CONTRE LA PRISON


La prison. Sans sursis
et à vie. À vie !
M’ont condamné sans remords
Motif : "S’il sort, il mord".
Mais c’est la mort, coquin de sort !
Ça leur a pris comme une envie de sanction,
la prison :
"Emprisonnons-le à perpète,
même pour des cacahouètes,
même s’il y a suspicion de méprise,
quoi qu’il en soit on le méprise,
et puis il y a la récidive
dont son casier s’enjolive.
Il est en soi un outrage à l’autorité,
un danger pour la société.
Il n’a rien appris,
il a été repris,
c’est un malappris.
Exclusion, damnation !
Nous avons une solution
très prisée : la prison."

Ces ronds-de-cuir
m’ont mis hors d’état de nuire :
envoyer en prison
les libres électrons
tourner en rond
dans une cour carrée,
c’est leur fonction.
Ça leur vaudra une promotion.
"Ça lui fera les pieds,
la perpétuité ;
et ça préservera la propriété privée,
privée de ces juste bons
à servir de chair à canon,
qui ne veulent pas entendre raison
et respecter le pognon".

Et depuis... ?
J’ai appris la nulle beauté et la vacuité,
l’élimination de tout horizon,
l’enfer de l’enfermement,
la violence et le beurre rance,
le lent poison administré par la prison.
À en perdre la raison,
à en confondre les saisons.

J’en suis parfois pris de convulsions,
incurablement épris d’évasion.
Nulle remise de peine
et ma peine se mue en haine.
Passage à tabac et justice fumeuse,
boiteuse, tueuse,
tirant à bout filtre sur gueux et gueuses.

La liberté, toujours remise
à plus tard, dévorée par les cafards,
chaque nuit attise
mes rêves de grève sans fin,
au sable toujours plus noir :
sur le gravier des murs abattus,
je cours pieds nus...
Délires de la grève de la faim.
Loin, loin, loin, encore plus loin,
Ailleurs !


Libres pensées sous licence poétique (2 vol), Feuilles volantes,
Sansonnets-100 sonnets, Les Éditions libertaires