« La Raison du plus fort »
documentaire projeté dans le cadre du FRAP à Paris
Radio libertaire : Au départ, ton film s'appelait Le Bruit et les Odeurs. Pourquoi as-tu changé ?Patric Jean : D'abord parce qu'il y a un autre film qui a pris ce titre. Depuis, je ne regrette pas. Ce titre convient mieux à un documentaire qui décrit une société qui prétend défendre la tolérance zéro, mais qui n'applique que la raison du plus fort.
Radio libertaire : Dans ton film, peu de femmes apparaissent, pourquoi ?
Patric Jean : Je pense que c'est très difficile de faire parler les femmes quand elles sont dans la misère. Elles subissent plus fortement le retour d'une image sociale dévalorisée. Dès qu'il y a une situation sociale grave, elle est encore plus violente pour la femme. Elles n'osent plus prendre la parole. Il m'a fallu près de trois ans pour tourner ce film, souvent plusieurs mois, pour montrer que je n'avais pas la même approche que les autres « télés ». Il faut encore plus de temps pour faire leur comprendre que leur parole est importante. Certaines n'avaient même pas les mots pour se raconter.
Radio libertaire : Il manque peut-être une dernière séquence à ton film, comment faisons-nous pour tout changer ?
Patric Jean : C'est un autre film. Le constat (qui sort de mon film) est accablant pour la société actuelle. Mais les gens que j'ai rencontrés n'ont pas de projet pour reconstruire quelque chose. Ils n'ont pas d'idée sur les moyens d'y parvenir, ce qui les rend plus pessimiste sur l'avenir. Transformer la société est quelque chose de complexe qui nécessite une période préparatoire qui n'est pas entamée. Personnellement, je ne crois pas à un Grand Soir qui passerait selon moi nécessairement par de la violence. Ce sont toujours ceux qui sont en bas de l'échelle qui souffrent de la violence. Par contre, il est urgent de transformer radicalement la société, même si ça prend plusieurs générations.
Radio libertaire : Les médias nous rebattent les oreilles avec l'insécurité, tu les prends à contre-pied ?
Patric Jean : J'ai cherché à inverser le problème. Je voulais le point de vue de ceux qui subissent l'insécurité sociale. Ils sont d'une extrême lucidité sur la situation et le peu de perspectives que la société leur offre.