éditorial du n°1205
Certes, on ne saurait réduire le foot à un instrument d'une manipulation des uns par les autres. On ne peut nier en effet que le foot peut-être parfois l'occasion d'une prise de conscience de classe et qu'il peut catalyser des revendications contestataires. En 1984, les sidérurgistes lorrains manifestaient leur colère à l'occasion de la victoire de Metz en finale de la coupe tandis que sous la dictature argentine, la foule scandait pendant les matchs : « Elle va tomber, elle va tomber la dictature militaire ».
Mais, ce n'est pas un hasard non plus si ce sont les habitants des villes sinistrées qui soutiennent avec le plus de ferveur leur club de foot. La victoire donne l'illusion aux supporters d'avoir agi (« On a gagné ») alors qu'ils se sont simplement identifiés à leur équipe. Les valeurs que transmet le sport sont celles de l'idéologie dominante : culte de la discipline et du chef, valorisation de la souffrance, division des tâches, conception hiérarchique de la société, sexisme, machisme, etc. Réactionnaire et totalitaire, l'idéologie sportive contribue à désamorcer les tensions sociales en offrant une solution de rechange à la lutte des classe.
Par ailleurs, face aux accusations portées contre le foot professionnel, synonyme de dopage, corruption, violences, ou affairisme, il faudrait défendre l'idéal amateurisme qui serait, généreux, élégant et désintéressé prônant une éthique du jeu en opposition à celle des pros jouant pour gagner. Malheureusement, cette vision idyllique du sport amateur ne résiste pas à la réalité : culte de la performance toujours présent, dopage dès le plus jeune âge et violences à répétition, comme l'an dernier en Seine-Saint-Denis, allant jusqu'à la mort.
Finalement, avec ses rites (les matchs), son église (le club), ses cathédrales (les stades), ses prêtres (les journalistes sportifs) et ses dieux (les Pelé ou Ronaldo), le foot n'offre aucune libération pour les hommes et les femmes.