C'est le plan Juppé qui continue !
Loi de financement de la Sécurité sociale
La conférence sur l'emploi, les salaires et la réduction du temps de travail (voir [l'article page une- 2723]), a fait passer l'annonce de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 1998 au second plan de l'actualité...Présentée le 26 septembre par Martine Aubry, cette loi inclut pourtant la prolongation pour trois (longues) années de la R.D.S. (Remboursement de la dette sociale) instaurée par Juppé en 1996 (0,5% sur tous les revenus). Sous le gouvernement précédent, cela aurait suffit à faire scandale et à déclencher une journée de grève !
Par ailleurs, le gouvernement continue d'organiser la pénurie dans le domaine de la santé puisque «les dépenses des caisses ne devront pas dépasser 613,6 milliards de francs» (600,2 milliards en 1997) soit une progression de 2,23% (contre 1,7% en 1997). Un «rattrapage» largement insuffisant pour compenser la rigueur drastique qui a frappé et frappe encore les hôpitaux !
L'étatisation : le faux nez de la privatisation
Mais ces chiffres (indigestes par définition) ne doivent pas nous faire oublier le plus important : sur le fond, le simple fait de promulguer la loi de financement pour 1998 entérine tout bonnement l'élément essentiel du plan Juppé.
En effet c'est la réforme de la constitution, adoptée le 19 février 1996, par le Parlement réuni en congrès à Versailles, qui prévoit le vote, chaque année, de ces lois, avec pour objectif «la maîtrise des dépenses de santé» - ou, autrement dit, leur restriction. Juppé voyait dans ce renforcement du rôle du parlement la clef de voûte de sa réforme.
Cette étatisation de la sécu, c'est le faux nez aidant à préparer la privatisation... Et le basculement des cotisations maladies sur la CSG (qui passe à 7,5%) ne peut se comprendre que dans cette optique : avec la suppression de la cotisation salariale maladie, la sécu n'a plus de recettes attitrées. L'État la finance, selon son bon vouloir, par un impôt qui peut, à n'importe quel moment, être affecté à d'autres postes budgétaires !
Notons au passage que pour couronner le tout, la CSG, impôt direct prélevé à la source, est encore plus inégalitaire que l'impôt sur le revenu, puisque le taux de l'impôt n'évolue pas avec le montant des revenus mais reste fixe... C'est dire le souci de «justice sociale» du gouvernement !
Mais pour ce dernier, comme pour l'appareil socialiste (le PS et la CFDT, son officine syndicale), le démantèlement du régime général est un objectif désormais acquis, tout cela au nom de la rationalité économique des marchés, du «réalisme» au service du système capitaliste... !
Côté PCF et CGT, l'accroissement du rôle de l'État dans la gestion de la sécu bénéficie d'un accueil plutôt favorable : les conceptions idéologiques de ces organisations leur font considérer l'institution étatique comme un outil pouvant être utilisé «à bon escient», en faveur de la justice sociale.
Ainsi, alors que les anarchistes luttent pour revendiquer une reprise en main du système de protection sociale par les assurés et les usagers eux-mêmes, la gauche radicale (?) s'aveugle du «tout État» et veut encore faire croire à la possibilité d'un «État justicier». Arlette Laguiller, dans Lutte Ouvrière du 12 septembre 1997, allait d'ailleurs jusqu'à dire : «En soi, faire financer la protection sociale par les impôts ne serait pas injuste, bien au contraire, mais à condition qu'on prenne véritablement dans la poche des riches.» No comment !
Un trou sans fond, et pour cause...
Le numéro de cirque n'eut cependant pas été complet sans le désormais classique et périlleux exercice de prédiction.
Là encore, on retrouve dans ce gouvernement la même démagogie et la même technique des effets d'annonce que dans le précédent.
Concernant les prévisions sur le redressement des comptes, Juppé avait promis de rendre la sécu excédentaire.
Martine Aubry a promis de réduire le déficit de quelques 21 milliards... Qui dit mieux, qui fait «plus réaliste» ?
Mais bien entendu, pas un mot sur la vrai réalité de ce fameux trou de la sécu fabriqué essentiellement par les impayés des patrons envers l'URSAFF et par les exonérations de charges dont bénéficient ces petits coquins d'employeurs... !
Plus un mot sur les projets pré-électoraux qui consistaient à remettre en question le système comptable des «provisions», grâce auquel les entreprises escamotent des milliards chaque année.
Plus un mot non plus sur la baisse des impôts (pourtant programmée par Juppé !) et plus un mot critique contre les cadeaux faits aux employeurs : 112 milliards de francs pour 1997 si l'on ajoute les baisses de cotisations sociales sur les salaires et le coût des emplois aidés (CIE)...
Mais comment s'en étonner ? Protéger et servir le Capital, n'est-ce pas implicitement le mot d'ordre de tout «bon» gouvernement ?..