Libre profanation
Orange
Ce jeudi 13 mars 1997, nous avions rendez-vous à 14 h 30 au Funérarium d'Orange pour la cérémonie funèbre et l'incinération de mon père.Nous avons rencontré une première difficulté avec l'employé municipal ; il nous a soutenu qu'il n'y avait pas de matériel audio à notre disposition pour diffuser une cassette que nous avions enregistrée. Nous savions pourtant que ce matériel existait et nous l'avons négocié : premier mensonge, première perte de temps.
Nous avons enfin eu la salle et à 14 h 30 l'employé municipal d'un service public, je le rappelle, a fait irruption dans la salle mise à notre disposition pour la cérémonie et annonça à la cantonade, sans aucun ménagement, qu'il fallait abréger car l'incinération suivante était en attente. Il a coupé le micro et la musique. Nous avons proposé d'aller parler à la famille suivante... En fait, il n'y avait personne : deuxième mensonge et deuxième perte précieuse de temps.
Il s'est mis alors dans une colère déplacée, il a eu des propos menaçants, notamment d'enlever le cercueil.
Je ne saurais interpréter son intrusion, porteuse de haine et de colère pendant une cérémonie funèbre, à moins qu'il n'ait pu supporter l'éloge faite à mon père qui concernait sa lutte active contre le fascisme en Espagne.
Mais il me semble que cet espace là, à ce moment là, était sacré par la présence d'un mort et que cet espace là a été profané.
Nous ne pouvons dire combien dans ces moments de peine et de deuil, cette agression a été traumatisante et persécutrice.
Pour clore le tout, l'urne et les cendres ne nous ont été rendues qu'à 19 h 30, c'est-à-dire le plus tard possible. Nous pouvons douter face à ce type d'événement, être dans une société de droits et de libertés où l'on respecte la vie et la mort des individus.
Isabel Jarabo