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Chroniques du temps réel
par Pierre Sommermeyer • le 20 avril 2020
Bris-collages autour du covid19
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Cela fait donc cinq semaines que la France est confinée et moi avec. Cinq semaines où les jours ont de plus en plus tendance à se ressembler les uns aux autres. Cinq semaines où les outils numériques modernes deviennent de plus en plus indispensables.
Retour sur le début
Essayons un instant de nous poser la question des origines et du comment/pourquoi de cette situation. Il semblerait que tout ait commencé dans un marché chinois où un individu a mangé de la viande d’un pangolin ou a été soigné par un médicament à base des écailles de cet animal qui lui avait mangé des fourmis qui avaient sucé le suc de bégonias sur lesquels des chauves-souris, gourmandes de ces fleurs elles aussi, avaient répandu le virus qu’elles avaient concocté au fond de leur grottes la nuit. Il y a là tout ce qu’il faut pour en faire un polar naturaliste.
La vie se passe ailleurs, au sein du confinement mais aussi et surtout en ligne. Concerts sur Facebook, articles intéressants ci-et là. Les journaux et autres talkshows rabâchent toujours la même chose, l’emprise grandissante du virus. Son extension, sa dangerosité, ses symptômes. Je vérifie si je ne suis pas atteint d’anomie olfactive. Je ne crois pas. Je sens monter de plus en plus la colère, non pas à cause de la maladie, mais parce que ce système nous a rendu, et nous l’avons laissé faire, aussi désarmés.
Et l’économie
Les médias glosent beaucoup sur la Chine. Un pays qui a réglé, mais à quel prix, la question du virus. La tentation de l’admiration du totalitarisme est en forte diminution. Il semble bien que tout à la fois les chiffres ont été bidonnés et que le retour chinois économique se fasse attendre. A la fois parce que les marchés occidentaux sont en stand-by et aussi probablement parce qu’il est compliqué de faire repartir une machine économique qui s’est arrêtée brutalement. Aux dernières nouvelles quelques pays de l’Asie du sud-est referment leurs frontières. Tout cela ne peut que ralentir les affaires. De fait chaque pays se replie sur lui-même et s’aperçoit se faisant qu’il ne peut plus fonctionner seul. Cette pandémie pourrait sonner la fin de la production éclatée, mais ce n’est pas sûr.
La déroute économique est-elle probable, je n’en sais plus rien. Un chiffre aux nouvelles, l’économie française est en panne – 35%. Dans n’importe quelle situation on serait en été de guerre sociale. Grèves, manifestations violentes dans les rues, prise d’assaut des magasins, les grand d’abord. Économiquement, plus de crédit, plus de subvention, état d’urgence, des flics partout et j’en passe. Aujourd’hui rien de tout cela ! Nous rentrons dans une économie ultra régulée. L’État prends son rôle à cœur et comme dans toujours est incapable de gérer correctement le b a ba de cette fonction. On l’a vu avec l’État soviétique, on le voit aujourd’hui ici avec cette palinodie des masques.
Ce qui s’est passé au début des années trente fut la conséquence de la rencontre de plusieurs phénomènes qu’on ne retrouve pas de nos jours. Il s’agit d’abord d’un krach boursier, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, qui se conjugue avec une économie allemande qui ne s’est toujours pas relevée de la défaite de l’empire allemand et de la révolution qui suivit et un conflit permanent avec la Russie soviétique. Le parallèle avec la grippe espagnole ne fonctionne pas non plus, car si elle a eu pour effet de ralentir l’économie ce virus-là ne l’avait pas arrêté.
Aujourd’hui l’économie s’est arrêtée non pas de son fait, non pas par ses contradictions inhérentes mais par l’intervention d’un agent extérieur sur lequel elle ne peut rien. Le covid19 n’est pas côté en bourse. Le seul parallèle qui tient tant soit peu la route serait avec la grande peste, celle de 1348, qui a rebattu complètent la donne économique de l’époque. Les contemporains d’alors virent la petite propriété disparaître au profit de grands propriétaires qui ne trouvaient plus d’ouvriers à exploiter.
Aujourd’hui l’arrêt de l’économie a un effet tout à fait différent, c’est un voile qui tombe et qui permet de voir l’état de la planète, la violence des inégalités et la fragilité du système mondial. Rien ne sera plus comme avant, c’est un refrain bien connu, bien répété après chaque moment difficile, dramatique ou même parfois révolutionnaire. C’est surtout un refrain qui signe un échec, si maintenant n’est pas différent pourquoi penser que demain le sera. C’est un refrain que l’on a beaucoup entendu et que l’on entend encore dans le monde des soignants. Ils avaient montré auparavant qu’ils étaient dévoués et compétents, ils l’illustrent maintenant. La réponse d’en haut, c’est la reprise de leur refrain, on verra demain. GRdB, ci-devant patron des patrons, nous l’a bien dit, il va falloir rembourser la dette, travailler plus, donc gagner moins.
La peur
La panique mondiale vient d’un simple fait : même les puissants peuvent être malades. M. disait « on est en guerre » certes mais c’est la première où les dirigeants risquent autant que le quidam, et ça c’est dérangeant. Jusqu’alors les guerres étaient faite par des gens qui ne se connaissaient pas au profit de gens qui se connaissaient mais ne se la faisait pas. Tout a changé, à cause d’un petit truc invisible et tout neuf. C’est ce que répètent à tout bout de champ les experts. On ne savait pas, on ne connait pas. Souvent c’est pour excuser/expliquer leur myopie du temps d’avant . A fur et à mesure que la recherche avance on apprend d’autres choses. Une étude italienne confirmée par les enquêtes françaises montrerait que 80% des victimes sont des hommes. Et l’égalité ? L’âge moyen des morts baisse.
En même temps, caché derrière cette catastrophe, la machine étatique d’aliénation marche à plein. Pablo Servigne, dans une interview sur Médiapart, samedi soir, parle du retour de l’État souverain. Certes, peut-être un peu plus que cela, pour le salut de tout le monde…à quand un comité de salut publique avant l’arrivée de la terreur ?
Ma marchande de journaux, comme toutes les caissières de France, s’est barricadée derrière une plaque de plexiglas qui rend les manipulations de journaux ou tabacs plus difficile. A partir de lundi, dans toute l’Euro-métropole (Strasbourg) il faudra sortir les poubelles la veille au soir dans la rue, pour le passage du camion poubelle le lendemain. Jusqu’alors les « poubelliers » le faisaient eux-mêmes. Tout comme les facteurs ne font plus que trois tournées par semaines. Ce, qui à mon avis, perdurera, entrainant une moindre nécessité de main d’œuvre, une dégradation des services publics.
Que se passe t il quand une société « civilisée » ou pas n’enterre plus ses morts ? Les fosses communes aux États-Unis, ou bien les stockages de Rungis, témoignent de cette impossibilité. Que se passe-t-il dans sa mémoire profonde ? On se souvient des suites des guerres mondiales, chez les vainqueurs. Des monuments à perte de vue. En Allemagne, il n’y en a pas, sauf ceux qui célèbrent la guerre de 1870 et leur victoire. En France après ce qui se passe en sera-t- il de même ? Qui osera faire un monument aux morts des Ehpad ? Qui osera l’inaugurer ?
Les soignants qui ont attrapé ou succombé sous les coups du Covid 19 relèvent-ils des accidents du travail ou bien est-ce une maladie professionnelle ? Beau travail à venir pour les juristes de tout poil.
Et le 11 mai
C’est le matin qui se lève ou bien le retour de tous les fantasmes ? C’est la soupape de sécurité qui est levée pour faire s’échapper la pression de la colère. Les quelques semaines à venir vont être encore bien pleines d’autres rebondissements. La situation américaine où des milices armées peuvent passer à l’acte, une Inde avec une population de plus d’un milliard d’individus est confinée et peut aussi passer à l’insurrection poussée par la famine et bien d’autres endroits dont nous ne savons rien, si ce n’est une chose, la révolution dans un seul pays n’est plus possible. Sous le coup de ce virus le monde s’est unifié.
Pierre Sommermeyer
PAR : Pierre Sommermeyer
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