L'Insoutenable légèreté d'EDF
Tout d'abord, pour leur comparaison, EDF et ses partenaires se réfèrent aux seules centrales à charbon sans équipement de dépollution. En 1989, par exemple, les émissions de S0² lors de la production d'électricité ont été supérieures à celles des producteurs publics allemands, pour une production électrique presque identique : 382 000 tonnes avec 80% de nucléaire et 7% de combustibles fossiles en France contre 220 000 tonnes avec 50% de combustibles fossiles en Allemagne. Pourquoi ? Contrairement à EDF qui a dépensé son argent dans l'atome, la réglementation allemande force les compagnies d'électricité à investir dans des systèmes de dépollution efficaces.
Mais les nucléocrates oublient dans leurs calculs de tenir compte de l'ensemble de la filière énergétique (extraction du minerai, transport, etc.). L'Öko-Institut de Darmstadt a calculé qu'une centrale nucléaire approvisionnée en combustible enrichi dans le pays même [[L'enrichissement du combustible est extrêmement énergivore.]] entraîne des émissions de CO² jusqu'à trois fois plus élevées que la production d'une quantité d'électricité équivalente sur la base de la cogénération en gaz...
Largement sous-développée en France, cette technologie est appliquée à grande échelle en Allemagne, au Danemark et aux États-Unis. Le rendement de ces installations va de 80% à 90%, contre 40% (- 8% de pertes en ligne) pour le nucléaire.
Un exemple concret : le bilan final de l'énergie pour le chauffage. Réalisé par l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie, qui a comparé les émissions de CO² pour un chauffage central au fuel et pour un chauffage électrique. Résultat : le chauffage électrique émet de 18,5 à 67% de CO² de plus que le fuel ! Or le fuel est le plus polluant des combustibles avec le charbon. Des études allemandes révèlent que des unités de cogénération relâchent sept à huit fois moins de CO² que le chauffage électrique.
Les dépenses françaises en matière d'économie d'énergie laissent aussi à désirer. L'AFME affirme que, si la réduction des émissions de CO² est due à 54% au nucléaire, la maîtrise de l'énergie y a contribué pour 39% «avec des investissements bien inférieurs».
Peter Hennicke, membre de la commission d'enquête sur l'effet de serre du Parlement allemand : «le nucléaire n'est pas seulement un moyen inefficace pour combattre l'effet de serre, mais il empêche l'application de solutions efficaces».
Il faut aussi déplorer l'attitude scandaleuse d'EDF vis-à-vis de la cogénération depuis bientôt 10 ans. Déjà, en juin 1989, dans «La stratégie commerciale» d'EDF 1990-1992 : «Pour fidéliser notre clientèle, il convient de différer les projets d'autoproduction jusqu'à la réadaptation de notre parc de production» [et de] «s'opposer à la cogénération en faisant pression sur les pouvoirs publics pour qu'ils limitent leur aide financière à ces investissements».
Enfin, il faut rappeler que le secteur de la production d'électricité n'est responsable que de 4% des émissions de CO². Et le nucléaire n'apporte qu'une seule forme d'énergie : l'électricité.
Bill Long, directeur de l'environnement au sein de l'OCDE : «vue sous l'angle de l'environnement, l'énergie nucléaire ressemble à une sirène : attirante, mais mortelle».
Cette véritable campagne de presse a pour but de redorer le blason du lobby nucléaire à l'occasion d'une conférence internationale (début décembre) sur le problème de l'effet de serre.
Son but n'est évidemment pas de trouver des solutions à ce problème [[Par exemple : pour 1 000 MW produits : 230 000 tonnes de CO² rejetées avec le nucléaire ; 78 000 tonnes avec l'énergie hydraulique ; 54 000 tonnes avec l'énergie éolienne ; 52 000 tonnes avec l'énergie marémotrice.]] comme la cogénération, mais de s'autosatisfaire en brandissant des statistiques tronquées. EDF se joue encore de l'opinion publique, qui croit ne pas avoir les moyens de la réfuter (ou qui reste passive).
Sacha Kagan