La CNT ne restera pas à l'exterior's

mis en ligne le 22 avril 2004

Interior's

« Quand le chat noir sort ses griffes, les patrons s'en prennent plein le pif. » C'est le dicton à la mode dans les rues du Havre. La CNT vient en effet de faire mouche deux fois au sein d'une entreprise spécialisée dans le meuble pseudo anglais. Ne cherchez pas dans votre quotidien favori. Qu'il soit régional ou national, aucun canard n'a fait ses gros titres là-dessus. Pourtant, ces victoires valent leur pesant de copeaux.

Depuis avril 2003, le bras de fer entre la direction d'Interior's et la CNT n'a pas eu de répit. Sans parler des pressions et intimidations rituelles, les anarcho-syndicalistes ont dû essuyer les bancs de plusieurs tribunaux pour répondre de leurs méfaits : désignation d'un délégué syndical (deux fois), envoi d'une lettre d'information aux magasins, etc. Chaque audience fut un pot-pourri réactionnaire digne du xixe siècle. Sus à l'anarcho ! Faut dire que l'avocat de la direction n'est autre qu'un conseiller municipal UMP du sieur Antoine Rufenacht (fidèle de Chirac). Bref, entre rire nerveux et colère, les cénétistes n'ont pas été à la noce tous les jours. En prime, ils ont dû retourner leurs poches pour couvrir des frais de justice exorbitants.

La partie n'était pas gagnée. Même si la CNT est le seul syndicat présent dans la boîte, elle a dû batailler ferme pour gagner sa représentativité. C'est comme ça quand on n'appartient pas à la bande des cinq (CGT-CFDT- FO-CGC-CFTC). Après quelques chicaneries d'usage (décompte des cotisations payées en liquide, etc.), le bilan a été vite fait. Avec, à l'époque, 32 adhérents reconnus pour 397 salariés, la juge a pu constater que la CNT Interior's alignait un taux de syndicalisation de 8,06 %. « Un exploit si l'on sait que le taux moyen en France est de 6 % », note le trésorier du syndicat. Avant même de connaître la décision de justice, la direction faisait savoir qu'elle irait en cassation sur un jugement prononcé le 18 décembre. Ayant statué sur le risque de répression qui plane sur les adhérents de la CNT, le tribunal avait autorisé la dispense de communication des pièces concernant l'identité des rebelles. Pour la direction, si attachée au « débat contradictoire », il s'agit là d'une violation de la Convention européenne des droits de l'Homme. Pas moins ! En toute logique, pour les mêmes motifs, la direction a lancé un deuxième pourvoi après le jugement du 5 février.

Ces joutes donnent des ailes aux salarié(e)s. De nouvelles adhésions sont tombées dans les ateliers havrais et dans les magasins régionaux. La CNT a du succès chez les ouvriers mais aussi chez quelques cadres. L'exaspération générale s'est concrétisée le 30 mars à l'issue des élections des délégués du personnel et du comité d'entreprise. Moment cocasse pour des anars... « Pour une fois, le slogan en vigueur était Abstention, piège à cons ! Notre liste a ramassé près de 100 voix », annonçait fièrement un militant à l'issue du premier tour. La direction aussi sait compter. Face au péril noir, elle a présenté une « liste de rassemblement », avec des candidats « libres », au second tour. « C'est dingue, ironise un cénétiste. Les candidats jaunes ont fait de la surenchère. Ils demandaient une rétribution plus juste, des chèques vacances, des cadeaux de Noël et même un 13e mois... Les collègues ne sont pas tombés dans le piège. L'agitation patronale était pourtant terrible. Tous les coups semblaient permis. Lazzis, saccage des panneaux syndicaux... Une réunion de formation a même été organisée pour l'encadrement. En fait, leur truc c'était comment flinguer la CNT en dix leçons... »

À l'évidence, le patron (qui vient d'être élu Homme de l'année 2003 par le Medef local) n'a pas retourné les foules. Le verdict prolétaire est tombé. La CNT a remporté la mise avec trois délégués du personnel et deux délégués au CE. La liste jaune arrive derrière. « Ça jasait pas mal dans les bureaux », a remarqué un candidat.

« Au fait, le 13e mois, c'était pas une sotte idée... Si on en causait ? » miaule le chat noir.