éditorial du n° 1377
Voilà ce que souhaitait il y a quelques jours un journaliste de France-Info aux nouveaux-nés de l'année 2004, avant d'enchaîner sur les conditions désastreuses dans lesquelles se déroulent l'accueil des patients et le travail des salariés de l'hôpital en France. Ironie ? Humour ? Non, apparemment ni l'une, ni l'autre. Il s'agit bien de ce monde moderne, que l'on tente de nous vendre à toutes les sauces. Celle des journalistes, celle des experts, celle des gouvernants et bien évidemment celle des patrons, qui eux, ne pêchent jamais par manque de modernité. Un monde moderne, où l'on réinvente le temps des croisades, de la religiosité triomphante, de l'esclavage et du patriarcat. Evidemment, qu'on se rassure. Il ne s'agit plus de ces temps obscurs où l'absolutisme dictait la marche du monde. Non, aujourd'hui nous vivons en démocratie et la liberté, les droits de l'homme (plus que ceux de la femme), la justice et l'égalité sont au cour de ce monde que construisent les grandes puissances au niveau national et international.
Et n'en déplaise aux ivoiriens, aux irakiens ou aux afghans morts sous les bombes de la modernité. N'en déplaise non plus à tous ces archéoextrémistes, qui s'opposent à ce que nos vies ne réduisent pas à l'économie et que subsiste encore des lambeaux de services collectifs. N'en déplaise non plus à toutes ces femmes qui se font taper dessus, où à celles voilées à qui l'on empêche d'accompagner leurs enfants en sortie à l'école sous prétexte de laïcité pendant que d'autres érigent des croix haute de 17 mètres en plein centre ville. N'en déplaise enfin non plus à tous ceux qui bientôt, se retrouveront enfermés dans des camps aux frontières de l'Europe ultra-moderne.
Comment faire face à de telles régressions ? Comment dépasser cette apathie qui nous assomme toujours plus à chaque lutte perdue, à chaque acquis qui disparaît ? Les dirigeants de ce monde ne se privent pas pour utiliser toujours les mêmes instruments de domination. Ne nous privons pas non plus. Il n'y a rien à attendre de ce système, même à visage humain. Si nous avons sans doute beaucoup perdu en terme de pratique de ce qui faisait la culture ouvrière et de ses luttes, nous en avons encore la mémoire. Profitons-en.