éditorial du n°1430
mis en ligne le 9 avril 2006
Il y a peu, dans ces pages, nous regrettions la mollesse des étudiants
parisiens, l'opposant à la franche - détermination de leurs homologues de
province. Depuis, la Sorbonne s'est transformée en lieu symbole du
mouvement anti-CPE. D'occupations en barricades, de journées d'actions en
coups d'éclat, les sorbonnards ont su ridiculiser la police, passant par
la fenêtre quand elle gardait la porte, obligeant Sarkozy à rentrer
précipitamment des Antilles. À Poitiers, Rennes, Caen, Nantes, Tours,
Toulouse, Lille, Marseille... les mêmes scénarios se sont répétés, les AG
font salle pleine et partout la jeunesse demeure mobilisée, partout elle
crie son refus de la précarité. Elle le crie si fort et si bien qu'elle
est en train de réussir là où, en 2003, ses aînés ont échoué : grâce à
elle, le pouvoir commence à perdre son sang-froid. Quand on envoie des CRS
plutôt que des négociateurs, quand on tente de coller aux étudiants qui
occupent pacifiquement les facs l'étiquette d'activistes violents, c'est
qu'on commence à prendre peur. Si les dirigeants ont la trouille, c'est
aussi parce qu'ils constatent un rapprochement de fait entre des
mouvements jusque-là plutôt isolés. Intermittents du spectacle,
sans-papiers et chômeurs se joignent aux cortèges étudiants, participent
aux occupations et blocages dans les facs, et font évoluer les mots
d'ordre, lesquels ne se cantonnent plus à la seule volonté de voir abroger
le CPE. Pourtant, si progressivement les luttes tendent à se fédérer,
manque un absent de taille : la banlieue. Pour peu qu'elle « se réveille
», comme disent les médias officiels qui la pensent, à tort, endormie, les
conditions seraient réunies pour un véritable mouvement de l'ensemble de
la jeunesse, alliée bien sûr aux travailleurs: Dans cette perspective, les
classes dirigeantes auraient cette fois réellement de quoi se faire du
mouron. Les anarchistes souhaitent vivement non seulement la réussite du
mouvement anti-CPE qu'ils soutiennent activement, où qu'ils se trouvent,
depuis le début, mais aussi son élargissement. Le CPE n'est, en somme,
qu'une mesure parmi d'autres dans la guerre menée contre le peuple par les
tenants du capitalisme. Pour l'heure, les propositions faites dimanche par
un de Villepin aux abois sont bien sûr irrecevables. Nous irons jusqu'au
bout, le printemps sera brûlant. Et le printemps, c'est lundi.