Les Premiers pas du collectif action justice sociale pour tous
Carcassonne
Début décembre, une poignée de chômeurs de Limoux et ses environs investissent l'ANPE de Limoux pour distribuer un tract au titre évocateur «l'horreur économique» appelant à une réunion pour la création d'un collectif de chômeurs. La directrice de l'ANPE de Limoux, bien connue des chômeurs pour sa facilité à radier pour un oui pour un non, ne prend pas la chose avec le sourire, les distributions continuent donc devant l'ANPE.Une association d'insertion de Limoux prêtait son local aux chômeurs. Cette association subventionnée reçoit la menace du Conseil général socialiste de se faire supprimer les subventions si elle accueillait les chômeurs. Un café limousin prête sa salle de restaurant.
La première réunion regroupe une trentaine de personnes. La description des situations personnelles de chacun évoque un retour au siècle dernier et confirme qu'énormément de gens isolés sont dans les mêmes situations dramatiques et inacceptables. Le collectif naissant décide de rester en dehors des partis politiques, des syndicats et de toute organisation. Un fonctionnement proposé par des libertaires est accepté (AG décisionnelle, refus de délégations, action directe). On sent une adhésion incontestable au principe de respect de l'individu, de décision collective, d'éviter les prises de pouvoir.
Cependant, les chômeurs ne se révoltent pas seulement pour l'arrêt des radiations. Des revendications plus générales sortent des discussions comme le partage du travail et des richesses, l'obtention d'un revenu minimum d'existence. Diverses occupations ponctuelles se succèdent, à la CAF et surtout à l'ANPE. Des réunions hebdomadaires aussi.
Alors que le collectif occupe l'antenne de la CAF, une chômeuse excédée par l'arrêt de ses prestations s'énerve dans les locaux des ASSEDIC. À l'arrivée de la police, une bousculade s'ensuit. La jeune femme est emmenée au commissariat. Durant la garde à vue, un policier la traite de parasite, on la questionne sur ses opinions politiques et elle reçoit un coup de poing au visage. La blessure constatée par un médecin, elle porte plainte. Aujourd'hui, cette personne fait partie du Collectif action justice sociale pour tous, puisque c'est le nom que s'est donné le collectif de chômeurs de Limoux.
Le lundi 5 janvier, le collectif décide de se joindre au mouvement national en occupant l'ASSEDIC de Limoux. Arrivée vers 9 h 30 le matin, une quinzaine de chômeurs sont accueillis gentiment par le personnel qui «comprend leurs revendications». Les membres du collectif n'entravent pas le fonctionnement des ASSEDIC qui continuent d'accueillir des personnes avec la présence des occupants. Moins d'une heure plus tard, la responsable de l'agence reçoit l'ordre de ne plus traiter les dossiers des personnes arrivant alors que rien ne l'empêchait. Il s'agit de monter les chômeurs les uns contre les autres en faisant croire que les membres du collectif entravent la bonne marche des ASSEDIC La magouille ne prend pas et certains chômeurs arrivant rejoignent même le collectif.
Le directeur départemental des ASSEDIC arrive dans l'après-midi avec un huissier pour prendre note des revendications. Faisant mine de s'intéresser à la discussion, il ne retient que la volonté des occupants de rester sur les lieux. Quelques minutes plus tard, une dizaine de policiers en civil et une vingtaine en uniforme se positionnent à l'intérieur et autour des ASSEDIC Les occupants sont alors une vingtaine. Le responsable de la sécurité publique (sic) audoise donne cinq minutes aux chômeurs pour sortir. Ceux-ci refusent. Une pluie de coups s'abat sur les occupants. Le chef des policiers ouvre le bal en frappant une femme au visage avec sa matraque, d'autres sont jetés dehors en ayant reçu des coups.
L'amertume est grande chez tous les occupants, l'esprit de révolte devient plus fort encore. La population est toute entière à la cause des chômeurs.
L'État socialiste a répondu à la demande légitime des chômeurs de justice par la violence.
Le collectif manifeste en ville, investit la mairie et prend à partie le député-maire socialiste. Le nombre des manifestants a doublé depuis le matin. La répression a eu l'effet inverse de celui escompté par les autorités.
Situation générale dans l'Aude
À ce jour, le collectif de Limoux est le plus important de l'Aude avec environ soixante-dix personnes. Tous les jours, de nouveaux contacts sont pris au local.
Un collectif est en structuration à Carcassonne, la majorité des membres est adhérante à AC! Le fonctionnement de ce collectif, dont les bases doivent être posées ces jours-ci, s'oriente vers les principes de démocratie directe de Limoux. Tous les membres sont d'accord là-dessus, mais les débuts de la mise en pratique sont plus difficiles, d'autant que le collectif entretient des rapports difficiles avec le comité CGT existant, mais non mobilisateur.
À ce jour, le collectif de Carcassonne regroupe environ quarante contacts, c'est un bon début. Il tient une permanence au local du collectif libertaire, le Bazar.
Des chômeurs sont en train de s'organiser à Lézignan en dehors du comité CGT existant. Ils ont fait une demande de local. Des contacts existent entre Lézignan, Carcassonne et Limoux.
Sur Narbonne, c'est le CADT-CGT. qui, à notre connaissance, est le seul comité existant.
L'avenir des comités de chômeurs audois semble favorable. Ils se développent petit à petit. Leur fonctionnement en démocratie directe à l'image du Collectif action justice sociale pour tous de Limoux leur confère des bases solides, car tous les individus ont une responsabilité égale dans les collectifs et ont la possibilité de s'investir. Les individus sont particulièrement attachés à ce fonctionnement.
Les libertaires qui prônent depuis toujours ces pratiques ne peuvent que se réjouir qu'elles s'inscrivent dans un mouvement social important et durable. Des membres du collectif libertaire le Bazar y sont présents, ainsi que du groupe FA de Carcassonne, les tracts de la CNT. y reçoivent un bon écho. Nombre de collectifs de la France entière semblent s'organiser sur la même base. Des contacts sont déjà établis. Il est temps de coordonner et d'amplifier ces pratiques.
Groupe de Carcassonne