Une Bombe à retardement
Casse des transports public
Le temps qui passe est le plus sûr allié de tous les réactionnaires. Dans le domaine économique et social aussi les structures de la «libéralisation» (entendez par là la politique de casse) sont maintenant bien en place et commencent à porter leur fruits. Ainsi la sécu est-elle de plus en plus -- depuis le plan Juppé -- une protection au rabais. Il en va de même pour les Télécom et les transports.Le service public tranche par tranche
Il y a quelques années quand les pontes qui dirigent la SNCF [[Et donc 80% du trafic routier en France, un quart d’Air France et de ses filiales, 25% du parc de camions en Allemagne et 30% en Italie, et encore AVIS, la chaîne d'hôtels Frantour, la société d’autobus CARIANE, etc.]] se sont soudainement pris d’amour pour le découpage de l’entreprise en différentes activités avec, entre autres, la séparation des activités de fret et du transport voyageurs grandes lignes ou encore des transports régionaux on pouvait légitimement se poser des questions. On aurait pu d’abord se demander quel était l’intérêt de saucissonner une entreprise alors qu’elle conservait une structure unique de gestion ? Pourquoi vouloir confier la maîtrise des transports régionaux aux régions administratives alors que concrètement elles n’en ont pas la maîtrise ?
De fait la «regionalisation» des transports de voyageurs (ferroviaires et routier) induisait déjà la disparité dans les prestations offertes aux usagers selon les régions habitées. De surcroît, cela revenait à faire payer le transport deux fois à la même personne : une fois en tant que voyageur, une autre en tant que contribuable. Mais surtout cette mesure avait comme principal intérêt de désengager la SNCF d’activités où les perspectives de «marché» ouvert à la concurrence sont limitées. Toutefois la mesure paraissait faible si on considère que la société nationale est en situation de quasi-monopole tant sur rail que sur route.
La création du Réseau Ferré de France (RFF) allait ouvrir d’autres perspectives à nos casseurs. Cette nouvelle EPIC [[Entreprise Publique Industrielle et Commerciale, c’est à dire une entreprise à capitaux majoritairement publics qui doit équilibrer seule son budget ; comme la SNCF ou EDF-GDF par exemple.]] créée officiellement fin 1996 héritait en même temps de la plupart des grandes infrastructures ferroviaires et d’une dette de 200 milliards de francs. La SNCF ne devenant plus qu’opérateur de transports devant louer le passage de ses trains sur les voies et par ailleurs le seul opérateur autorisé à effectuer l’entretien des infrastructures. Le Pd-g de RFF n’a pas caché récemment qu’il avait bien l’intention de faire payer ses difficultés financières par la SNCF, on peut de plus avoir des doutes sur le fait que la SNCF restera le seul prestataire de service en matière d’entretien : incontestablement les dirigeants de RFF réclameront bientôt la possibilité d’aller chercher ailleurs et surtout moins cher. Nul doute également que RFF pourra à terme offrir la possibilité à d’autres transporteurs d’utiliser les rails si ceux-ci payent bien. La SNCF met d’ailleurs opportunément en place, en ce moment même, un logiciel de suivi des trains qui est accessible à tous et qui pourra servir, n’en doutons pas, si des concurrents se mettent sur les rangs.
Replacer les luttes dans une perspective globale
Actuellement, la direction extrêmement politique [[Gallois est un ami du pouvoir et membre éminent du MDC national-populiste de Chevènement.]] de la SNCF est pressé d’accélerer le mouvement et fait manifestement pression, comme en 1995, pour que ça passe ou ça casse. Ainsi dans un contexte où le nombre de cheminots a baissé de plus de cent mille en moins de quinze ans, où la plupart des postes hors encadrement sont à horaires décalés et un bon nombre avec déplacement, où l’âge moyen est en perpétuelle progression [[45 ans environ pour des personnels qui partent en retraite à 55 ans et 50 ans pour les conducteurs.]] faute d’embauche de jeunes, la direction n’ouvrent pas de négociation salariale et se prend d’une subite passion pour le passage aux 35 h voire aux 32 h alors qu’elle n’est pas concernée par l’application de la loi. Tout ceci dans un contexte de propagande où on essaye de faire avaler aux cheminots que leur conditions de travail sont décidément trop avantageuses pour permettre une saine concurrence, où il devient difficile d’obtenir ses congés ou tout simplement d’assurer le service par manque de personnel.
Alors les grèves se multiplient, pour les conditions de travail, les roulements qui sont intenables comme récemment les mécaniciens, pour l’augmentation des primes ou leur intégration au salaire comme l’an dernier les contrôleurs, ou encore pour la possibilité de changer de région ou de bénéficier d’un travail en journée pour ceux qui sont fatigués des horaires en 3x8. Ces grèves, il est vrai, sont rarement couronnées de succès et se sont surtout les usagers qui en pâtissent. Pour cette raison CGT, CFDT et SUD ont lancé le 13 avril dernier une grève nationale qui avait pour but de replacer ces luttes dans un contexte plus large de revendication de maintien d’un large service public non concurrentiel. Car c’est bien cela qui est la cause fondamentale, les difficultés évoquées plus haut n'étant que les conséquences. On peut quand même ce demander ce que cache la revendication, essentiellement portée par la CGT, de nationaliser l’ensemble des transports et confier sa gestion à un ministère. Comme si l'État était neutre, comme si ce n'était pas lui qui conduisait la politique de casse du service public dans le cadre de l’intégration capitaliste européenne et mondiale. Comme si enfin il suffisait d’obtenir cela pour réussir à renverser la dynamique de l’accord de Maastricht.
On ne peut définitivement espérer tenir, usagers ou salariés des transports, sur les acquis des «Trentes glorieuses» ou même des grèves de 1995, qui ne furent qu’un frein à la logique libérale du capitalisme. On ne peut non plus s’en remettre à des responsables syndicaux dont l'éducation ultra-étatique montre aujourd'hui dans la lutte toutes ses limites pratiques. Mais ne nous illusionnons pas : les changements, quel qu’il soient, peuvent très bien se faire sans notre avis. Il y a urgence à s’organiser et à élaborer des revendications communes aux salariés et aux usagers : on a tout a y gagner
Laurent Martin
groupe La Sociale (Montpellier)