D’un génocide à l’autre

Le vingtième siècle s’est ouvert sur un génocide, celui des Arméniens en 1915, il s’est prolongé par l’extermination des Juifs et des Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale pour s’achever sur celui des Tutsi en 1994. Deux bandes dessinées reviennent sur ces temps tragiques.

Dietmar Reinhard dans ce récit illustré sur les camps de concentration et d’extermination d’Auschwitz et Birkenau reprend notamment les mémoires de Rudolf Höss pour montrer comment le bourreau a, délibérément et par idéologie, choisi de participer à la mise à mort de plusieurs centaines de milliers de personnes. Il utilise également les écrits d’autres responsables nazis et les témoignages des déportés pour analyser le processus et les mécanismes de la terreur puis de l’extermination. Racisme, application de la violence gratuite contre les détenus, torture considérée comme légitime. L’auteur montre aussi l’évolution du système concentrationnaire. Höss dirige la mise en place du camp d’extermination, après une rencontre avec Himmler, en juin 1941. Aux premières tentatives d’extermination par le gaz succèdent la mort industrielle mise en place après la conférence de Wansee en 1942. L’auteur ne cache rien. Avec crudité il restitue les étapes du processus et montre la sauvagerie des nazis – y compris dans les expériences médicales – jusqu’aux marches de la mort de l’hiver 1945. Contrairement à Mauss d’Art Spigelman, la représentation graphique est parfois difficilement soutenable mais atteint son objectif montrer restituer la réalité de l’univers concentrationnaire.

Cinquante ans après, un autre génocide se déroule. Ses origines remontent à la décolonisation. Les Hutu, placés au pouvoir par l’ancien pouvoir colonial belge, se livrent à plusieurs massacres raciaux. Le pouvoir rwandais, renforcé jusqu’au coup d’État de Juvénal Habyarimana multiplie les exactions contre toutes les formes d’opposition et maintient un régime de discrimination raciale. Le dictateur président est débordé par d’autres nationalistes, qui notamment sur la radio des Mille collines appellent à l’extermination des Tutsi. Sa mort dans un attentat permet aux nationalistes d’engager la phase finale de l’extermination qui fit plus d’un million de victime en l’espace de trois mois. Pour évoquer le génocide, les auteurs évoquent la mise en place du Tribunal pénal international et des tribunaux Gacaca pour juger les assassins. Mais surtout la quête d’un couple pour recueillir et documenter les meurtres de masses, les exactions et les assassinats. Là aussi, les auteurs décrivent avec froideur et réalisme la mise à mort des Tutsi, les scènes d’extermination à la machette, les charniers et la mort de masse.

Deux récits graphiques glaçants mais nécessaires.

Sylvain Boulouque

• Vivre et Mourir à Auschwitz
Diermae Reinherd
Ed. Nouveau monde, 2023, 102 p. 22 €

• Rwanda à la poursuite des génocidaires
Thomas Zribi et Damien Roudeau
Ed. Steinkis, 2023, 170 p. 24 €