Les Braves gens
À la petite semaine
Comme l’équipe de France de football, la police est tenue de faire des résultats. Peu importe parfois la manière. Semblable aux spectateurs chauvins, abrutis de suffisance cocardière et réclamant la peau de l’entraîneur en cas de défaite, l’opinion publique ne saurait admettre qu’un crime n’ait pas son coupable et, tel cet odieux personnage qui disait préférer l’injustice au désordre, s’accommodera d’un criminel de circonstance, fabriqué de toutes pièces, plutôt que de supporter une monstruosité impunie.Pour les braves gens qui font la France profonde, il existe, quand la quiétude des villages est ébranlée par quelque « fait divers », une catégorie de criminels sur mesure, éternel gibier de potence tout désigné et prêt à l’usage : gitans, romanichels, chemineaux et marginaux qui ont pour tort considérable de ne pas mener la vie en chaussons et repas de première communion de Monsieur Toulemonde.
Le meurtre après le viol d’une adolescente anglaise à Pleine-Fougères et cette nécessité de fournir dans les plus brefs délais à l’opinion publique un assassin dont elle puisse se repaître ont valu à l’un de ces coupables rêvés, quelque temps après les faits, d’effectuer un petit séjour de garde à vue, sans doute des plus agréables, uniquement justifié par la marginalité de ce parfait suspect. Totalement innocenté depuis, le voilà contraint aujourd’hui d’espérer toucher quelques légitimes dommages et intérêts pour fuir la région du crime où il fait l’objet, faute de leur être offert en lynchage, d’une hostilité médiocre et vile de la part des populations locales.
Vous n’ignorez point tout le mal que nous pensons ici d’une justice dite, à juste titre, bourgeoise. N’oublions pas que, laissée au bon vouloir des braves gens du terroir, il y a longtemps qu’ici et là des individus seulement coupables d’être hors normes reposeraient à six pieds sous terre, pour la plus grande paix des foyers. Allez France !