Prostitution, le désir mystifié
« Prostitution et le désir mystifié », Max Chaleil
La prostitution est une aliénation intolérable de la femme, car disons-le tout net ce n'est ni le « plus vieux métier du monde », ni naturel pour une femme de livrer ainsi son intimité et de devenir un objet sexuel, et aucune d'entre elles n'aime « ça », comme le pensent beaucoup d'hommes. Si elle en est réduite à cette situation, ce n'est que par la misère matérielle ou affective, et par la pire violence physique comme Chaleil l'avait bien démontré dans son premier ouvrage. Piégée par le jeu de la séduction : le malheur d'être jeune et jolie, devenir la proie des proxénètes et autres marchands d'esclaves, et en outre être rejetée par la société comme une pestiférée, voilà son triste destin.Si la « femme est l'avenir de l'homme », comme l'avait dit le poète, on pourrait ajouter que l'homme est le « cauchemar actuel » pour nombre d'entre elles ! Le sentiment amoureux est réduit à un acte bestial. C'est ce que montre bien l'auteur en faisant le tour du monde de la condition qui leur est faite. Miroir de la société et de son critère d'évolution, sa situation n'est guère enviable dans le monde. Femme objet dans l'imaginaire occidental - le nu et le cul occupent la plupart des publicités pour vendre n'importe quoi -, moteur marchand de la pornographie (la seule culture souvent, ajoutée aux préjugés religieux, des auteurs des « tournantes » banlieusardes, comme il est souligné ici), esclave sexuelle ou animal domestique dans la plupart des autres pays de la planète, on peut mesurer ainsi l'abîme qui la sépare de l'égalité avec le sexe masculin. « Que l'on ne s'y méprenne pas, prévient Chaleil, les souteneurs et leurs alliés, comme tous les profiteurs de la prostitution mais aussi de toute forme d'exploitation, ont intérêt à répéter qu'il faut s'accommoder de l'état du monde et composer avec l'inévitable. Mais peut-on aménager la servitude ? Peut-on s'accommoder du mépris et de la vente de son corps, de sa liberté et de sa dignité ? » Le moindre mérite de cette étude n'est pas de relier le combat des femmes pour leurs droits et leur liberté à la lutte contre l'obscurantisme religieux qui régit parfois leur destin.
Si un concile tardif, il y a quelques siècles, a permis à la chrétienté de leur reconnaître une « âme », ce n'est absolument pas le cas par exemple dans l'islam, où la domination mâle s'exerce sans retenue : « La soumission et l'acceptation constituent, pour la plupart, la norme qu'on ne discute pas : c'est l'homme qui décide, quand il veut et aussi souvent qu'il veut ; la femme subit, telle est la règle. »
La femme n'est pas le seul sujet de cette somme : il y est longuement question également de sujets connexes à la prostitution : inceste, viol, pédophilie, travestis, traités à l'appui d'innombrables exemples tirés de faits divers à travers la presse et d'études sociologiques.
Toutes les figures liées au phénomène - le client, le mac - ainsi que leurs représentations à travers le monde dans l'imaginaire - littérature et cinéma - sont décortiquées avec minutie.
Tous ceux qui sont soucieux de l'émancipation humaine et de l'idéal libertaire trouveront profit à lire cet ouvrage.
Alexandre Skirda