De la «main courante» aux mains baladeuses
Chronique des bas-fonds
Libération du 24 février 1993 rapporte qu'en appel, le tribunal de Paris, lors de sa séance de la veille, a relaxé un commissaire de police «condamné en septembre 1992 à 3 000 FF d'amende... pour s'être exhibé devant trois jeunes femmes» dans son commissariat.Le Monde du 6 août 1993 nous compte les mésaventures de deux inspecteurs de la PAF mis en examen à Menton le 24 juillet 1993 pour «attentat à la pudeur sous contrainte par personne ayant autorité»...
La République du Centre-Ouest du 5 décembre 1993 dévoile une affaire dans laquelle un policier de cinquante ans est mis en examen (le 30 novembre 1992) pour «attentat à la pudeur sur la personne de sa fille de quinze ans. Les faits duraient depuis plusieurs années, mais ils ne furent pas qualifiés de viol...»
Libération du 1er octobre 1994 nous informe sur la mise en examen et l'incarcération pour viol d'une jeune Marocaine (le 30 septembre à Amiens) de trois gardiens de la paix. Selon un communiqué du procureur de la République, les faits se seraient déroulés dans la nuit du 19 au 20 septembre 1994, dans un fourgon de police...
Le Parisien du 1er février 1995 rapporte qu'un gendarme de trente-cinq ans a été condamné, le 31 janvier à Rillieux-la-Pape, à trois ans de prison dont deux avec sursis, pour «agression sexuelle sur une jeune femme placée en garde à vue»...
Libération, le 16 mars 1995, nous informe que la veille, à Bobigny, un policier témoin passif d'un viol au commissariat de Sevran (en 1991) a été condamné à quatre ans de prison ferme. Le violeur lui était mort du sida un an plus tôt...
Le Monde, le 11 mai 1995, rapporte que, le 26 avril à Nancy, un gardien de la paix de vingt-neuf ans a été condamné à dix-huit mois de prison dont douze avec sursis pour avoir violé un travesti algérien au dépôt des étrangers de la préfecture de police...
Libération, le 23 octobre 1995, informe sur la condamnation le 20 octobre à Marseille d'un ancien membre du GIGN à quatorze années de réclusion criminelle pour participation à un viol collectif avec deux de ses collègues...
Libération, le 24 novembre 1995, parle de la condamnation la veille à Paris de deux policiers aux mains baladeuses. Ils avaient fait se déshabiller une jeune norvégienne, avant de lui infliger une fouille au corps, dans un «local technique» de la RATP à la station Saint-Michel. Pour l'un quinze mois de prison dont onze avec sursis et pour l'autre six mois avec sursis...
Libération du 6 mars 1997 nous raconte qu'à Aubervilliers une employée communale à qui il est reproché de n'avoir pas contrôlé la régularité de la situation d'un immigré tunisien s'est trouvée «en garde à vue, dans une cellule minuscule avec tout ce qu'on voit dans les films : cadenas, caméra de surveillance, projecteur et surtout... fouille au corps»...
La liste pourrait être encore plus longue tant les turpitudes sont courantes (comme la main) dans les commissariats de l'Hexagone.
Le pouvoir que confèrent la fonction policière et l'uniforme ne s'arrête pas aux bavures des «ripoux». L'humiliation d'êtres humains (des femmes) donne une idée précise de l'univers machiste que le commissariat restitue en condensé. Aussi, au bout de ces vingt semaines de chronique des bas-fonds, nous sommes en droit d'écrire que la police renferme un nombre important de racistes, d'indélicats, de pourris, de violents, d'assassins en puissance, de violeurs, en résumé de personnages peu reluisants et «douteux».
Le Monde libertaire poursuivi pour un billet d'humeur ne mérite pas d'être poursuivi, encore moins d'être condamné. La cohorte de «ripoux» et de «douteux» disqualifie à l'avance toute tentative ministérielle de présenter la police comme un corps de citoyens au-dessus de tout soupçon.
Un jour peut-être, nous reprendrons la rubrique des bas-fonds. Si les lecteurs le désirent, ils le feront savoir. Allez tchao !