L'Ordre moral contre les femmes
L'agression cléricale
La croisade bat son plein. La rechristianisation de l'Occident passe par la France dont la tradition fait qu'elle serait la fille aînée de l'Église. Cette seconde évangélisation dont l'appel fut lancé par Jean-Paul II en 1982 à Compostelle, devant des milliers de fidèles, justifie une offensive de la foi contre des libertés fondamentales. Le pape n'a de cesse de vouloir imposer à toutes et à tous ses normes et ses interdits. Qu'il s'agisse du divorce, de l'homosexualité, du préservatif, de l'avortement ou de la contraception, il brandit le spectre de la culture de mort. Il n'est pas suffisant de prêcher et de catéchiser, il lui faut intervenir dans la vie publique et politique comme chef d'État, au-dessus de tous les États. N'affirme-t-il pas que la loi divine doit primer sur toutes les lois civiles ? C'est en cela qu'il soutient les opérations de sauvetage contre les établissements pratiquant des interruptions volontaires de grossesse et que de nombreux prélats sont venus témoigner devant les tribunaux en faveur des commandos anti-avortement, quand ils n'en faisaient pas partie eux-mêmes.
Le Vatican, avec l'aide de la puissance de l'Opus Dei, organise un réseau influent dans les milieux politiques et institutionnels : que ce soit Hervé Gaymard ou Jean-Claude Gaudin et leurs liens avec Chirac dans la Fondation Jérôme Lejeune, ou que ce soit Christine Boutin, membre du conseil pontifical pour la famille, militant sans relâche dans les milieux parlementaires, contre le droit à l'avortement et pour les droits de la vie, ou que ce soit encore Colette Codaccioni qui contribua à liquider le Planning familial du Nord avant d'être ministre de la solidarité entre les générations mais surtout active défenseur de la tradition familiale. Il œuvre aussi dans les domaines de l'information ou de la santé : pour censurer des émissions de télévision ou faire interdire films et affiches, pour modifier des campagnes d'information sur le sida ou la contraception, pour mettre en place une consultation éthico-religieuse à l'hôpital public de Béclère, à Clamart.
Les lobbies de l'ordre moral rassemblent, dans une même croisade orchestrée par le Saint-Siège, traditionalistes et intégristes qu'ils soient villiéristes, frontistes, de droite mais aussi de gauche. Il n'est qu'à se souvenir de la censure exercée par Bérégovoy dans la campagne «Pour ne penser qu'à l'amour» ou qu'à craindre un certain nombre d'interventions à venir de ministres de Jospin à la lumière de ce que d'aucuns ont déjà commis : Chevènement n'a-t-il pas signé un appel à la jeunesse, qui visait à rétablir la famille, aux côtés de gens peu recommandables ?
Une résistance s'organise...
Les femmes ont de tout temps été prisonnières des religions. L'espace de liberté qu'elles ont conquis par leurs luttes se réduit sous la butée des fous de Dieu et de leurs relais dans la classe politique. Mais elles reprennent le combat de leur émancipation car une grande partie d'entre elles est consciente du rôle qu'on veut leur faire jouer entre marmites et marmots sous couvert de crise économique : il leur faut préserver leur corps de toute entrave et de toute violence, il leur faut gagner dans la liberté de choix de vie et de sexualité, il leur faut lutter contre toute tentative de discrimination et d'exclusion. C'est pourquoi la manifestation du 25 novembre 1995 et les assises pour les droits des femmes en mars 1997 ont été de si grands succès.
Le combat contre l'ingérence du pouvoir pontifical et religieux dans la vie politique et civile au service de l'ordre moral et au détriment des libertés et des droits des femmes est une urgence.