Air France sera privatisée : Jospin et Gayssot l'ont décidé
Pour autant, dès que l'on compare la réalité des faits et qu'on porte attention aux non-dits du camarade ministre, la conclusion est que le processus de privatisation de la compagnie aérienne a été décidé par le gouvernement.
Si les derniers nostalgiques de la gauche attachés au concept de nationalisation comme voie du socialisme en doutent encore, nous les invitons à lire attentivement l'Humanité de ces derniers jours, qui a rempli sa mission de Journal officiel d'une fraction gouvernementale. Ainsi, le 2 septembre, Jean-Claude Gayssot déclarait, concernant Air France : «Ni privatisation ni statu quo», propos qu'il confirmait à la suite de l'annonce du départ de Christian Blanc, ajoutant à l'occasion : «Il ne s'agit pas d'un problème dogmatique mais du développement d'une grande entreprise nationale». Ainsi, implicitement, il annonçait l'ouverture du capital et la vente d'actions au privé. Le processus de privatisation est donc en marche et on peut penser que le bras de fer médiatisé entre Gayssot et Blanc a permis de faire avaler la couleuvre aux derniers réfractaires du P.C. Serge July, chantre de cette deuxième gauche ne s'y est pas trompé en écrivant : «Il en ira pour Air France comme pour France Télécom : c'est le processus qui compte, et il est désormais amorcé.».
Le problème n'est donc plus de savoir quel sera le niveau de participation de l'État dans le capital de la compagnie nationale, 51%, 57%, ou 60%, l'épisode de la privatisation de la régie Renault est significatif dans le domaine, mais de comprendre que le gouvernement vient de baisser une nouvelle fois son pavillon face aux oukases de la Commission européenne et c'est bien encore l'Humanité qui nous le rappelle dans sa une du 6 septembre en reproduisant l'avis de la Commission qui confirme qu'elle ne «se demande pas qu'une entreprise soit privée ou publique, mais qu'elle soit concurrentielle et suive les règles du marché».
C'est l'affirmation que le gouvernement et plus particulièrement le parti communiste viennent de franchir un nouveau pas dans leur adhésion aux valeurs du libéralisme économique que constituent les règles du marché. Les anarchistes ne sont pas surpris de cela, et de capitulation en renoncement, il est dans la logique des partis au pouvoir de démontrer leur incapacité à transformer durablement le cours des choses. C'est le propre d'une démocratie libérale que le capital, le marché, l'emportent toujours sur l'action politique en matière économique.
«Real politik» sans scrupules
Jean-Claude Gayssot sera donc certainement le premier ministre communiste en France depuis 1945 à liquider ce que son parti appelait encore il y a le peu le patrimoine national.
Qu'à cette occasion, les caciques de la droite aient voulu jouer les trouble-fête est normal. Il est de bon ton en démocratie d'exister par les difficultés des autres et quand le débat se situe sur des queues de cerises capitalistes, cela démontre alors que les différences entre un Juppé et un Jospin se résument à peu de choses.
Qu'à cette occasion les Rocard, Sainjon et Notat aient soutenu les PDG d'Air France démontre une nouvelle fois que cette deuxième gauche a partie liée avec une fraction du patronat.
Et il en est de même pour la nébuleuse que l'on nous présente sous le vocable de rénovateurs, refondateurs communistes qui a, avec d'anciens dirigeants de la CGT des transports, obtenu, avant l'été, par le plus grand des hasards (!) une tribune dans le journal Le Monde pour demander l'ouverture du capital de la société. Il en est toujours ainsi des militants qui adhèrent à un dogme, à la moindre fissure, ce qui était honni devient idyllique !
Ce qui importe maintenant, c'est de s'attacher à préserver le statut des salariés d'Air France qui, contrairement à l'imagerie savamment entretenue n'ont pas tous des salaires de PDG et ne sont pas tous des pilotes de ligne. Si certains en doutent, Air France possède au plus 400 avions mais compte plus de 36 000 salariés.
Christian Blanc avait déjà obtenu pour ramener la compagnie en situation bénéficiaire (-7,8milliards en 1993 et + 0,39 milliard en 1996) la filialisation d'un nombre important d'activités, c'est-à-dire le transfert sous statut privé de nombreux emplois. 10 000 emplois ont ainsi été supprimés de l'effectif d'Air France en six ans. C'est une des voies que suivra son successeur.
La paix sociale des pilotes aura un prix, et comme leur syndicat autonome leur a promis de participer à la grande valse du libéralisme, on peut dès à présent affirmer qu'une partie du capital leur sera réservée en guise de rémunération. Il ne faut doc pas compter sur eux pour défendre les sans-grade.
Comme lors de la dernière grande grève à Air France, les salariés devront en premier compter sur leur propre force. Avec cette fois en plus, le risque de voir certains militants politiques faire passer les ordres du parti avant l'intérêt de la classe ouvrière. Pour le P.C., c'est clair : il faudra faire sans eux. Pour la L.C.R., qui a encore quelques influences dans cette entreprise, il faut s'interroger. L'appui de Krivine au gouvernement et sa récente médiatisation ne sont pas le fruit du hasard. Quand de plus, le conseiller spécial du camarade ministre, n'est autre qu'un «ancien» dirigeant de la L.C.R. qui a toujours ses entrées, puisque malgré ses fonctions officielles, il se permet de participer à l'université d'été de cette organisation, on nous permettra de douter de leurs détermination révolutionnaire, et le temps est loin du mot d'ordre : «Nationalisation sans indemnités ni rachat».
Ce n'est pas aux anarchistes dans les transports que l'on fera avaler le coup du plein emploi et du partage de la misère ; il y a assez de curés défroqués dans le mouvement social pour ne pas nous laisser abuser par les discours culpabilisants. Nous serons de ceux qui défendent leurs acquis.
Voies libres