L'« Exil »
Lecture
d'Ali Keskin
Malgré la présence d'une forte communauté (plus de 500 000 personnes) il n'existe pas de témoignage sur l'immigration turque en France, comme il en existe en Allemagne (cf. Tête de Turc de Gunter Wallraff). Une immigration liée à des causes à la fois économiques et politiques, il ne faut pas le perdre de vue.Les influences politiques (les multiples partis marxistes y sont très implantés mais aussi l'extrême droite), la culture encore très imprégnée par la société rurale et l'islam (surtout la langue et les conditions de vie) expliquent en partie cette méconnaissance et la difficulté à nouer des contacts.
Exil est l'histoire d'un parcours individuel, l'histoire d'Ali, qui, à la suite du coup d'État militaire de 1980, doit prendre le chemin de l'étranger. Un parcours semblable à beaucoup d'autres, que nous n'aurons pas l'occasion de connaître.
À un moment où l'État français accentue sa politique répressive envers les étrangers (en en faisant des boucs émissaires de son incapacité à résoudre la crise sociale) il me semble indispensable de mieux connaître (pour certains) ou de découvrir ceux qui en sont les victimes et qui vivent à nos côtés. Des exilés auxquels les anarchistes se doivent d'exprimer leur solidarité en tant qu'hommes, exploités et proscrits. Ce livre leur donne la parole, en expliquant le pourquoi de leur départ, leurs conditions de vie chez nous, leurs espoirs, leurs rêves, tout en n'oubliant pas que l'exil est toujours une souffrance.
Même s'il ne peut y avoir de confusion entre Marx et Bakounine [[Aujourd'hui est en train de naître en Turquie, un mouvement anarchiste. Ce mouvement encore peu connu lutte dans des conditions difficiles. La Turquie est un État sous haute surveillance militaire, dirigé par un gouvernement né d'une alliance islamiste-droite libérale.]], Ali Keskin se livre cependant dans cet ouvrage à quelques réflexions qui ne devraient pas laisser indifférents les libertaires que nous sommes : «la question primordiale, c'est de tout commencer à partir de l'individu (...) la vie n'est-elle pas plus belle lorsqu'on lutte pour un monde sans oppression, sans exploitation, mais ne le serait-elle pas davantage si tous les gens s'aimaient et se respectaient mutuellement».
Exil n'est cependant pas un livre politique au sens strict, c'est aussi ce qui en fait sa beauté.
Ali Keskin sera présent sur Radio libertaire dans l'émission La Philanthropie de l'ouvrier charpentier samedi 7 juin de 10 heures à 11 h 30. Il sera également à la librairie du Monde libertaire le même jour à 16 h 30 pour un forum (145, rue Amelot, Paris 11e).
Jean-Jacques
groupe Clément Duval