Pommes pourries et haut du panier
Si la mise ne examen et l'interdiction provisoire d'exercer leur sale travail prononcées contre quelques-unes de ces pommes pourries sont un indéniable symbole fort, d'ailleurs perçu comme tel par un public voyeur mais intransigeant sur la morale, ces mesures demeurent toutefois très insuffisantes.
Il serait utile et même nécessaire, pour en finir avec cette presse de caniveau qui déshonore le métier, que quelques hautes consciences de la profession, installées dans l'information propre, haut de gamme, composent une sorte de comité d'éthique chargé de nous débarrasser au plus vite de cette lie.
Pour le composer, journalistes scrupuleux et chroniqueurs vertueux ne manquent pas. Ainsi Patrick Poivre d'Arvor, présentateur béton, qui n'est pas homme à accepter le moindre centime d'un homme d'affaires et qu'on imagine mal réalisant une interview bidon d'un dictateur des caraïbes. Ainsi Jacques Pradel, Hercule Poirot du cimetière juif de Carpentras, qui jamais ne présentera un extraterrestre sur un petit écran sans s'assurer auparavant de sa rigoureuse authenticité. Ainsi cet éditorialiste du Figaro, transfuge du Nouvel observateur, que l'idée de cirer les pompes du Tout-Paris pour un prix Goncourt ou une place à l'Académie n'effleurera jamais. Ainsi les July, porte-parole de La Cause du peuple et du fric de gauche, les Jean-François Khan, maquereau agité d'une Marianne racoleuse, ainsi... la liste est longue.
Dans les années 20, Marcel Aymé, qui tâta du journalisme, écrivait qu'il en fut un représentant médiocre, «car je ne rapportais que ce que j'avais vu ou appris, alors que la règle était déjà de broder ou d'inventer...» Si le «choc des photos» n'a de toute évidence rien arrangé depuis, le «poids des mots» des rédacteurs prétendument intègres continue tout autant de nous écraser, car il est presque toujours celui de l'épate, de la futilité, de la servilité et du mensonge.