Organisons la résistance !
Des dockers de Liverpool à Nantes
ML : Qu'a représenté pour vous la lutte de Liverpool ?R : La solidarité a été systématique car leur combat est le nôtre une lutte contre la déréglementation que veut imposer le patronat mondial. Les problèmes anglais, on les a connu en 1992 et les australiens les rencontrent aujourd'hui. En Australie les lobbies du transport et les grands propriétaires terriens veulent le nivellement vers le bas des conditions de travail afin d'augmenter leurs marges de profits. Au départ on a parlé de 1 400 licenciements puis de 3 000... Les syndicats australiens ont gagné un recours devant les tribunaux entraînant la nullité des licenciements mais la situation reste très tendue. Les ports sont quadrillés par des vigiles afin très certainement de provoquer des incidents...
ML : La rencontre sur le port de Nantes avec les dockers de Liverpool a été l'occasion de discuter et de mettre des choses à plat.
R : La solidarité avec Liverpool a été importante. Des rencontres mondiales ont eu lieu et une action fin janvier 98 était prévue : au minimum une heure de grève dans tous les pays, sur les cinq continents. Nous n'en voulons pas aux dockers de Liverpool car ils vivaient des conditions difficiles avec la mort de camarades. Ce mouvement international, par son ampleur et son unanimité gênait. De même se profilait la création d'une coordination internationales des dockers. Il gênait logiquement le patronat mais certainement aussi certains dirigeants de syndicats réformistes de l'ITF (International Transport Federation). Ce syndicat a depuis le début trahi la cause de Liverpool. Mais là, il a utilisé la situation désespérée et utilise des relais politiques et patronaux pour trouver un accord 48 heures avant un mouvement international de grande ampleur.
ML : Rapidement, quelle est la situation sur Nantes ?
R : Fin juillet 92 nous étions 196. Aujourd'hui nous sommes 50 : un drame humain terrible pour tout le monde. Ça a modifié la donne pour nous. Notre culture en a pris un coup. D'une part la population a manqué de solidarité vis-à-vis de nous, mais nous avons été aussi trop corporatif. Néanmoins dans notre culture tout n'est pas à rejeter : un souci du savoir-faire, une solidarité ouvrière forte (un docker ne franchit jamais un piquet de grève quelle que soient les raisons)... Mais en 1992 on s'est fait avoir par des gens pour qui on a voté. Sur Nantes après la claque de 1992, le patronat a voulu être trop revanchard en nous supprimant tous nos droits, nos fonctionnements d'équipe... il se croyait tout permis et a provoqué un sursaut de notre part. Aujourd'hui, on relève la tète avec entre autre 10 nouvelles embauches. Nos relations sont importantes par le biais de la fédération avec les autres ports sauf Saint-Nazaire. Et nous avons voulu lors de ces rencontres de Nantes interpeller les dockers de Liverpool sur le sujet. À Saint-Nazaire, comme il l'envisage à Liverpool, ils ont crée leur propre boite d'intérim. Mais l'autogestion dans le cadre d'un système capitaliste n'est pas viable. Car pour être compétitif on reproduit les mêmes comportements. Par exemple dans le cadre de la solidarité internationale on ne suit pas parce que la boîte a des commandes. L'argent ne doit pas être le seul fil conducteur de notre vie...