Travail social > Ancien article : La Reine des neiges et les petites mains
Travail social
par Pierre sommermeyer • le 21 octobre 2019
Ancien article : La Reine des neiges et les petites mains
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extrait de la une du 19 août 2016
Il était une fois une princesse, Elsa, qui ne trouvait pas chaussure à son pied. Elle restait seule au royaume alors que sa sœur Anna épousait un jeune prince. Elle se cachait pour pouvoir vivre et dissimulait ses superpouvoirs à son peuple ainsi qu’à Anna. Il s’agit d’un film produit par Disney en 2013. Il paraîtrait qu’une suite serait programmée. Cette éventualité avec l’idée de donner à Elsa une compagne, rompant ainsi avec le principe du prince charmant, a provoqué un mouvement sur les réseaux sociaux. Un hashtag a été créé à cette fin : #GiveElsaAGirlfriend. C’est un succès sur Internet. Tout cela va, bien sûr, donner un coup de fouet aux ventes de produits dérivés.
Derrière l’écran
Avant d’aller plus loin, il faut se rappeler qu’il s’agit d’un marché colossal. Il y a un an, au moment des fêtes de Noël, Le Figaro rappelait que la vente des jouets en rapport avec ce film devait représenter environ 24 % des ventes de jouets du moment. Pourtant, tout n’est pas si rose. Les milliers de travailleurs qui produisent ces jouets vivent et travaillent dans des conditions insupportables : 66 heures par semaine pour un salaire horaire de 1,15 € environ. Ils ont une heure pour manger et le reste du temps habitent à l’intérieur de l’usine. Si ces ouvriers et ces ouvrières semblent "content.e.s" de faire des heures supplémentaires, compte tenu des bas salaires, leur hébergement est tout simplement scandaleux.
Un enquêteur clandestin de l’ONG China Labor Watch rapporte que 16 travailleurs se partagent un dortoir de 16 m2. La salle de bain n’a pas d’eau chaude, il n’y a pas de douche et, si des travailleurs veulent prendre un bain, ils doivent utiliser des bassines. Au plus fort de la saison des cadeaux, les ouvriers font plus de 100 heures supplémentaires dans le mois, ce qui dépasse le maximum légal chinois qui est fixé à 36. Les jouets qui sont fabriqués dans cette usine se vendent tous entre 20 et 30 euros pièce.
Assis devant un bol de nouilles, dans un restaurant situé hors de l’usine, un travailleur de 29 ans venant du Hunan décrit les conditions de travail extrêmes auxquelles il est soumis. Plus de la moitié des travailleurs habituels sont intérimaires, alors que la réglementation stipule que l’intérim ne doit pas dépasser plus de 10 % du total des ouvriers employés. Ils n’ont pas de réels contrats et dépendent d’un bureau de placement. Quand le nombre de commandes baisse, les ouvriers sont foutus dehors. L’ouvrier interviewé, sous couvert d’anonymat, par le journaliste1, travaille depuis 18 mois dans cette entreprise. Il confirme faire 11 heures par jour, 6 jours par semaine et, quand c’est nécessaire, travailler le dimanche aussi.
« Avec les heures supplémentaires, ajoute-t-il, nous pouvons gagner 3 100 yuans à la fin du mois. De cette somme il faut déduire l’assurance sociale et le coût de l’hébergement dans les dortoirs. Il reste alors 2 900 yuans. » Le total annuel tourne autour de 35 000 yuans, ce qui est juste supérieur au salaire minimal, fixé à 25 000 yuans. Le salaire moyen chinois, lui, est de 60 000 yuans environ. Un autre ouvrier, plus âgé, qui vient d’une province reculée, en rajoute une couche : « Cette usine, qui fabrique les jouets de La Reine des neiges, possède les pires dortoirs que j’ai jamais vus. Les étés sont très chauds dans la région. Une douzaine d’ouvriers s’entassent dans chaque petite chambre. Il y a juste un ou deux ventilateurs. Nous sommes serrés comme des sardines dans une boîte. On ne peut pas dormir. Il y a seulement 24 WC à la chinoise pour 320 ouvriers. Il y a toujours des files d’attente, c’est difficile d’en trouver un de libre le matin avant d’aller travailler. » Une femme déclare : « Les dortoirs sont bourrés, les vitres cassées, réparées avec du papier pour garder le chauffage en hiver. Nous n’avons pas le choix, mon mari et moi venons d’un village très pauvre et nous avons un fils qui va à l’université. »
Sur les chaînes, les ouvriers sont payés à la tâche. Ils doivent produire 1 200 de ces princesses en plastique avec l’espoir, fallacieux, de toucher une prime de 200 yuans à la fin du mois. Un ouvrier de 44 ans ajoute : « Comme je deviens plus vieux, je ralentis et je dois me battre pour ne toucher que 2 000 yuans par mois. Si un ouvrier arrive une minute en retard ou quitte une minute trop tôt, il a une demi-journée de salaire en moins. »
Tout cela n’est pas si grave
Il suffit de feuilleter les catalogues de jouets ici, chez nous, pour apprendre que « la poupée Disney Elsa chanteuse des neiges stimule l’imagination de votre enfant et lui fait vivre des aventures extraordinaires et inoubliables. Votre enfant retrouve la magie du célèbre dessin animé. Quand il appuie sur le bouton en forme de flocon de neige situé sur la poitrine d’Elsa, la poupée chante la fameuse chanson “Libérée, délivrée”. »
Ben voyons !
Pierre Sommermeyer,
Derrière l’écran
Avant d’aller plus loin, il faut se rappeler qu’il s’agit d’un marché colossal. Il y a un an, au moment des fêtes de Noël, Le Figaro rappelait que la vente des jouets en rapport avec ce film devait représenter environ 24 % des ventes de jouets du moment. Pourtant, tout n’est pas si rose. Les milliers de travailleurs qui produisent ces jouets vivent et travaillent dans des conditions insupportables : 66 heures par semaine pour un salaire horaire de 1,15 € environ. Ils ont une heure pour manger et le reste du temps habitent à l’intérieur de l’usine. Si ces ouvriers et ces ouvrières semblent "content.e.s" de faire des heures supplémentaires, compte tenu des bas salaires, leur hébergement est tout simplement scandaleux.
Un enquêteur clandestin de l’ONG China Labor Watch rapporte que 16 travailleurs se partagent un dortoir de 16 m2. La salle de bain n’a pas d’eau chaude, il n’y a pas de douche et, si des travailleurs veulent prendre un bain, ils doivent utiliser des bassines. Au plus fort de la saison des cadeaux, les ouvriers font plus de 100 heures supplémentaires dans le mois, ce qui dépasse le maximum légal chinois qui est fixé à 36. Les jouets qui sont fabriqués dans cette usine se vendent tous entre 20 et 30 euros pièce.
Assis devant un bol de nouilles, dans un restaurant situé hors de l’usine, un travailleur de 29 ans venant du Hunan décrit les conditions de travail extrêmes auxquelles il est soumis. Plus de la moitié des travailleurs habituels sont intérimaires, alors que la réglementation stipule que l’intérim ne doit pas dépasser plus de 10 % du total des ouvriers employés. Ils n’ont pas de réels contrats et dépendent d’un bureau de placement. Quand le nombre de commandes baisse, les ouvriers sont foutus dehors. L’ouvrier interviewé, sous couvert d’anonymat, par le journaliste1, travaille depuis 18 mois dans cette entreprise. Il confirme faire 11 heures par jour, 6 jours par semaine et, quand c’est nécessaire, travailler le dimanche aussi.
« Avec les heures supplémentaires, ajoute-t-il, nous pouvons gagner 3 100 yuans à la fin du mois. De cette somme il faut déduire l’assurance sociale et le coût de l’hébergement dans les dortoirs. Il reste alors 2 900 yuans. » Le total annuel tourne autour de 35 000 yuans, ce qui est juste supérieur au salaire minimal, fixé à 25 000 yuans. Le salaire moyen chinois, lui, est de 60 000 yuans environ. Un autre ouvrier, plus âgé, qui vient d’une province reculée, en rajoute une couche : « Cette usine, qui fabrique les jouets de La Reine des neiges, possède les pires dortoirs que j’ai jamais vus. Les étés sont très chauds dans la région. Une douzaine d’ouvriers s’entassent dans chaque petite chambre. Il y a juste un ou deux ventilateurs. Nous sommes serrés comme des sardines dans une boîte. On ne peut pas dormir. Il y a seulement 24 WC à la chinoise pour 320 ouvriers. Il y a toujours des files d’attente, c’est difficile d’en trouver un de libre le matin avant d’aller travailler. » Une femme déclare : « Les dortoirs sont bourrés, les vitres cassées, réparées avec du papier pour garder le chauffage en hiver. Nous n’avons pas le choix, mon mari et moi venons d’un village très pauvre et nous avons un fils qui va à l’université. »
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PAR : Pierre sommermeyer
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