Loppsi 2 : et après ?

mis en ligne le 17 février 2011
1623LoppsiDans la continuité de la loi sur l’orientation et la programmation de la sécurité intérieure (Loppsi) votée en 2002, la loi dite « Loppsi 2 », votée le 8 février 2011, n’est qu’un avatar de plus. Il s’agit, encore une fois, de nous vendre comme « exceptionnelles » un autre train de mesures répressives et sécuritaires qui nous rendraient libres en supprimant pourtant nos libertés 1.
Comme dans d’autres épisodes similaires, à l’occasion de l’adoption de la loi sur la sécurité quotidienne (LSQ, 2001), sur la sécurité intérieure (LSI, 2003), loi Perben (2004), Hadopi (2009), etc., de nombreuses oppositions sociales, syndicales et politiques se firent entendre. Sans grands succès, il faut bien le reconnaître. D’une part, la suprématie étatique sur nos libertés individuelles et politiques n’est plus guère discutée par nos concitoyens ; d’autre part, l’alignement de presque tous les partis de gouvernements (réels ou supposés) sur la vox populi et le conformisme ambiant, aident à construire un relatif acquiescement des forces dites d’opposition du consensus répressif et autoritaire. Ce constat est validé dans les faits : la Loppsi 2 fut présentée à l’opinion publique en 2009, et c’est à la fin 2010 seulement que des voix dissonantes commencèrent à se faire entendre. Et aujourd’hui, les collectifs construits en réaction à cette loi vont se dissoudre.
Mais la récente campagne menée contre Loppsi 2 permet d’observer une situation nuancée qui peut ouvrir sur des perspectives. Diverses dispositions firent réagir surtout des usagers d’internet, puis ceux d’habitations légères et nomades. Il faut rappeler que le préfet peut mettre en demeure les occupants d’un terrain de quitter les lieux sans qu’une décision de justice ne statue sur la situation, ce qui était le cas jusqu’alors. Et cela peut aboutir à la destruction des habitats illicites.

Stop ou encore ?
Pour exemple, ce sont les occupants d’habitats hors normes qui réagirent à Alès (Gard) en décembre, puis à Toulouse en janvier, pour protester contre Loppsi 2. Des campements et occupations de sites urbains eurent lieu. Ces actions alertèrent et firent réagir les secteurs militants, assoupis, même si des initiatives avaient déjà été menées 2, mais sans dépasser le cercle des protestataires habituels. Il y a un certain fatalisme des militants face à l’implacable volonté étatique de nous imposer ses logiques et ses lois, alors que des pratiques plus subversives ont des résultats plus spectaculaires. Même si celles-ci n’ont rien empêché, sur le fond. Pour l’instant…
Encore dans le Gard, la vidéo mise en ligne sur l’internet qui montre un blocage pacifique de manifestants gazés par un officier de gendarmerie a fait événement. Cette vidéo fut prise à Anduze le 1er février 2011, alors que le sous-préfet et des élus – dont le maire UMP d’Alès – prenaient un train qui ne pouvait démarrer, bloqués par des opposants à l’intégration imposée à leur commune à une communauté dite du « Grand Alès ». Les réactions qui suivirent permirent à cet épisode d’une lutte très locale d’occuper les titres de la presse nationale en quelques jours. Là, c’est le dérapage des « forces de l’ordre » face à des personnes déterminées et pacifiques qui a permis de gagner la bataille de l’opinion.
Mais ce n’est pas tout. Des rassemblements initiés par le Collectif local contre Loppsi 2 le 18 janvier, ou pour la libération d’Abdel 3 donnent l’opportunité à la préfecture de Nîmes d’envoyer des lettres à des activistes locaux. Ces lettres leur rappellent que les rassemblements auxquels ils ont participés n’étaient pas déclarés en préfecture. Il y a là une stratégie d’intimidation. On peut penser que la préfecture ne s’arrêtera pas là : d’autres activistes recevront donc d’autres lettres.
Les moyens traditionnels des militants de tous bords peinent à enrayer la machine sécuritaire. Il y a des pratiques désobéissantes qui engrangent des succès. Des situations sont créées par l’administration qui nous met en position d’obéir ou de résister. Ajoutons à cela un contexte où les désobéissances sont des outils intégrés dans les formes de luttes des mouvements sociaux (faucheurs d’OGM, déboulonneurs de pub, RESF, résistants à la base élèves, actions contre la réforme des retraites de 2010, etc.). On comprendra bien où je veux en venir. Il faut prendre au sérieux ces questions de désobéissances, car elles sont à l’ordre du jour 4. Et puisqu’il ne suffit pas de se définir « anarchiste » pour être un « désobéissant », il serait grand temps que débats qui aboutissent et pédagogies actives s’installent dans nos recherches pour un autre futur.




1. Voir l’article d’Agnès Pavlowsky, Le Monde libertaire, n° 1618.
2. Voir le site http://antiloppsi2.net.
3. Militant sans papiers enfermé au centre de rétention de Nîmes, mais libéré depuis.
4. Lire « Devoir de désobéissance », de Jean-Jacques Gandini, Réfractions, n° 25, automne 2010.