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Chroniques du temps réel
par Monica Jornet • le 17 avril 2020
Confinement à Napoli : Allo allo ?! Quelles nouvelles ?
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Napoli est ma ville de cœur. J’y vis (« occasionnellement », dit mon imposition pour le ramassage des ordures ménagères), je m’y suis engagée et j’y ai des ami.e.s. En ces temps de confinement, et puisque je ne suis pas sur les réseaux sociaux, on échange au téléphone de part et d’autre de la frontière franco-italienne fermée pour de longs mois : Alors le confinement, quelles nouvelles ?
Paola a été licenciée il y a bientôt 4 ans, elle faisait trop bien son travail et de l’ombre au fils de son patron fraîchement arrivé dans la boîte. Pas encore de droit aux aides, elle a de quoi vivre jusqu’au mois d’octobre en faisant la pasta au quotidien, d’après elle pas besoin de bien plus. Et après ? Elle préfère ne pas y penser ou plutôt, me dit-elle, elle préfère penser que tout ça est en train d’arriver à quelqu’un d’autre, autrement elle ne tiendrait pas le coup. Le confinement ? Eh bien Paola est mon « amie géniale » (cf. roman d’Elena Ferrante), une artiste du recyclage. Elle a d’ailleurs son atelier dans l’espace occupé où j’ai enseigné pendant un temps le français par la chanson anarchiste. Elle a confectionné son masque anticoronavirus avec un bonnet de soutien-gorge ! Elle s’en tire parce que sa proprio l’a adoptée, ce sont ses termes, et lui apporte une partie des petits plats qu’elle cuisine pour sa famille « naturelle » (bref celle que la société nous impose). En somme le confinement la met un peu plus sur le fil du rasoir mais à Naples la solidarité n’est pas un vain mot.
Maria me dit qu’un nouveau coronavirus chaque année jusqu’au bac de sa fille, l’arrangerait bien. « Voyons voir combien tu as eu en commentaire de texte ? » lui a dit Carlotta -que j’adore-, plus fan du Nutella que de l’école, en recevant sa copie corrigée en télétravail par son enseignante : « 5,5 sur 10 ! La moyenne pour la première fois sur mon bulletin ! Grazie mamma ». Elle aime aller à l’école mais pas faire ses devoirs. Son frère Domenico, c’est le contraire mais ça lui va aussi au poil : il collectionne les 10 sur 10 tout en restant dans sa chambre à bouquiner et aller sur son ordi. Le père, Gennaro, est batteur d’un groupe napolitain, tant pis pour les voisins qui de toute façon ne s’en plaignent pas, pas le genre de Naples. Bref, un confinement heureux.
Tiziana m’envoie un sms : ici nous sommes dans l’angoisse totale ! Je l’appelle le jour même et lui communique ma crise de fou rire. En effet elle compte sur des dispositifs en cours d’étude pour aller quand même à la plage cet été, car elle en a besoin ! Ça consiste en des plexiglas sur le sable pour isoler les parasols. Gina, sa compagne, essaye vaguement d’en placer une pour me saluer. Elles en ont un peu marre du confinement mais tout le voisinage prend quand même le café dans la cour. À Naples, le café c’est sacré, tout le reste peut attendre.
Maurizio et Alessandra espèrent avoir eu le coronavirus, ils ont eu tous les symptômes. Le confinement, ok, mais pour eux c’était même pas la peine, ils ont réalisé notre rêve secret à tou.te.s, l’avoir et en réchapper pour re-vivre libres ! En attendant, la petite entreprise d’organisation de congrès d’Alessandra en prend un coup, arrêt complet, ils prennent ça avec un fatalisme tout napolitain, heureusement ils n’ont pas adressé de prière à San Gennaro, c’est rare là-bas. Je m’inquiète pour Naples dont le niveau d’emploi allait enfin décoller grâce au tourisme. Et que se passe-t-il pour les travaux urgents dans l’immeuble qui, il faut bien le dire, nous survivra, en tuf volcanique et assis sur la roche, mais qui est en piteux état. J’y ai un petit appart. Elle me passe Maurizio car il fait l’interface avec le syndic, Mario, lequel n’est pas un pro de l’écrit, il s’adresse surtout à nous de vive voix et exclusivement en napolitain. Pas de problème : Massimo, du 4° étage, dépanneur tous azimuts de l’immeuble, va assurer ! Il vient d’avoir deux jumelles, ça va l’aider. Je renchéris qu’on est tous d’accord. Un peu qu’on est d’accord, il a renoncé à être camorriste et choisi une vie de misère comme maçon. Nous sommes allés donner la bienvenue aux petites, en décembre dernier, et faire un peu de compagnie à Roberta. Serena et Aurora dormaient encore dans leur landau, faute de lit, et dans la cuisine, faute de chauffage. Oui, tous d’accord, y compris la vieille mère à chats, Lilo, qui de toute façon ne paie jamais un centime.
La Lilo, ma voisine d’en face à Naples, sort tous les jours faire ses courses malgré les 97 marches à remonter jusqu’à la porte de l’immeuble. Et aucune raison de changer ses habitudes : l’étal du poissonnier de Pozzuoli, avec la pêche du matin, est ouvert. Quant aux services livraison habituels (marchand de primeur, épicier et autres), par panier remontant à l’étage en tirant une corde, elle y mettrait le label NN (norme napolitaine) pour « les distances de sécurité ».
Angela arrondit ses fins de mois en faisant Bed and breakfast dans une partie de son appart, une construction, disons « en voie de légalisation », dans son jardin au dernier étage. Vue sur le Vésuve et le port s’il vous plaît. Mais son écrivain anglais venu trouver l’inspiration dans ce quartier populaire de Naples (il n’a pas dû être déçu !), est reparti en début de crise du coronavirus.
Eleonora n’est plus à Naples. Cette compagne, qui a adhéré la FAI à mon contact (car je suis aussi Individuelle FAI Napoli), vient de partir à Milan, son doctorat en poche, pour trouver du travail. Mais, pour l’instant, elle n’a trouvé que le coronavirus. Ces fachos de la Lega du Nord, fini de se croire supérieurs à nous, « terroni » du sud...
Monica Jornet
Groupe Gaston Couté FA
Paola a été licenciée il y a bientôt 4 ans, elle faisait trop bien son travail et de l’ombre au fils de son patron fraîchement arrivé dans la boîte. Pas encore de droit aux aides, elle a de quoi vivre jusqu’au mois d’octobre en faisant la pasta au quotidien, d’après elle pas besoin de bien plus. Et après ? Elle préfère ne pas y penser ou plutôt, me dit-elle, elle préfère penser que tout ça est en train d’arriver à quelqu’un d’autre, autrement elle ne tiendrait pas le coup. Le confinement ? Eh bien Paola est mon « amie géniale » (cf. roman d’Elena Ferrante), une artiste du recyclage. Elle a d’ailleurs son atelier dans l’espace occupé où j’ai enseigné pendant un temps le français par la chanson anarchiste. Elle a confectionné son masque anticoronavirus avec un bonnet de soutien-gorge ! Elle s’en tire parce que sa proprio l’a adoptée, ce sont ses termes, et lui apporte une partie des petits plats qu’elle cuisine pour sa famille « naturelle » (bref celle que la société nous impose). En somme le confinement la met un peu plus sur le fil du rasoir mais à Naples la solidarité n’est pas un vain mot.
Maria me dit qu’un nouveau coronavirus chaque année jusqu’au bac de sa fille, l’arrangerait bien. « Voyons voir combien tu as eu en commentaire de texte ? » lui a dit Carlotta -que j’adore-, plus fan du Nutella que de l’école, en recevant sa copie corrigée en télétravail par son enseignante : « 5,5 sur 10 ! La moyenne pour la première fois sur mon bulletin ! Grazie mamma ». Elle aime aller à l’école mais pas faire ses devoirs. Son frère Domenico, c’est le contraire mais ça lui va aussi au poil : il collectionne les 10 sur 10 tout en restant dans sa chambre à bouquiner et aller sur son ordi. Le père, Gennaro, est batteur d’un groupe napolitain, tant pis pour les voisins qui de toute façon ne s’en plaignent pas, pas le genre de Naples. Bref, un confinement heureux.
Tiziana m’envoie un sms : ici nous sommes dans l’angoisse totale ! Je l’appelle le jour même et lui communique ma crise de fou rire. En effet elle compte sur des dispositifs en cours d’étude pour aller quand même à la plage cet été, car elle en a besoin ! Ça consiste en des plexiglas sur le sable pour isoler les parasols. Gina, sa compagne, essaye vaguement d’en placer une pour me saluer. Elles en ont un peu marre du confinement mais tout le voisinage prend quand même le café dans la cour. À Naples, le café c’est sacré, tout le reste peut attendre.
Maurizio et Alessandra espèrent avoir eu le coronavirus, ils ont eu tous les symptômes. Le confinement, ok, mais pour eux c’était même pas la peine, ils ont réalisé notre rêve secret à tou.te.s, l’avoir et en réchapper pour re-vivre libres ! En attendant, la petite entreprise d’organisation de congrès d’Alessandra en prend un coup, arrêt complet, ils prennent ça avec un fatalisme tout napolitain, heureusement ils n’ont pas adressé de prière à San Gennaro, c’est rare là-bas. Je m’inquiète pour Naples dont le niveau d’emploi allait enfin décoller grâce au tourisme. Et que se passe-t-il pour les travaux urgents dans l’immeuble qui, il faut bien le dire, nous survivra, en tuf volcanique et assis sur la roche, mais qui est en piteux état. J’y ai un petit appart. Elle me passe Maurizio car il fait l’interface avec le syndic, Mario, lequel n’est pas un pro de l’écrit, il s’adresse surtout à nous de vive voix et exclusivement en napolitain. Pas de problème : Massimo, du 4° étage, dépanneur tous azimuts de l’immeuble, va assurer ! Il vient d’avoir deux jumelles, ça va l’aider. Je renchéris qu’on est tous d’accord. Un peu qu’on est d’accord, il a renoncé à être camorriste et choisi une vie de misère comme maçon. Nous sommes allés donner la bienvenue aux petites, en décembre dernier, et faire un peu de compagnie à Roberta. Serena et Aurora dormaient encore dans leur landau, faute de lit, et dans la cuisine, faute de chauffage. Oui, tous d’accord, y compris la vieille mère à chats, Lilo, qui de toute façon ne paie jamais un centime.
La Lilo, ma voisine d’en face à Naples, sort tous les jours faire ses courses malgré les 97 marches à remonter jusqu’à la porte de l’immeuble. Et aucune raison de changer ses habitudes : l’étal du poissonnier de Pozzuoli, avec la pêche du matin, est ouvert. Quant aux services livraison habituels (marchand de primeur, épicier et autres), par panier remontant à l’étage en tirant une corde, elle y mettrait le label NN (norme napolitaine) pour « les distances de sécurité ».
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