« Monologues du vagin »
« Au début, elles étaient timides, elles avaient du mal à parler, mais une fois lancées, on ne pouvait plus les arrêter... ». Les vannes trop longtemps fermées déversent un flot ininterrompu où se côtoient la petite fille, la vieille paysanne, la militante, la lesbienne, la mère de famille, la prostituée, la femme PDG, la dactylo, la noire, la juive, la Bosniaque... Monologues tour à tour cri de rage, fou rire jubilatoire et complice, gémissement de plaisir, ode poétique, message d'amour et d'espoir, tracas du quotidien, inventaire à la Prévert, abattement devant l'ignorance et la bêtise, souvenir mélancolique, révélation de l'indicible, découverte d'un monde inconnu...
Vagin, fleur du désir, du dégoût, affublé de cent noms et pourtant jamais nommé.
Vagin écartelé par les viols, mutilé par tradition, épuisé par les accouchements non désirés.
Vagin mouillé par les pleurs et le plaisir.
Vagin inconnu, apprivoisé dans le miroir.
Vagin, Maison dont les femmes découvrent le chemin et qu'elles se réapproprient.
Vagin est dit, murmuré, crié plus de 120 fois dans la pièce.
« Vagin n'est pas un terme pornographique, mais c'est sale me répond-on, si nos petites filles l'entendent, qu'allons nous leur dire ? »
« Quand de plus en plus de femmes diront le mot, le dire ne sera plus un problème. Ça deviendra un mot de notre vocabulaire, un élément de notre vie. Nos vagins seront alors intégrés, respectés et sacrés. La honte disparaîtra et la violence s'arrêtera, parce que les vagins seront admis et réels et qu'ils seront liés à un discours féminin plein de puissance et de sagesse. »
Et pour cela, Dire les mauvais traitements à l'égard des femmes, les violences infligées par l'inceste, les mutilations, les traitements pseudo médicaux de la masturbation des petites filles, le harcèlement sexuel, la persécution des lesbiennes, les viols...
« 500'000 femmes sont violées tous les ans dans notre seul pays et nous ne sommes pas en guerre, enfin théoriquement » répondait une amie à Eve Ensler quand elle s'insurgeait contre le calme des réactions, face au viol systématique érigé en tactique de guerre en Bosnie 3.
Mais aussi dire le bonheur d'être une femme, le plaisir d'être amante, de découvrir son vagin, de se reconnaître en tant que corps, en tant qu'être sensuel, sensible sans tabou et sans gène, avec un sexe ayant des poils, une odeur et des débordements.
Quant à la mise en scène, place est faite au texte. Trois femmes vêtues de noir, pieds nus, assises. Regards complices, sourires tendres, éclats de rire, gravité portent l'émotion des mots, étonnent le public. Public curieux, de tout âge, de tout sexe, mais en majorité féminin. En somme, pièce à lire ou/et à voir d'urgence !
Sylvie Di Costanzo