ONU, OTAN et autres machins
La situation actuelle nous expose une nouvelle fois aux rafales d'arguments en faveur du droit international et des institutions qui l'incarnent, ou devraient l'incarner. On voit des Chirac se réclamer, d'une manière amusante, du respect des lois. Toutes sortes de juristes, d'intellectuels et de journalistes s'interrogent fiévreusement sur les résolutions prises ou avortées. Tout le monde s'inquiète : la détermination des faucons américains à faire la guerre sonnera-t-elle le glas du concert des nations ?
Ces incertitudes reposent sur une perception tout à fait erronée de la diplomatie d'une part, du droit d'autre part. On nous présente la diplomatie comme le fait d'enfants de chœur qui, s'ils savent bien sûr mentir un peu, le font dans l'intérêt de la justice. On croit, et on souhaite nous faire croire, que son but est d'accorder les nations pour le bien commun. Mais il n'en est rien. Chaque diplomatie n'a qu'un seul but : augmenter les avantages de son propre État et, puisque nous vivons dans une société divisée en classes, les intérêts des capitalistes du cru. Et le droit n'a que deux fonctions : s'assurer du respect des contrats commerciaux et garantir les privilèges. Bien plus, le droit suppose la force, et celle-ci est entre les mains des États nationaux. On voit mal ceux-ci abandonner leurs prérogatives. Par contre, il n'est pas besoin de les imaginer qui utilisent et détournent - mais est-ce là du détournement - l'Onu et l'Otan pour servir leurs propres visées. Il n'est pas besoin d'imaginer parce qu'on le voit tous les jours.
Le droit bourgeois étant, donc, la consécration de l'injustice, l'apparition d'un droit international, au sens où le réclament certains contempteurs de la « mondialisation libérale », est subordonnée à deux choses : le développement d'un capitalisme qui ne serait pas national ; le développement d'un appareil d'État international doté de cet attribut de la souveraineté ; le quasi-monopole de l'usage de la force.
Pour le premier, les choses ne sont pas encore très avancées. La plus grande partie de la puissance financière et industrielle n'est pas du tout apatride. Si les unités de production sont délocalisées massivement, si les paradis fiscaux offrent un domicile fictif à des flux financiers colossaux, les propriétaires, les personnes physiques qui touchent les dividendes, ne se mélangent pas tant que cela. Les vides et zones d'ombres juridiques auraient plutôt tendance à les arranger.
Quant aux organisations supranationales actuelles, on peut dire qu'elles fournissent du travail, ou plutôt de l'activité et de la justification, à une cohorte de parasites, diplomates, secrétaires, rapporteurs divers et autres. Tous ces braves gens trouveront mille bonnes raisons de pérenniser et d'augmenter leurs prérogatives - je n'ose écrire leurs compétences. C'est là à mon sens la seule force, bien débile face aux appareils nationaux, qui joue pour l'autonomie, sans parler même d'indépendance.
Le droit international est un gadget entre les mains des grandes puissances qui leur permet de soumettre tous les États de moindre importance. Qu'on ne vienne pas nous parler de justice, d'équité, de liberté. Nous le savons, par l'expérience à la fois du droit national et des rapports internationaux : depuis que nations il y a, ce sont les masques du privilège, de l'extorsion et de la contrainte. Le monde des bourgeois est un monde de larrons. Leur droit est à leur image : vicieux, trompeur et malhonnête. Il ne peut servir la cause de l'émancipation que par ricochet, pour ainsi dire comme un bienfait collatéral. Ceux qui mobilisent les institutions internationales qui pour « rétablir la démocratie en Irak », qui pour « sauver la paix » en appelleront aux mêmes pour étrangler au berceau notre révolution - Bakounine le veuille et nous protège ! Et le bon droit, n'en doutez pas, sera de leur côté.
Max Lhourson