pouvoir totalitaire bolchevique et sa rencontre avec Lénine n’y change rien au vu des trahisons, des arrestations, des assassinats de ses proches. Une fois de plus comme en Espagne, le lecteur constatera la difficulté de construire un monde nouveau dans une société en guerre.
Makhno utilise les techniques de la guérilla. In fine, seul contre tous, les blancs, les rouges, les nationalistes. Mais l’acharnement de l’Armée rouge l’oblige à l’exil le 28 août 1921. En France, il conçoit la nécessité d’une organisation libertaire, ce sera la Plateforme. Vous retrouverez les enjeux et les débats sur cette question. Malade, épuisé, il meurt le 25 juillet 1934 à l’hôpital Tenon à Paris.

Quelle société anarchiste?
Au-delà de cette biographie, Edouard Jourdain nous livre quelques réflexions tirées des déclarations et textes de Makhno, de ses proches. En premier lieu, l’organisation d’une société anarchiste et plus particulièrement dans une société rurale. Il faut lire le projet de déclaration de l’armée insurrectionnelle révolutionnaire d’Ukraine adopté en octobre 1919. Comment gérer la question agraire ?
Un autre aspect intéressant, c’est l’affirmation de Victor Bélach selon laquelle pour les anarchistes ukrainiens, « l’histoire n’est pas gouvernée par la lutte des classes comme l’avançaient les bolcheviks, mais par la lutte entre ceux qui désirent le pouvoir et ceux qui désirent être libres. » Ils voulaient des soviets libres et non sous les ordres du parti, de l’Etat. De même, ils maintiennent les libertés du citoyen : liberté de parole, de presse, de réunion, d’organisation. Nous sommes loin de la dictature du prolétariat. Au contraire, refus de l’autorité des partis, appel à l’autogestion et Edouard Jourdain en souligne quelques exemples.
Dans une période aussi dure, les troupes de Makhno doivent s’adapter. Elles ont connu déjà des conflits notamment à l’occasion de la Première guerre mondiale, mais là elles doivent intégrer une stratégie du partisan. L’analyse est à comparer avec celle de Karl Schmitt, l’un des premiers à réfléchir sur cette question. Soulignons la souplesse des manœuvres des troupes, le réseau d’informateurs qui permet à Makhno de se déployer très rapidement sur « un espace ouvert, avec un mouvement tourbillonnaire dont l’effet peur surgir en n’importe quel point ».
Cette épopée était-elle possible ailleurs en Russie ? Comme le relève Piotr Archinov, un proche de Makhno, il n’y avait pas de parti puissant en Ukraine et la tradition de la volnitza, la vie libre des cosaques Zaporogues occupait entre les esprits. Makhno a su catalyser, en tant qu’individu porté par un collectif, ce qui relevait d’une culture propice à une révolution libertaire ?
Peut-on établir une relation avec l’actualité ukrainienne ? Je laisse le soin à Edouard Jourdain de traiter la question comme il le propose. Peut-on conclure avec lui et Archinov que « la Makhnovtchina est constante et immortelle » ?

• Edouard Jourdain
Makhno
L’épopée d’une Ukraine libertaire
Ed. Michalon, 2024

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

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1	le 8 octobre 2024 13:43:49 par jean-jean de garrigues

Merci Edouard, merci Francis...il est utile de revenir de temps en temps sur notre histoire des anarchistes et des fondamentaux tel que " l’histoire n’est pas gouvernée par la lutte des classes comme l’avançaient les bolcheviks, mais par la lutte entre ceux qui désirent le pouvoir et ceux qui désirent être libres. » Il nous reste à écrire l’histoire de demain, on l’espère notre histoire de demain, notre destin avec des mecs capables comme Makhno à la fois de lutter avec les moyens du bord contre les multiples dictatures et de se projeter idéologiquement pour une société libertaire. Même si nous refusons la violence, et prônons le rejet absolu de la guerre, les temps anciens pour l’Ukraine nous rappellent qu’il est parfois nécessaire de lutter les armes à la main pour abolir les dictatures et mettre les tortionnaires des peuples devant la justice avant qu’ils ne déclenchent l’apocalypse. Mort aux dictateurs, mort aux Etats, pour un autre modèle de fraternité sans frontières et définitivement sans guerre. Et que vive l’anarchie

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