éditorial du n°1317
À Bagdad, l'ancienne police est revenue. L'ordre est assuré dans les quartiers par les miliciens du parti Baas. Dans le sud du pays, l'armée américaine traite avec d'anciens membres des sinistres services secrets de la dictature, responsables en ces lieux-mêmes d'impitoyables répressions contre les Chiites. C'est ce qu'on appelle une libération !
Comme pour la France de 1945, où les fonctionnaires pétainistes, complices ou acteurs des déportations raciales et politiques, échappèrent massivement à toute sanction, l'important semble être la continuité de l'État. Le peuple, ou plutôt la fraction qui avait pris le maquis, rendit les armes à ceux qu'il avait combattus. Un jour démocratique, le lendemain dictatorial, puis libéral à nouveau... Surtout, ne pas laisser la place vide, surtout ne pas livrer le peuple à lui-même. Faut-il servir telle puissance d'argent, faut-il s'aligner sur des religieux fanatiques? On le fera, pourvu que la place soit chaude. Les circonstances changent, l'État et sa clique de prévaricateurs restent. Ceux qui veulent changer le monde ne le feront qu'en passant sur le corps refroidi de ce monstre.