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Travail social
par Mariama Keita le 18 mai 2024

Décision exemplaire pour un travailleur sans papiers surexploité et discriminé.

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Dans un article daté du 14 mai dernier publié dans le journal L’Humanité et écrit par Clara Gandin, avocate au Barreau de Paris, on apprenait l’histoire édifiante d’un travailleur sans papiers surexploité et discriminé, qui a obtenu avec l’aide de la CGT et de ses avocats une décision exemplaire le 23 avril 2021 en première instance et ensuite en appel à Riom.
Retour sur les faits et les attendus de plusieurs jugements.
Le sans papiers est embauché en toute connaissance de cause comme opérateur dans un abattoir courant 2019.
Sans contrat et payé en liquide, donc corvéable à merci, il est ensuite affecté dans un autre abattoir avec le personnel d’une société différente. Comble de la surexploitation il doit partager un logement avec sept autres travailleurs d’origine africaine comme lui.
En juin de la même année le sans papiers subit un grave accident de travail qui nécessite neuf jours d’hospitalisation.
Les pouvoirs publics se penchent alors sur son cas et la police interroge alors le respon-sable du second abattoir. Ce dernier produit de faux documents administratifs pour justifier deux contrats de sous-traitance…
Depuis son accident le travailleur sans papiers ne percevait plus de salaire et il avait perdu son logement car la seconde société de sous-traitance lui avait intimé l’ordre de ne plus se présenter sur son lieu de travail et à son hébergement.
A la fin septembre de la même année, le travailleur sans papiers est sans ressources et souffre des séquelles de son accident, la société ose l’informer de son licenciement pour abandon de poste et lui réclame en outre un mois de préavis…
Le travailleur essaie de faire valoir ses droits auprès de ses employeurs et de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, en pure perte. Il saisit alors le conseil de prud’hommes d’Aurillac.
Avec l’aide de la CGT et d’un avocat, quelques mois plus tard, il fait assigner les trois sociétés Quelques mois plus tard, pour faire reconnaître, avec toutes ses conséquences frauduleuses, une fausse sous-traitance couvrant une opération de prêt de main-d’œuvre illicite : une société fait travailler le salarié originellement embauché par une autre, sous son autorité et avec son matériel, en dehors des règles sociales et fiscales liées à la qualité d’employeur… Comme le précise Me Clara Gandin, l’autrice de l’article, cette pratique est interdite depuis l’abolition de l’esclavage en 1848 !

L’assignation avait un second but plus emblématique : établir une discrimination fondée sur l’origine dans le traitement indigne et dangereux qui a été imposé au travailleur sans papiers et dans l’organisation du travail entre les trois entreprises : la première fournit à l’autre une main-d’œuvre étrangère sans papiers à bas coût, ignorante de ses droits, et la dernière basée hors de France assume le risque juridique contre rémunération, en recrutant et logeant lesdits travailleurs avant de les chasser.

Par jugement du 23 avril 2021, le conseil de prud’hommes a condamné solidairement les trois sociétés pour discrimination, prêt illicite de main-d’œuvre, travail dissimulé et violation de leur obligation de sécurité, a requalifié son contrat à durée indéterminée et jugé le licenciement du travailleur sans papiers vexatoire et sans cause réelle et sérieuse, y ajoutant ses indemnités de rupture.
En outre, le conseil a ordonné aux sociétés de régulariser les cotisations sociales non versées et à indemniser les syndicats pour leur préjudice.
L’une des sociétés a fait appel du jugement et le salarié a alors demandé, outre des dommages et intérêts plus importants, la reconnaissance de la nullité de son licenciement, conséquence de son caractère discriminatoire.
La cour d’appel de Riom vient de lui donner raison, en confirmant pour l’essentiel le jugement entrepris dans une décision exemplaire.

Mariama Keita
Groupe Louise Michel
PAR : Mariama Keita
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