Les «Soucis» de la bourgeoisie !
La bourgeoisie a toujours su se faire plaindre. Aujourd'hui, le discours dominant ne déroge pas à cette règle d’airain. Les intellectuels de salon, économistes et autres journalistes, sont toujours prompts à entonner la même rengaine : la mondialisation poserait d’insurmontables problèmes aux vieilles puissances capitalistes. L'émergence de nouveaux pays industrialisés, dopés par de très faibles coûts salariaux, exercerait une telle concurrence que nos bons capitalistes européens se verraient contraints et forcés, bien évidemment contre leur gré, de nous imposer sans cesse de nouveaux sacrifices en termes de salaires, de flexibilité ou de conditions de travail.
Mythes et réalité
Pourtant, derrière le mirage de ce discours idéologique, la réalité est toute autre. L’absurdité de la logique, qui présente «l'étranger» comme étant l’ennemi, défendue par tous les nationalistes, de Chevènement à Le Pen, éclate ici au grand jour. La «crise» est perçue comme telle uniquement par ceux qui la subisse. Pour les patrons, tout va bien, merci pour eux… Dans les pays les plus riches, ceux du G7, le taux de profit (taux de retour sur capital investi) a augmenté considérablement, passant de 12,5% en 1980 à 16,5% en 1997. Pour la même période et dans ces même pays, la part des revenus du capital dans la valeur ajoutée, les richesses produites, est passée de 31% à 35%. Bien évidemment, les sacrifices sont toujours pour les mêmes.
Malgré ces profits florissants, les apologues du libéralisme invoquent sans honte le coût du travail «beaucoup trop élevé en France» pour expliquer le fort niveau de chômage et proposer, bien sûr, la baisse des salaires et le démantèlement de la protection sociale. Sur ce sujet, la banque Paribas vient de publier une étude qui permet de briser quelques idées reçues. En Europe, sur la période 1987-1997, seuls deux pays ont vu leurs salaires réels augmenter moins vite que ceux des salariés français : la Grèce et les Pays-Bas. Même au Royaume-Uni, écrasé par le thatchérisme, le pouvoir d’achat des salariés a progressé une fois et demie plus rapidement qu’en France [[Hausse moyenne du salaire réel entre 1987 et 1997 : 3,5% au Portugal, 1,7% en Italie, 1,5% au Royaume-Uni, 1,1% en Allemagne, 0,9% en France, 0,7% en Grèce, 0,5% au Pays-Bas.]] !
Ces «spécialistes» nous expliquent doctement que les minima sociaux seraient un piège d’une terrible perversité, nourrissant le chômage tout en favorisant la paresse et l’assistanat. Au passage, soulignons que l’idée qu’ils pourraient eux-mêmes tenter de vivre avec 2000 francs par mois ne les a bien sûr jamais effleurés… À la revendication d’un relèvement des minima sociaux, ils crient au délire, relayés d’ailleurs par Aubry et Jospin. Pourtant, une étude récente [[Recherches et Prévisions, n° 50-51, mars 1998.]] publiée par la revue de la Caisse nationale des allocations familiales bat en brèche l’idée que la France serait dotée d’un État-providence particulièrement généreux. Sur 23 pays étudiés, la France est classée seulement au 20e rang en fonction du niveau des revenus minima offerts.
Tous ces «spécialistes», grassement payés pour prendre la posture d’insupportables donneurs de leçons, estiment que le «risque, le dynamisme et l’initiative doivent être récompensés». Favoriser le développement des inégalités sociales permettrait d’accroître les richesses disponibles. Que cela se fasse au bénéfice de quelques uns et au détriment du libre épanouissement de tous ne semble pas beaucoup les déranger. Rappelons pour mémoire que les dix plus grosses fortunes de la planète (en tête celle de Bill Gates, le patron de Microsoft assis sur un monopole en forme de coffre-fort) atteignent ensemble la coquette somme de 133 milliards de dollars, environ 1000 milliards de francs.