Une Europe rose, rouge et verte
mis en ligne le 19 novembre 2007
Schröder, après Prodi, Blair et Jospin Après les élections en Allemagne, la gauche social-démocrate se trouve à la tête de onze gouvernements européens. Dans l’Union européenne, les quatre pays qui comptent économiquement et politiquement, l’Allemagne, l’Italie, la France et la Grande-Bretagne, sont désormais dirigés par une majorité de gauche.Le Parti de l’establishment Cet affaiblissement politique de la droite pourrait bien être structurel. En France, une enquête de la SOFRES, publiée après les élections régionales, mettait en lumière le rétrécissement de son assise sociologique traditionnelle. Entre 1986 et 1998, le vote pour la droite s’est littéralement effondré chez les cadres supérieurs, passant de 56% à 35%, au profit du Parti socialiste. Ceci tend à démontrer que le PS s’affirme progressivement comme le parti de l’establishment. En Europe, cette évolution semble générale. Incontestablement, la gauche ne fait plus peur aux classes dirigeantes. Ralliée au libéralisme, le pôle social-démocrate devient en Europe l’incarnation de «l’idéologie» dominante. En prenant un peu de recul historique, cette capitulation intellectuelle de la gauche traditionnelle parait impressionnante : comparé à Jospin, pour ne pas parler de Blair ou de Schröder, même Léon Blum était un «révolutionnaire». Ce ralliement à la gauche d’une importante fraction des couches sociales dominantes doit aussi beaucoup à un phénomène de génération. La cinquantaine venue, les post-soixante-huitards arrivent aux commandes. Moins imprégnés de rigorisme moral que leurs aînés, ils se sentent plus proches d’une Voynet qui a tiré sur des joints que d’un démocrate-chrétien coincé à la mode Bayrou. Une gauche attrape-tout Aujourd'hui, plus généralement, la force électorale de la gauche vient de sa capacité à drainer les votes de nombreuses catégories sociales, laissant essentiellement à la droite les retraités, les commerçants, les artisans ou les paysans. En Allemagne, en Italie, l’aspect «gauche plurielle» renforce encore cet aspect attrape-tout. Menant une politique libérale qui convient parfaitement au patronat, elle parvient néanmoins, malgré un taux d’abstention croissant, à conserver la majorité de son électorat populaire traditionnel qui, faute d’une alternative non-électoraliste crédible, se retrouve en quelque sorte captif. Des relais privilégiés Pour le patronat, la gauche ne manque pas d’attraits. Docile, elle bénéficie de surcroît de relations privilégiés avec les responsables syndicaux. Souvent, ces relais peuvent se révéler fort utiles. N’oublions pas qu’en France, c’est un gouvernement socialo-communiste qui a su imposer une politique d’austérité dès 1982-83. En Grande-Bretagne, Blair s’est illustré en contraignant les chômeurs à accepter n’importe quel emploi ou stage qui leur serait proposé sous peine de perdre tout droit aux allocations. De son côté, le gouvernement Prodi a réalisé des coupes dans les budgets sociaux sur une échelle jamais approchée en Italie. Dans ce paysage, Schröder ne devrait pas dépareiller. Le futur ministre du Travail et des Affaires sociales devrait être un certain Walter Riester, numéro deux du syndicat de la métallurgie IG Metall. Espèce de Notat allemand, Riester est membre du conseil de surveillance de trois grands groupes industriels, Thyssen, Audi et Daimler-Benz. Sous l'ère Kohl, un «Pacte pour l’emploi», élaboré conjointement par le gouvernement, le patronat et la confédération syndicale DGB, prévoyait des allégements de charges sociales et le gel des salaires contre la vague promesse de créations d’emplois de la part du patronat. Ce «Pacte» avait finalement avorté. Notons que, du côté syndical, Riester avait été l’un des principaux défenseurs de ce «Pacte». Sur ce terrain, il ne manquera certainement pas de se remettre à l’ouvrage.