Faut pas charia !
On pourrait nous reprocher, dans la dénonciation de ces méfaits, de forcer le trait s'agissant des religions, nous arguant que ces taliban-là sont à l'islam ce que les Khmers rouges étaient au marxisme-léninisme. N'est-ce pas plutôt la preuve qu'une religion, quelle qu'elle soit, a une tendance prononcée, dès qu'elle détient tout le pouvoir, à instaurer ses propres valeurs et uniquement celles-ci ? Et que dans ce cas, elle fait fi de la liberté de conscience pour ne pas dire de toutes les libertés !
Qu'on ne nous accuse pas de charger la barque parce que, à Kaboul, il s'agit de la religion musulmane. Nous sommes dans le même esprit quant aux autres. A commencer par celle qui pollue chez nous, la secte du Vatican. Il ne faut surtout pas oublier que cette dernière se définit toujours comme apostolique et universelle, et que si les circonstances lui font adopter un profil bas, elle espère des jours meilleurs. Tapis dans les sacristies, l'infâme n'attend qu'une bonne occasion pour rétablir son hégémonie sur la société.
Un ordre moral original
Toutes proportions gardées, ce que les taliban instaurent, ce n'est jamais que leur ordre moral à eux. Et celui des autres religions n'est pas si fondamentalement différent, à commencer par la place qu'elles réservent aux femmes... Quand on y regarde de plus près, les tentatives de retour de l'ordre moral ont les mêmes préoccupations, voilà qui est curieux... Et la crise, la misère, la peur du lendemain, les détresses de tout ordre forment un terreau idéal pour tous les religieux et autres sectateurs tout comme dix-huit ans de guerre ont favorisé l'émergence des taliban.
Et encore une fois, qu'on ne s'y méprenne pas. Dénoncer la situation épouvantable que subissent les femmes et les homme d'Afghanistan ne signifie pas montrer l'islam du doigt en particulier, cet islam qui serait supposé plus retardé que les autre religions qui, elles, auraient gommé leurs excès (et leurs méfaits). Hors de question de passer en revue les mérites comparés des religions et de décerner un satisfecit à certains plus qu'à d'autres au regard d'une pseudo-modernité, sous prétexte que le Dalaï-Lama est sur Internet et qu'il y a des curés en baskets ! Non, encore une fois, ce serait confondre la forme et le fond. Ce n'est pas parce que certains évêques sont plus mondains que des ayatollahs, que la chemise de nuit orange du Dalaï-Lama est plus seyante que la soutane des curetons intégristes, qu'on met du strass et des paillettes que ça change quoi que ce soit au fond ! Le fonds de commerce de toute religion demeure et demeurera l'obscurantisme ! Tout le reste n'est qu'apparence et poudre aux yeux, image de marque et marketing !
Enfin, qu'on cesse de nous bassiner avec les subtiles différences entre fondamentalistes et intégristes, qu'on arrête avec l'islam, qui serait une religion de tolérance qui n'a rien à voir avec les extrémistes, etc. En réalité, l'histoire ancienne et récente nous le montre, il en est de la place, dans n'importe quelle société, de l'islam comme de celle des autres religions, et c'est bien là le sens de notre propos, ni plus ni moins que d'un rapport de forces à instituer dans la société, entre les laïques, libres penseurs, athées et autres tenants de la Raison contre le cléricalisme sous toutes ses formes. Suivant l'état des forces en présence, la laïcité gagne ou perd du terrain. En Afghanistan, il est certain que la laïcité avait peu de chance, mais on peut espérer que les excès des mollahs finiront par lasser les populations... Ce qui se passe à Kaboul nous rappelle amèrement que le combat contre l'oppression religieuse est loin d'être terminé dans le monde et qu'une vigilance de tous les instants est nécessaire ici même parce que les tentatives pour restaurer l'ordre moral ne manquent pas, il suffit pour s'en convaincre de lire notre journal.
Ironie dont l'histoire a le secret, ce sont les étudiantes des grandes écoles de Kaboul qui, les premières, avaient manifesté contre le régime communiste...