Le Pillage de l'Irak
La réponse à cette question est simple : elles sont en train de piller dans le désert, où le commandement américain les a envoyées « sécuriser » les puits de pétrole. « Sécuriser » veut dire exproprier au nom de Bush, de BP et d'Exxon. Si les médias ont oublié que le pétrole est l'objectif principal de cet exercice militaire, Bush, Cheney et Rumsfeld ne l'ont pas oublié. Ainsi, la télévision nous offre le spectacle du pillage en détail commis par des petites gens de Bagdad, alors que le pillage en gros du patrimoine irakien par l'impérialisme anglo-américain se passe hors caméra.
Mieux encore, dans ce chaos, les Américains comptent faire d'une pierre deux coups. Ne croyez pas que les désordres de Bagdad n'ont pas été prévus. Bush et les stratèges de la Maison-Blanche comptent laisser mijoter tout ça jusqu'à ce que les Irakiens soient prêts à accepter n'importe quelle administration pourvu qu'elle leur offre le minimum de sécurité. Mais les « boys » américains sont-ils prêts à faire la police dans les ruelles de Bagdad ? L'armée américaine, malgré sa grande puissance de feu, n'est pas adaptée aux besognes de la « pacification. »
De plus, si les francs-tireurs (« terroristes ») irakiens descendent un nombre suffisant de jeunes soldats américains, le public américain va demander leur retraite immédiate, comme il l'a fait en Somalie, et Bush sera obligé de céder s'il veut être réélu.
Comment Bush va-t-il donc sécuriser sa conquête irakienne ? Élémentaire, mes chers Watson : il fera comme son père en 1991 ! Junior va se servir de l'appareil répressif de Saddam pour mater la révolution populaire et détourner les aspirations des chiites et des Kurdes. Mais, cette fois, ce sera après l'élimination de Saddam, de son entourage, des chefs du parti Baas et des tortionnaires les plus notoires de la police. Ce numéro classique s'appelle « la libération. »
Quand de Gaulle a libéré Paris en mai 1944, n'a-t-il pas tout de suite réhabilité la police de Vichy ? N'a-t-il pas offert la médaille de la Résistance à ces flics sous-ordres de la Gestapo pour avoir héroïquement assassiné quelques jeunes Allemands attardés dans la déroute ? N'a-t-il pas remis en place les juges et administrateurs, « déportateurs » de juifs et de résistants, comme Papon ? Normal. C'est avec la police vichyssoise que le capitalisme français s'est économisé une révolution populaire dans l'après-guerre et a préparé les répressions futures contre les communistes, les Algériens, les étudiants.
Pareillement, George W. Bush le libérateur de l'Irak compte réhabiliter l'appareil de répression de Saddam (« épuré » et « professionnalisé », bien sûr) afin de parer à la révolution sociale qui suit normalement la chute d'une dictature. Il lui faut cet appareil policier pour contrôler les masses pendant que les groupes américains pillent les ressources de ce riche pays. D'énormes contrats de la « reconstruction » ont déjà été répartis à Washington entre des groupes alliés de Bush comme Halliburton, alors que Chirac, Shroeder et Poutine se rongent le cœur à Moscou, et Blair rentre peinard.
Bush compte-t-il se tailler la part du lion. Mais pourra-t-il la digérer en paix ? Que lui arriverait-il si tous ces Irakiens pauvres mais bien armés se mettaient en tête de prendre leur « libération » au sérieux ? S'ils refusaient d'être administrés par un proconsul américain appuyé sur les tortionnaires de Saddam ? Si ces chiites et ces Kurdes armés réclamaient l'intégrité de leur patrimoine ? Si les petits expropriateurs décidaient d'exproprier les gros ? Si l'exemple de leur révolte menaçait les dictatures pro-américaines arabes en Égypte et en Arabie Saoudite ? Si face à des millions d'arabes en colère le lion américain n'était après tout qu'un tigre de plastique ? Si le public américain se retournait contre son président mal élu qui envoie leurs enfants mourir en Irak pour le pétrole, le pillage et les profits ?
Richard Greeman, internationaliste new-yorkais