Droits de l'Homme ou droits à la bavure ?
Chronique des bas-fonds
Rappelez-vous notre chronique publiée dans le Monde libertaire de la semaine passée. Il y était question de flics éméchés...En ce mois de décembre 1994, le 20 très exactement, nous sommes à Manosque. Un CRS tue un jeune ouvrier algérien d'une balle en pleine tête. La famille ne sera prévenue qu'avec douze heures de retard.
Selon les militants locaux de SOS-Racisme, le jeune homme sortait d'un bar, légèrement éméché, et il a pris la fuite lorsqu'une patrouille de CRS a voulu contrôler son identité.
D'après les premières constations du médecin légiste, rapportées dans Libération et Le Monde des 22 et 24 décembre 1994, «[...] le coup aurait été porté à bout touchant "... Un témoin affirmait même qu'il n'y avait eu «aucune somation ni coup de sifflet, mais seulement cette exclamation après le coup de feu : " Merde, on l'a touché ! "».
Le 23 décembre 1994, le secrétaire national du syndicat des CRS (affilié au SIPN) déclarait tranquillement : «Ce dramatique incident met en lumière une grave dérive dans l'emploi de nos compagnies...»
Tiens... Tiens ! Quand les flics sont éméchés, ils font parler la poudre. Quand un jeune «beur» est éméché, c'est encore les flics... qui tirent !
Après tout, ça paraît logique puisqu'ils se baladent avec des flingues et qu'ils peuvent baver dans une relative impunité...
Quant à ce triste exploit d'une fin décembre 1994, le Père Noël en tunique bleue de Manosque le réalisa grâce à la cheminée de son flingue...
Peu de temps après, en janvier 1995, Charles Pasqua menait campagne pour Édouard Balladur. Il prit la parole le 24 janvier à Paris, devant un parterre d'environ 1500 commissaires...
La consigne (de vote) allait tomber sans équivoques, pareille à la baffe du «keuf» qui tombe sur la gueule du quidam, c'est ce que rapporta Libération du 25 janvier 1995 : «Il faut durcir la cuirasse pour économiser le glaive...».
Qu'à cela ne tienne, il ne manque pas de «gardiens de la paix» prêts à nous faire «la guerre». Et «le glaive» ils savent économiser. Il suffit pour eux de viser à la tête. Une seule balle suffit alors pour stopper net l'élan d'une vie. Ils ne contrôlent alors qu'un mort... mais une balle ça va pas chercher bien cher... Y a pas de petite économie ! Ou bien les coups remplacent le flingue. L'huile de coude... c'est gratis.
Un exemple emprunté à Libération du 8 février 1995 nous éclaire sur les économies prônées par Tartarin Pasqua. Le 7 février 1995, à la station de métro Trocadéro, un usager tente de s'interposer car, selon lui, les policiers dépassent les limites du raisonnable. Ce qui lui vaut un passage à tabac... Pensez, il se mêle de ce qui ne le regarde pas... Et il est martiniquais, phénomène certainement aggravant pour les «keufs» du cru.
Le lendemain il racontera : «Ils se sont jetés sur moi, m'ont menotté dans le dos, serré la nuque et la mâchoire, en me tapant la tête contre les murs et la porte vitrée...». Traîné hors du métro et contrôlé dans le fourgon, l'homme sera relâché car «il n'y a pas de problème». Sauf pour ce dangereux contestataire qui pense indispensable de relever le numéro minéralogique du véhicule. Les CRS interviennent à nouveau et lui filent une «branlée» pour une telle impertinence. À même le sol cette fois, avec des propos du genre : «Vivement les élections, on pourra enculer des gens comme toi...». Au commissariat du 16e la plainte ne fut pas enregistrée... Pas plus dans les postes alentour... L'inspection générale de la police ouvrit... une enquête.
«Droits de l'Homme» éructa jadis Pasqua... Les flics pensèrent alors : les Martiniquais sont-ils des hommes ? Dure controverse comme jadis à Valladolid... Et pendant tout ce temps, ils bavent... Ils bavent les fonctionnaires au dessus de tout soupçon.
Allez, à la semaine prochaine, ça bavera encore...