Incinérateurs en Bretagne
Ce moratoire permettrait de faire un bilan de chaque usine en mettant à plat les divers aspects de son impact tant socio-économique (création d'emplois, coût réel du traitement, coût réel du kW produit s'il y a production d'électricité, transparence de la gestion et des documents contractuels, etc.) que environnemental (émission de produits polluants, économies de matières premières, bilan énergétique, effet de serre, etc.) et sanitaire (enquêtes épidémiologiques, etc.). Ces études, réalisées par des organismes indépendants dans une totale transparence permettraient à chacun de se faire une opinion assez complète sur ce type de projet, qui nous engage pour plusieurs dizaines d'années.
Notre demande concernant les incinérateurs d'ordures ménagères est motivée par les éléments suivants:
1. L'incinération est un frein à l'indispensable réduction à la source des déchets utilisées, brûlant généralement des ordures brutes (contrairement à ce que prévoit la loi), elle évite de s'interroger sur le contenu de nos poubelles; la capacité nominale d'un four (toujours supérieur aux nécessités initiales du syndicat qui le met en place) n'est pas modulable en fonction de l'évolution des besoins: une telle installation tire vers le haut la production de déchets.
2. L'incinération contrarie le recyclage des déchets à PCI élevé: papiers, cartons et plastiques, faciles à trier sont aussi les meilleurs combustibles dans les déchets, donc nécessaires à l'incinérateur pour obtenir dans les fours une température élevée. Des déchets « trop bien triés » sont impropres à l'incinération. Partout où cohabitent tri et incinération, le recyclage reste faible, les matières sèches triées étant parfois même stockées en vue de réguler les apports à l'incinération.
3. L'impact environnemental de l'incinération est de plus en plus reconnu. Le constat d'une pollution directe par les fumées a conduit à des fermetures précipitées d'installations avec destruction des productions agricoles voisines. De nombreux incinérateurs ont été fermés en 2001 et 2002: ces mesures salutaires n'ont pas pour but d'arrêter d'incinérer, mais de mettre en place une nouvelle génération d'usines dites propres, dont tout laisse à penser qu'elles seront vieilles et polluantes dans dix ou vingt ans.
4. La santé des populations est menacée autour des incinérateurs: des métaux lourds, dioxines, furannes ainsi que d'autres pol- luants sortent des incinérateurs, que ce soit par les fumées (même avec les meilleurs filtres), les éventuels rejets liquides du traitement des fumées et les diverses cendres. Sauf à revisiter les lois de la chimie l'incinération ne fait que transformer les déchets en les dispersant dans l'air (gaz, poussières, etc.) ou en les concentrant dans les cendres, ce qui les rend généralement plus toxiques.
Actuellement utilisés en sous-couche routière, les mâchefers (cendres lourdes, principal déchet visible de l'incinération, environ 30 % du poids initial) contiennent de telles quantités de plomb, qu'il ne serait même pas autorisé de les enfouir en CET de classe 2!
5. Les prises de décision pour le traitement des déchets, en particulier le choix de la filière incinération, sont entourées d'une obscurité proportionnelle aux sommes engagées, dont certaines difficiles à justifier. Trop souvent, les élus et la population sont quasi dépossédés du contrôle de la gestion des filières, ce service public étant capté par les entreprises privées en recherche de marges bénéficiaires importantes. Cela oriente également le choix initial des filières, le tri-recyclage générant beaucoup plus d'emplois que de profits.
6. L'incinération détruit une grande quantité de matière organique qui serait plus utile dans le sol (humus) que dans l'air (gaz carbonique).
7. La chaleur de l'incinération peut être valorisée mais un circuit vapeur avec turbine électrique, d'un faible rendement pour un lourd investissement, monte le prix du kW quasiment au prix de rachat EDF. L'énergie restituée par l'incinération est toujours inférieure à celle nécessaire pour fabriquer la matière première (papier, carton, plastique); le bilan énergétique du recyclage est meilleur, sans compter l'économie de matière première.
Notre demande concernant l'incinération des farines animales est motivée par les éléments suivants:
1. Une disparition apparente des déchets de la production intensive permet de détourner les contraintes agro-environnementales et ainsi mettre en péril la charte de l'agriculture pérenne.
2. L'incinération, en fonction des tonnages traités, induit inévitablement une infrastructure lourde de transport, provoquant pollutions et risques sanitaires accrus. Les promoteurs de ces projets ne tiennent pas compte de ces coûts sociaux.
3. L'évolution de l'agriculture bretonne a créé dans notre région de gros problèmes de qualité de l'eau. L'orientation vers le tout-incinération (farines de viandes, fumier, lisiers, boues) nous conduit vers des problèmes graves de qualité de l'air et ne permettront pas la reconquête de la qualité de l'eau. Dans ce contexte, l'agriculture bretonne risque d'être définitivement discréditée.
4. D'autres techniques (méthanisation, thermolyse) ne nécessitant pas de lourdes infrastructures, sont bien plusvalorisantes (méthane, fertilisant naturel stabilisé), moins onéreuses (traitement des déchets crus) et plus sûres (élimination du stade farines animales et de leur stockage, d'où moins de risques sanitaires).
Éric S. Gourin
Pour le Nicob
(Non à l'incinération
en Centre-Ouest-Bretagne)